Ride
© Emilie Bailey

Concert : Ride, une histoire de chaussures et de premier amour

Fer de lance éphémère de la scène “shoegazing”, alliant mélodies pop et murs de guitares saturés, Ride, séparé en 1996 en pleine vague brit-pop, est resté l’un des groupes les plus influents du courant noise anglais. Reformé il y a trois ans, il est enfin de passage à Lyon avec son cortège de tubes hypnotiques. Portrait d’avant-concert au Transbordeur.

“Dans le bruit, se lisent les codes de la vie, les rapports entre les hommes. Clameurs, mélodie, dissonance, harmonie ; lorsqu’il est façonné par l’homme avec des outils spécifiques, lorsqu’il envahit le temps des hommes, lorsqu’il est son, le bruit devient source de projet et de puissance, de rêve : musique.” Simon Reynolds dans Bring the Noise ? Non, Jacques Attali dans Bruits, essai sur l’économie politique de la musique. On connaît la capacité du conseiller des princes à susurrer à toutes les oreilles, de là à l’entendre cité lors de la conférence de presse de reformation de Ride, reprise dans un article du Guardian, en 2015, il y a un fichu pas. Mais, à bien y réfléchir, outre la manifestation d’une culture que l’on n’aurait pas imaginée chez un groupe de rock anglais (imagine-t-on les frères Gallagher lisant Verbatim ?), cette citation va comme un gant à Ride et ne saurait mieux définir sa musique.

Shoegazers

En 1990, lorsque le quatuor d’Oxford (Andy Bell, Mark Gardener, Steve Queralt, “Loz” Colbert) explose vraiment avec l’album Nowhere, il devient la pierre angulaire d’un genre qu’on appelle alors noisy pop : des mélodies d’inspiration 60s façon Byrds, emballées d’une brume post-punk et de rythmiques psychédéliques lancinantes. Cette atmosphère qui marie le cotonneux et le saturé s’inspire entre autres de l’habitude qu’avait la mère d’Andy Bell d’écouter les Beatles en passant l’aspirateur, couvrant par le vacarme de l’appareil ménager les mélodies éternelles des Fab Four. Leur donnant ainsi une autre perspective.

Avec cette formule, Ride, signé chez Creation, petite maison indé très clairvoyante, cavale en tête des charts britanniques, créant une onde noisy sur laquelle des groupes comme Slowdive, Chapterhouse, Swervedriver ou My Bloody Valentine surfent à leur manière. Ainsi naissent les shoegazers, ces types qui passent leurs concerts à mater leurs pompes, davantage obnubilés par leurs pédales d’effets que par leur public. Des jeunes gens timides, sans charisme, fringués comme l’as de pique, se réfugiant, de la même manière qu’ils y enfouissent leurs mélodies et probablement leurs affects, derrière des murs de guitares et parfois des fumigènes.

Premier amour

En 1992, Ride enfonce le clou avec Going Blank Again, disque à la fois vaporeux et pop, hypnotique et dansant où se télescopent leurs influences et de terribles tubes. Le quatuor s’envole alors pour une longue tournée mondiale. Malheureusement, l’alchimie Bell-Gardener fait long feu et l’air du temps change : Carnival of Light (1994), moins audacieux, est avalé par la vague brit-pop sans en avoir la fraîcheur, pourtant rétrograde. La nouvelle tête de gondole de Creation s’appelle Oasis. Déchiré par les dissensions, Ride se sépare en 1996, une semaine avant la sortie de Tarantula (qui ne restera en vente qu’une semaine).

La suite – carrières solo et panouilles diverses (ironiquement, Andy Bell finira par rejoindre Oasis), compilations souvenir – ne laissait guère entrevoir la possible reformation d’un groupe dont l’influence est patente, encore aujourd’hui, jusque outre-Atlantique ou même aux antipodes (Tame Impala). Mais l’amitié est demeurée et une autre citation tirée de la précitée conférence de presse l’éclaire davantage encore que celle de maître Attali. Elle émane de David Crosby (Crosby, Stills & Nash, Buffalo Springfield), qui a connu plus de reformations qu’il n’a eu de guitares : “Ton premier groupe, c’est comme ton premier amour ; tu ne l’oublieras jamais, et tu ne retrouveras jamais ces sensations avec aucun autre.”

Ride – Mardi 31 octobre à 20h, au Transbordeur.

 

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