Etre gros et danser malgré tout !

Tous les deux sont un peu gros et dansent malgré tout. L'une, avec Plus qu'il n'en faut, monte sur scène accompagnée de personnes âgées, autour de la notion du toucher dans les gestes. L'autre, avec Itinéraire d'un danseur grassouillet, nous parle d'un monde sans complaisance à l'égard des gros danseurs...

Lyon Capitale : Vous êtes dans un spectacle autobiographique ?
Thomas Lebrun : Non, il ne s'agit pas que de mon histoire, mais des danseurs un peu gros et des difficultés qu'ils rencontrent pour faire ce métier, que ce soit dans les écoles de danse ou les compagnies. Mais tout ça démarre déjà à l'école, tu es un garçon un petit peu gros, après tu es un garçon qui fait de la danse et qui, en plus, est gros. Toutes les tares sont cumulées. Au conservatoire, pour passer mon examen, on m'a forcé à mettre une ceinture afin de masquer mes bourrelets, après c'était pire, je ne pouvais plus bouger.
Aujourd'hui j'en joue, mais ça ne fait pas si longtemps que je me sens bien et que je l'assume parce que dans mon parcours d'interprète, j'ai toujours eu un problème avec ça. Je sortais d'un spectacle et les gens me disaient, "oh ce costume, ça ne vous avantage pas quand même !", ou "il danse bien malgré son physique". Dans la presse, j'étais toujours le rondouillard dégarni comparé à celui qui avait un beau physique. Les gens ne parlaient pas d'artistique mais de physiques. Beaucoup de jeunes ont des problèmes de poids et subissent la pression des professeurs qui leur disent qu'ils ne pourront
jamais être danseurs s'ils ne font
pas de régime. Le danseur c'est quelqu'un qui façonne son corps, qui travaille dur, qui transpire, et s'il est gros, c'est qu'il n'a pas bien travaillé. Donc, il n'a pas le droit d'être danseur et en plus, il n'a pas le droit d'en parler, ce n'est pas une bonne image. Alors, j'ai décidé d'en parler.

La pièce est construite de quelle manière ?
Elle est assez théâtrale avec des personnages, une nutritionniste, une psychologue jouée par la comédienne Marlène Saldana, un danseur bien foutu, un vrai journaliste de danse, Philippe Verrièle, et moi. La vidéo, le texte et la danse sont imbriqués, autour de débats et de mises en situation. C'est tragi-comique, sensible, émouvant et volontairement vulgaire, parce qu'il y a des gens gros sur scène, comme Marlène, qui veut devenir une danseuse étoile princesse. Vous imaginez le drame pour elle ? Philippe Verrièle fait de la danse depuis longtemps en amateur, sans avoir jamais fait de spectacle. Je trouvais intéressant que quelqu'un qui critique des spectacles soit sur scène, et comme il est grassouillet, je voulais aussi voir comment il se confrontait à la pièce. Et ce n'est pas une mince affaire parce qu'il se retrouve avec quatre personnalités très fortes qui font de la scène depuis longtemps. Lui, il a son idée théorique du problème, alors que nous, on est dans le ressenti et la réalité. Et là, je lui demande d'être un interprète comme nous tous. C'est violent aussi parce qu'on va très loin dans les mots et les scènes, on va dedans, dans la matière : c'est le cas de le dire !

Aujourd'hui, êtes-vous sorti de cette pression ressentie par rapport à votre physique ?
C'est encore un peu là. Je m'excuse moins d'être danseur et toute l'énergie que je mettais à m'en défendre, aujourd'hui, je la mets ailleurs. Je veux bousculer le politiquement correct, sinon rien n'évoluera. Si je mets Raphaël le beau danseur à côté de moi, ce n'est pas pour dire qu'il y a des gros et des minces, mais pour dire qu'on est là, tous les deux, et qu'on peut aussi bien danser l'un que l'autre et que, alors, on n'a simplement pas la même danse. Est-ce que vous pouvez lire une danse différente entre un corps mince et un corps rond ? C'est quoi la différence, qu'est-ce que vous avez chez l'un et qu'est-ce que vous avez chez l'autre ?
Spectacles aux Subsistances,
8 bis quai Saint Vincent, Lyon 1er. Du 5 au 10 Mars. 04 78 39 10 02

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