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Bertrand Tavernier : le vrai guide du festival Lumière

Couverture d’Amis américains, l’ouvrage de Bertrand Tavernier

Cinéaste protéiforme, véritable monument du cinéma et personnalité unique, Bertrand Tavernier est un des piliers du festival Lumière. Président de l’Institut, sa connaissance du milieu et ses nombreuses relations avec le monde du cinéma font de lui un intervenant de choix pour présenter les films de la sélection 2013, notamment ceux de Quentin Tarantino, à qui il rend honneur au sein de son œuvre littéraire majeure, Amis américains – Entretiens avec les grands auteurs d’Hollywood.

Les conflits entre parents et jeunes adultes quant à leur choix de carrière n’ont rien d’inhabituel, mais rares sont ceux qui se soldent par la visite de Jean-Pierre Melville et Claude Sautet au domicile familial. Les deux réalisateurs viennent plaider la cause du jeune Bertrand Tavernier, critique cinéma prometteur confronté à l’opposition parentale, en insistant pour qu’il continue à "faire du cinéma". Que l’ex-étudiant en droit, ayant rendu copie blanche à son examen final en raison d’après-midi prolongés passés à la cinémathèque de la rue d’Ulm, à Paris, se retrouve épaulé par de telles pointures du cinéma français ne semble pas étonnant une fois que l’on prend en compte l’étendue de ses relations et connaissances actuelles dans le milieu du cinéma. Amis français dès le début, mais "Amis américains" par la suite avec la réédition en 2008 de l’ouvrage éponyme d’entretiens avec les grands auteurs d’Hollywood, qualifié de véritable "monument" par Le Monde des livres.

Au sein de ce livre-fleuve de presque un millier de pages, la plume de Tavernier se teinte de lyrisme. Lorsqu’il mentionne Jacques Tourneur, le cinéaste-écrivain souligne "cet étrange univers crépusculaire que vient ronger l’inquiétude", évoquant plus loin ses "œuvres qui ressemblent à l’automne". Rien d’étonnant alors que l’écriture de celui dont le père hébergea Louis Aragon et son Elsa pendant la Seconde Guerre mondiale flirte avec la poésie.

Passion partagée et rencontres inspirées

Né en 1941 à Lyon de l’union d’un écrivain et d’une pianiste, le jeune Tavernier baigne très tôt dans le milieu artistique. Or son premier amour reste le cinéma : l’homme multicasquettes, tour à tour réalisateur, scénariste, producteur, journaliste et écrivain, se donne dès le plus jeune âge tout entier au septième art. Lorsqu’il abandonne ses études de droit, c’est pour mieux se consacrer à sa passion : il commence à publier ses analyses de film dans Radio cinéma, magazine qui deviendra plus tard Télérama. Dès le début, passion et amitié se conjuguent ; les visites à la Cinémathèque se font avec son compagnon de banc d’école Volker Schlöndorff, et le ciné-club Nickel-Odéon, exclusivement consacré au cinéma américain, que Tavernier vient à fonder se fait avec le soutien de trois de ses amis.

Tavernier écrit, et Tavernier rencontre. Suite à une interview faite pour le journal étudiant qu’il a fondé, L’Etrave, le jeune journaliste devient l’assistant de Jean-Pierre Melville sur le tournage de son film Léon Morin, prêtre. Ce dernier le recommande ensuite à George de Beauregard, producteur du film, en tant qu’attaché de presse ; il travaillera à ses côtés de 1961 à 1964, tout en continuant à publier son travail de critique, notamment dans Les Cahiers du cinéma et dans Positif. Devenu attaché de presse indépendant à la notoriété grandissante, il commence à nouer certaines de ses amitiés américaines : c’est à cette époque que se font les premiers entretiens compilés dans son ouvrage de 2008, lors de rencontres avec John Ford, John Huston, ou encore Raoul Walsh.

De la plume à la caméra, du DVD à l’édition

Pour son premier long-métrage, Tavernier effectue une forme de retour aux sources : il choisit en effet de tourner L’Horloger de Saint-Paul dans sa ville natale de Lyon, ville mystérieuse et "simenonienne" selon ses dires – le décor parfait pour l’adaptation au cinéma du roman. Le film signe aussi sa première collaboration avec Philippe Noiret, qui devient par la suite son acteur fétiche.

S’enchaînent ensuite une multiplicité de films, marqués par l’éclectisme. Tavernier alterne adaptations de romans, films d’époque (Que la fête commence, 1976), réflexions contemporaines sur des sujets de société (Le Juge et l’Assassin, 1977 ; La Mort en direct, 1980 ; L’Appât, 1995) et conflits historiques (La Vie et rien d’autre, 1989 ; Capitaine Conan, 1996 ; La Guerre sans nom, documentaire sur la guerre d’Algérie, 1991 ; Laissez-passer, 2003). Celui qui a déclaré au critique Jean-Luc Douin que "les cinéastes sont des sismographes de leur époque" s’est clairement donné comme objet d’ausculter la société, et se voit récompensé notamment par un Ours d’Or à Berlin en 1995 pour son film L’Appât. Mais sa filmographie est aussi une longue histoire de rencontres, cette fois devant la caméra : il se lie avec Philippe Noiret, Jean Rochefort, Romy Schneider ou encore Nathalie Baye.

Désormais président de l’Institut Lumière, retourné aux sources lyonnaises de son inspiration, il dévoue sa verve à une autre forme de rencontre, celle avec le format DVD. Son blog, hébergé par le site de l’Institut, chronique les rééditions et sorties de films d’anthologie, ou jugés anthologiques par le cinéaste, qu’il invite le public à découvrir sous un format plus moderne. Enfin, ses activités de président de l’Institut lui prennent, de son propre aveu, énormément de temps. Dans un entretien avec le site Lumière !, il confie au journaliste : "Je dors très peu… Hier par exemple j’ai eu des heures de discussions sur la salle qu’on vient d’ouvrir, j’ai eu des bagarres avec l’administratrice qui a fait venir la commission supérieure technique très en retard… Ça, ça vous bouffe du temps, de l’énergie. Il y a aussi la négociation sur les contrats d’édition et l’idée qu'on va aller s’occuper d’acheter des droits de bouquins [...]" Ce que l’on retient de ses propos, ce sont surtout les multiples évocations de personnages du monde du cinéma, dont il semble se faire le devoir de les faire connaître et apprécier à leur juste valeur. Un véritable ami, en quelque sorte.

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Cet article est extrait du blog dédié au festival Lumière 2013 par des étudiants en master Journalisme de Sciences Po Lyon, en association avec Lyon Capitale : Pulp My Festival

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