Manifestation de soutien aux grévistes de l’usine de lingerie Obsession en 1977. Au premier plan le maire Charles Hernu et son adjoint d’alors, Jean-Jack Queyranne.

Exposition au Rize : Villeurbanne, l’étoffe ouvrière

Le Rize nous invite à découvrir comment l’industrie textile a façonné le territoire de Villeurbanne et favorisé la diversité culturelle qui forge son identité

Puisant dans des archives privées et municipales et de nombreux témoignages, le Rize (et sa responsable des expositions Anne-Marie Doledec-Gonitzke) propose un éclairage passionnant sur plus d’un siècle et demi d’histoire de l’industrie textile à Villeurbanne.

Avec un savoir-faire exceptionnel dans les domaines du tulle, de la dentelle mécanique et de la teinture, et dans le prolongement de Lyon, la ville a contribué, dès 1860, à la croissance de cette industrie, accueillant sur ses terrains vacants et ses grands axes de nombreuses usines qui auront des répercussions sur son développement urbain et démographique.

© Edouard Demarly

Alors que l’industrie textile française connaît son apogée au début du XXe siècle (représentant 36 % de la main-d’œuvre nationale en 1906), Villeurbanne fait face à un besoin cruel de main-d’œuvre et embauche des travailleurs et travailleuses de la région mais également d’autres pays, constituant une incroyable diversité culturelle.

Passant du statut de bourg à celui de ville (5 860 habitants en 1862, 42 426 en 1911 et 82 000 en 1931), elle construit de nombreux logements sociaux, le quartier des Gratte-Ciel, tandis que des cités ouvrières sont érigées par des opérateurs privés sous l’impulsion de grands patrons comme ceux de l’usine de teinturerie Gillet (1889-1966), le premier employeur avec 2 000 salariés en 1930.

Composée de quatre espaces autonomes, l’exposition est traversée par la période faste d’une industrie qui verra son déclin entamé avec la “crise de 29”, ponctuée d’un sursaut vers 1945 et qui disparaîtra après les chocs pétroliers des années 1970. Tout en démontrant cependant qu’elle a encore un avenir dans la ville avec la création d’un pôle textile innovant !

Une exposition avec un final détonant

Dès l’entrée, on découvre le paysage industriel avec ses grandes usines, une activité intensive, la pollution et l’habitat collectif. Si, au début du XXe siècle, Villeurbanne comptait 380 usines, elles ont quasiment disparu. Un espace, Traces, montre qu’il ne reste plus grand-chose de cette épopée car la ville a procédé à une importante rénovation (après démolition), ainsi le grand ensemble de la Perralière est à la place de l’usine Gillet et le supermarché Carrefour à la place de l’usine Bertrand.

La cheminée du parc du Centre, par l’artiste Felice Varini

Une cheminée des établissements Pierre-Boissier (velours ciselé) a été conservée, l’artiste suisse Felice Varini a conçu en 2001 une passerelle métallique qui permet de passer dessous et de voir le ciel de l’intérieur (au parc du Centre).

Établissements Boissier, années 1920

Un riche espace dévoile les sites de production des anciennes usines historiques – comme la Maison Dognin (1805-1975), qui fabrique de la lingerie haut de gamme et invente la dentelle dite “de Lyon” – jusqu’aux plus récentes. Les entreprises qui demeurent aujourd’hui sont spécialisées dans le haut de gamme ou des niches très techniques dans le sport, le médical, les tissus innovants avec, par exemple, Bomolet, créée en 2021 par d’anciens sportifs qui produisent des vêtements de running éco-conçus à partir de polyester recyclé et confectionnés en France.

La fin de l’exposition fascine par ses immenses photos de patrons dévoués à leurs usines, de travailleurs femmes, hommes, enfants (et vieillards), de grèves provoquées par les cadences infernales et les bas salaires. En 1975, la totalité des ouvrières (260) décident d’occuper l’usine Obsession, une marque de lingerie, qui annonce sa liquidation judiciaire en raison de la concurrence mondiale. Soutenues par la CGT et le maire Charles Hernu, elles y restent trente et un mois – du jamais-vu – rédigeant un journal de bord qui est un extraordinaire témoignage sur la lutte des femmes, qui plus est dans un univers très machiste.

Ça se trame à Villeurbanne – Jusqu’au 30 septembre, Le Rize

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