Plassard Rites
Rites

La danse ne meurt jamais, illustration en festival à Lyon

Pendant un mois et avec 7 spectacles, la Maison de la danse crée “Tradition et modernité”, un événement démontrant que la création contemporaine puise dans une danse traditionnelle, elle-même rendue vivante par des approches artistiques novatrices.

Rites, chorégraphie de Denis Plassard © Christian Ganet

Rites, chorégraphie de Denis Plassard © Christian Ganet

Citant les années 1960 et la post-modern dance, qui prônaient la rupture totale avec des esthétiques académiques, Dominique Hervieu, la directrice de la Maison de la danse, veut nous rappeler qu’aujourd’hui la danse se permet les mélanges et les références à son histoire, n’hésitant pas à revisiter ou dialoguer avec le répertoire classique, les danses traditionnelles, les œuvres appartenant au patrimoine chorégraphique.

Tout ceci n’est pas une récente découverte et il est à espérer – à la vue de certains artistes déjà programmés – que le public lyonnais a saisi ces évolutions de la danse. Saluons cependant ce moment fort, qui trouve sa logique dans le désir farouche qu’a Dominique Hervieu de nous amener à regarder le travail des chorégraphes d’une manière plus experte, et tentons de percevoir ce qui relie chaque spectacle à cette vaste thématique.

Danses identitaires

Issus du Ballet national d’Espagne, Antonio Pérez et David Sánchez sont d’ardents défenseurs des œuvres les plus prestigieuses du répertoire de danses classiques espagnoles et du flamenco. Avec En plata et sous la forme d’une grande fresque chorégraphique, ils nous proposent de découvrir toutes leurs particularités. La touche moderne est apportée par une écriture stylisée et un traitement inédit de la lumière et des costumes, qui délaissent l’austérité scénique dans laquelle ces danses ont été perpétuées.

Play, le duo de Sidi Larbi Cherkaoui et Shantala Shivalingappa, explore à travers le jeu la rencontre entre un homme et une femme mais aussi le croisement des identités. Il sera intéressant de découvrir comment se font les connexions entre le chorégraphe dont la gestuelle féline emprunte à la calligraphie arabe et cette spécialiste du kuchipudi, danse classique indienne caractérisée par la fluidité des mouvements et l’extrême mobilité du visage.

Abou Lagraa a choisi lui de parler de ses racines africaines en rendant hommage à Nina Simone, qui dans ses chansons n’a cessé de revendiquer ses origines. Conçu en deux temps, avec une première partie qui évoque l’amour entre des êtres de cultures différentes, Univers… L’Afrique met en scène, dans la seconde, un quatuor de jeunes Algériens issus du hip-hop. En faisant appel à la danse rituelle algérienne, notamment la transe, le chorégraphe provoque la dimension circulaire de son écriture et la transformation des corps, qui fusionnent spiritualité et sensualité.

La jeune Arushi Mudgal est spécialiste du style odissi, une danse traditionnelle millénaire qui consacre une vision indienne de la féminité. Sensualité et délicatesse sont mises en avant à travers les mouvements complexes de la tête, du buste et du torse, en résonance avec le principe de tribhanga, base de la sculpture indienne qui impose aux différents éléments du corps de suivre une ligne sinueuse. Créée avec le maître Kelucharan Mohapatra et Madhavi Mugdal, la pièce Sutra (Un fil qui tisse à travers) symbolise la transmission de cet art sur trois générations avec une créativité qui n’a cessé d’évoluer.

Danses hurlées, revisitées et affabulées

Don Quichotte au Trocadéro, chorégraphie de José Montalvo © Patrick Berger

Don Quichotte au Trocadéro, chorégraphie de José Montalvo © Patrick Berger

Originaire du Congo-Brazzaville, le chorégraphe DeLaVallet Bidiefono fait partie des artistes africains qui tentent de se faire entendre dans un pays coincé entre traditions et tentatives de modernisation. Dans Au-delà, sa danse hurle et tremble ; elle parle des guerres et convoque les morts, plus vénérés que les vivants. Façonnée par ses rencontres artistiques en Occident et le rapport viscéral qu’il a avec sa terre, sa danse puise dans les danses ancestrales pour rendre violente et incarnée une écriture qui parle d’une réalité actuelle.

Avec son Don Quichotte au Trocadéro, José Montalvo revisite le chef-d’œuvre classique créé en 1869 par Marius Petipa. Prônant depuis toujours le métissage des cultures et des corps, il rappelle que l’œuvre de Cervantès compte 600 personnages et réaffirme le fondement de sa recherche : la danse doit se libérer d’une seule représentation du corps pour laisser entrer tous les univers mentaux et artistiques possibles.

Le clou de cet événement sera sans nul doute Rites de Denis Plassard, une conférence chorégraphiée sur les rituels et folklores modernes. Ce fin observateur des comportements humains se paye le luxe de créer une collection de rites dansés imaginaires, qu’il analyse avec les vrais outils d’un sociologue. On pourra découvrir la “VRPe”, danse pour commerciaux en déplacement, probablement originaire d’Europe centrale et qui se danse uniquement dans les hôtels ; le “Groupi Choupi”, un rituel de coaching pour femmes d’affaires et femmes politiques, ou la “Valse de fin de soirée” (à 10 temps) qui se danse allongé par terre. Et bien d’autres encore…

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Tradition et modernité. Du 24 janvier au 23 février, à la Maison de la danse, 8 av. Jean-Mermoz, Lyon 8e. Dates et horaires des spectacles sur le site de la Maison.

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Cet article est extrait du cahier Culture de Lyon Capitale 729 (janvier 2014), en vente en kiosques jusqu’au 30 janvier, et dans notre boutique en ligne.

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