Cathie Werquin-Wattebled, directrice de la Banque de France Auvergne-Rhône-Alpes
Cathie Werquin-Wattebled, directrice de la Banque de France Auvergne-Rhône-Alpes

"On ne pourra pas réduire le déficit brutalement, sous peine de mettre en péril l'économie"

Pour Kathie Werquin-Wattebled, directrice de la Banque de France Auvergne-Rhône-Alpes, il ne faut pas exclure de "revoir la charge fiscale et les impôts".

"On ne peut pas continuer, dans la durée, à avoir des déficits et un accroissement de notre dette. La charge de la dette risque risque, très vite, de devenir insurmontable et insupportable. Donc, forcément, il faut faire quelque chose, et là aussi nos modèles économiques nous montrent qu'on ne pourra pas réduire le déficit brutalement, sous peine de mettre en péril l'économie très, très vite. Probablement, il faudra donc trouver un juste équilibre entre une réduction des dépenses, les fléchir, mieux les optimiser, et, peut-être, effectivement, de ne pas exclure de revoir la charge fiscale et les impôts."

Kathie Werquin-Wattebled, directrice de la branche Auvergne-Rhône-Alpes de la Banque de France, n'en dit pas moins que François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France qui, le 18 septembre dernier, disait qu'il fallait "lever le tabou sur les hausses d’impôts".

"Pas de croissance idéale mais pas récession non plus"

Malgré tout, si "on est en-deçà de notre croissance de moyenne période, c'est-à-dire qu'une croissance un peu confort elle est plutôt entre 1,5 et 2, on n'a pas de récession."

Lire aussi : Le moral des chefs d'entreprise lyonnais plombé par la carence du gouvernement


Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau 6 minutes chrono, nous accueillons aujourd'hui Kathie Werquin-Wattebled.

Bonjour.

Vous êtes la directrice de la Banque de France Auvergne-Rhône-Alpes. Alors malgré l'annonce récente du nouveau gouvernement la France reste quand même dans une incertitude et financière et économique. Comment, en conséquence, va le moral des patrons ?

Aors le moral des patrons va au rythme, un peu, de la croissance qui, aujourd'hui, est une croissance à petite vitesse. J'en profite pour faire une petite page de pub pour nos projections macroéconomiques, qu'on met à jour tous les trimestres. On les a sorties il y a quelques jours et donc c'est vrai que, sur 2024, on attend une croissance de 1.1, en légère progression par rapport à ce qu'on avait annoncé en juin. Là, c'est le petit effet JO qui a boosté, un peu, notamment sur les services. Donc je dirais, moral un petit peu en demi-teinte, en petite vitesse.

La semaine dernière Bruno Da Silva qui est le président du tribunal de commerce de Lyon et on lui posait la même question et effectivement il disait que toutes ces incertitudes faisaient que le moral des patrons n'était pas à son plus haut niveau, que c'était un peu flou.

Voilà, en demi-teinte est plutôt un terme plutôt pas mal. Un aléa a été rajouté, notamment l'aléa politique, l'aléa aussi fiscal et, c'est sûr, que tout acteur économique, particulier, entreprise, souvent, n'aime pas l'incertitude. Et sur les chefs d'entreprise, on voit bien qu'ils ont peut-être tendance à reporter des investissements, à temporiser un peu.

Justement, vous parliez d'aléa économique. Je sais bien que la Banque de France ne fait pas de politique, néanmoins, le gouverneur de la banque de France, François Villeroy de Galhau, avait estimé, le 18 septembre, qu'il ne fallait pas exclure de hausse d'impôts....Alors, c'est vrai que les impôts, on en parle beaucoup, parce que le budget certains disent que le budget 2025 va être le plus important de la Ve République donc il y a de vrais enjeux 30 milliards d'économies. Est-ce que ces hausses d'impôts, c'est un vrai sujet , réaliste ?

Alors oui, vous l'avez bien dit, vous avez bien rappelé le fait qu'on est totalement indépendant du pouvoir politique. On essaie de bien faire notre métier, de gérer la politique monétaire. La politique budgétaire, c'est vraiment un choix de société, un choix du gouvernement et du parlement, et, effectivement, la position qu'a prise François Villeroy de Galhau, c'est juste quelque chose d'objectif. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, effectivement, on ne peut pas continuer dans la durée à avoir des déficits et un accroissement de notre dette pas parce la dette, aujourd'hui, ne trouve pas preneur, on a des investisseurs qui achètent la dette française. C'est juste que la charge de la dette risque risque, très vite, de devenir insurmontable et insupportable. Donc, forcément, il faut faire quelque chose, et là aussi nos modèles économiques - c'est, basiquement, des modèles économiques - qui tournent et nous montrent qu'effectivement, on ne pourra pas réduire le déficit brutalement, sous peine de mettre en péril l'économie très très vite. Probablement, il faudra donc trouver un juste équilibre entre une réduction des dépenses, de bien fléchir les dépenses, de mieux optimiser les dépenses, et, peut-être, effectivement, de ne pas exclure de revoir la charge fiscale et les impôts.

Vous avez récemment publié, la Banque de France Auvergne-Rhône-Alpes vos dernières tendances, un baromètre. Vous prévoyez une progression significative du PIB au troisième trimestre 2024. Quels sont les enjeux ?

On enchaîne des trimestres qui sont plutôt des trimestres à petite vitesse, puisqu'on va voir sur l'année 1,1%. C'est en-deçà de notre croissance de moyenne période, c'est-à-dire qu'une croissance un peu confort elle est plutôt entre 1,5 et 2. Donc on est en-deçà de cette croissance que je qualifierais, d'idéale. En même temps, on n'a pas de récession. On voit que l'Allemagne, par exemple, est plus en difficulté; il a eu des trimestres légèrement en baisse. C'est vrai que les JO ont boosté sur le troisième trimestre.

Et globalement comment se porte l'activité des entreprises des industries ?

On a effectivement des secteurs qui fonctionnent bien, d'autres moins bien. Evidemment, on a tout le secteur du BTP... alors là, encore, si je regarde dans le BTP, tout n'est pas à traiter de la même manière : le TP va plutôt bien, la rénovation va plutôt bien; on a un vrai secteur qui souffre, c'est la maison individuelle, la promotion immobilière, le neuf parce que ça c'est lié évidemment aux taux d'intérêts, qu'on a fortement remontés de plus de 450 points de base 4,5% en une année sur 2022-2023. Mais ça bien sûr vous avez remarqué que ça a changé.

On est sur quelle tenace sur l'immobilier ?

On était sur une tendance de forte baisse, parce qu'effectivement, le bâtiment et l'immobilier sont vraiment très liés à l'évolution des taux, c'est mécanique. Là, on a plutôt des bonnes nouvelles, puisque le mois de mars a été le mois le plus bas. On était entre 6 et 7 milliards de distribution de crédits immobiliers sur le mois...

... national, on est d'accord.

National, oui. Alors après si vous voulez faire le pourcentage d'Auvergne-Rhône-Alpes, souvent on est autour de 12% donc vous pouvez faire la règle de proportionnalité ou la règle de 3. Sur le mois de juillet, on a plutôt une bonne nouvelle, c'est-à-dire qu'on a eu des mois à 8/9 milliards sur avril-mai-juin, et juillet, on était à plus de 11 milliards. Donc, on sent qu'il y a un fléchissement très directement lié à la baisse des taux que les banquiers ont commencé à anticiper.

Si on devait faire une petite synthèse sur ce qui va se passer ces prochains mois, vous êtes plutôt optimiste ?

Je dirais qu'on reste serein, parce qu'en dépit du fait qu'on ait remonté les taux de manière significative, on a quand même l'économie qui a tenu. C'est ce fameux terme de "résilience", mais je ne trouve pas de meilleur terme pour traduire finalement la situation, de notre économie et la santé des chefs d'entreprise. Et puis, effectivement, la bonne nouvelle parce qu'on ne va pas bouder notre plaisir, on a commencé à baisser les taux, 25 points de base, 0,25 % en juin. De nouveau, ces derniers jours, on a de nouveau baissé les taux de 0,25 et, effectivement, si notre lutte contre l'inflation, qui est en train de vraiment fonctionner, reste et bien ancrée dans le temps, on va poursuivre cette baisse des taux qui, forcément, est toujours allante : baisse des taux, égale augmentation de la demande, augmentation des investissements.

Merci Cathie Werquin-Wattebled d'avoir accepté notre invitation et pour plus d'informations. A très bientôt au revoir.

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