La Bataille de Solférino

La Bataille de Solférino : foule cinéma

Le jour où la France basculait à gauche, un 6 mai 2012, une autre bataille se jouait rue de Solférino.

Vincent Macaigne emporté par la foule, rue de Solférino, le 6 mai 2012

6 mai 2012, dans un appartement parisien. Laetitia, journaliste à i-Télé s’apprêtant à couvrir la journée qui déterminera qui, de François Hollande ou de Nicolas Sarkozy, sera le nouveau président de la République, est à la bourre. Ses deux enfants hurlent dans les bras de Virgil, son compagnon en slip. Elle enfile une manche en même temps qu’elle fume une cigarette et tente de donner au baby-sitter juvénile des consignes tous azimuts. Ajouté au tumulte ambiant, le père des filles, dont elle est séparée, débarque sans crier gare pour voir ses enfants, lettre du juge à l’appui. Bref, en à peine plus de cinq minutes, c’est le bordel. Et la réalisatrice Justine Triet va exceller dans l’art de le mettre en scène.

La jeune cinéaste, dont c’est le premier long-métrage, profite de l’effervescence du Parti socialiste ce fameux 6 mai pour tourner un film à l’insu de l’événement, mêlant ses caméras à celles qui couvrent le deuxième tour. À la bataille électorale s’ajoute donc une bataille conjugale fictive au cœur de la foule réelle, amassée devant le siège du PS, rue de Solférino.

Histoire intime et collective

À mesure que l’heure du direct approche, la menace pointe : celle de voir Vincent débarquer et lui enlever ses filles. Dès le lancement du premier direct, on compte donc une journaliste d’i-Télé au bord de la crise de nerfs parmi 10 000 personnes survoltées en attente des résultats, un ex fou furieux, leurs enfants contraints de rejoindre leur mère rue de Solférino pour lui échapper, un baby-sitter mal dégourdi et une copine qui vient moyennement à la rescousse, autant d’éléments perturbateurs qui feront rapidement tourner l’affaire au vinaigre.

Laetitia Bosch et Vincent Macaigne dans La Bataille de Solférino

Extrêmement anxiogène dans ses passages au siège du PS, Justine Triet met au même plan l’histoire intime, ses déchirements et ses hurlements, et le contexte politique brûlant ; au même plan, la peur suscitée par la foule – que la réalisatrice ne contrôle réellement pas et qui tend le spectateur – et par ce personnage un peu paumé de père, dont la frustration de ne pas voir ses enfants, le défaut de communication, les maladresses et les humiliations qu’il subit entraînent un comportement dangereux.

Sans filet

De ce point de vue, le film est une prouesse technique (huit équipes ont filmé simultanément depuis différents points de vue), le fruit d’un tournage sans filet. À l’image, des plans sur des militants massés se révèlent absolument sublimes, comme ces quelques secondes de silence dans l’attente du résultat final filmées en plongée et la vague des corps qui s’agitent à l’annonce, vague au centre de laquelle se trouve réellement emporté l’acteur Vincent Macaigne (plusieurs fois victime de crises d’angoisse). Le film brille par ses faux directs au cœur d’un vrai événement, par ses allers-retours entre fiction et réalité, comme les nombreuses incursions d’images documentaires de militants et opposants, les échauffourées à la tombée du soir, ou lorsque Laetitia Dosch, totalement imprégnée par son personnage de journaliste, intercepte Jack Lang pour recueillir à chaud ses impressions.

Malgré quelques passages longuets, notamment la rencontre entre Vincent et Virgil, La Bataille de Solférino estun film électrique, insufflant une énergie folle à la situation somme toute banale d’un couple qui se déchire, et porté par des acteurs au naturel confondant, superbement bavards et hystériques. Un projet fou, foutraque, emporté par la foule.

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La Bataille de Solférino, de Justine Triet, 1h34, couleur. Avec Laetitia Dosch, Vincent Macaigne, Arthur Arari et Virgil Vernier. Sortie en salles ce mercredi 18 septembre.

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