Obama : un noir à la Maison Blanche ?

Alors que 22 Etats vont choisir leurs candidats lors du "super tuesday" du 5 février, Barack Obama est-il bien placé pour détrôner Hillary Clinton, puis espérer devenir le premier président noir américain ?

Lyon Capitale : On ne cesse de s'étonner que l'Amérique puisse élire comme président Barack Obama, qui, comme vous l'écrivez, est "le fils d'un immigrant kenyan dont le nom complet, Barack Hussein Obama, ressemble à l'anagramme des trois cauchemars américains du Moyen-Orient : l'Irak, Saddam Hussein et Oussama Ben Laden"......
Olivier Richomme : Malgré tous les défauts de ce système, de cette société américaine, on voit que de temps en temps, émergent des gens hors du commun. Barack Obama est noir, descendant d'immigrant kenyan, porte un nom impossible, mais il est surtout un individu extraordinaire. La société américaine a donc encore et toujours la faculté de nous surprendre. Voir émerger quelqu'un comme Obama dans l'Amérique d'aujourd'hui, c'est vraiment enthousiasmant ! Il est tout à fait l'opposé, l'antidote de l'Amérique post 11 septembre qui a peur.

Beaucoup le comparent à Kennedy...
Parce que des candidats comme lui, en politique, on en rencontre une fois tous les trente ans ! Même la fille de John Kennedy, Caroline a dit qu'il lui rappelait son père, son enthousiasme, son éloquence, sa jeunesse...

En quoi peut-il incarner, selon votre expression, "la rédemption" ?
Barack Obama n'est pas un descendant d'esclave mais un fils d'immigrant, il ne s'inscrit donc pas tout à fait dans la lignée du mouvement des droits civiques et des Eglises afro-américaines. Il n'a pas un discours de revanche, culpabilisant pour les blancs. Or, ça fait quand même 40 ans que les Etats-Unis luttent pour essayer d'effacer les stigmates du racisme. Là, avec l'arrivée de quelqu'un de couleur à la Maison Blanche, on aurait un symbole extraordinaire, une idée de rédemption très forte.

Dans son parcours personnel, il s'agit aussi d'une rédemption : Obama a dit ses difficultés passées, la drogue, la cocaïne......
Dès son entrée en politique, il a publié une autobiographie dans laquelle il confie "oui j'ai fait des bêtises, oui je me suis drogué, oui j'étais perdu au niveau identitaire : mon père était kenyan, ma mère blanche, moi je suis né à Hawaï, j'ai habité en Indonésie, et du coup, adolescent, j'étais paumé..." Il explique aussi comment il a rencontré la foi dans un discours qui est très porteur. Si les républicains, depuis trente ans, ont instrumentalisé la question des valeurs religieuses à des fins électoralistes, du côté démocrate, ça fait des années qu'on attend un candidat qui arrive à parler aussi bien de sa foi. De par son parcours, et de par sa manière d'en parler, Obama donne l'impression d'une certaine authenticité et même d'une naïveté qui manque cruellement à Hillary Clinton qui paraît froide, calculatrice, et prête à tout pour arriver à la Maison blanche.

Très actif dans cette campagne, Bill Clinton semble jouer le rôle du porte-flingue d'Hillary, et lance des attaques très dures contre Obama...
Le but de Bill Clinton c'est de présenter Obama comme le candidat afro-américain. Quand Obama a gagné la Caroline du Sud avec 55% des voix, il a comparé sa victoire à celle de Jesse Jackson en 84 et 88. Rien à voir ! Historiquement, les candidats afro-américains avaient le vote noir et point barre. Or Barack Obama est le premier qui donne envie, même à certains électeurs blanc, d'aller voter.

Les éléphants du parti démocrate ne veulent pas d'une guerre civile au sein du parti qui pourrait être désastreuse pour tous. Mais quand ils disent à Bill Clinton de baisser d'un ton, il leur répond "moi je suis Bill Clinton et je fais ce que je veux". Pour l'instant, ça a plutôt desservi Hillary. Ceci dit, Bill Clinton reste un atout formidable pour Hillary ; ça fait deux candidats pour le prix d'un !

Non seulement Obama ne joue pas la carte raciale, mais il prône en permanence le consensus......
Souvenez-vous du discours qui l'a révélé en 2004 : "il n'y a pas une Amérique noire et une Amérique blanche, une Amérique bleue et une Amérique rouge"... Depuis le début, il se veut le candidat de la réconciliation, des démocrates et des républicains, des blancs et des noirs, de l'Amérique avec le reste du monde, c'est vraiment le candidat consensuel. Il parvient à susciter l'enthousiasme avec un discours de modération, c'est assez fort de sa part !

Mardi 5 février, 22 Etats votent pour les primaires ; quel est votre pronostic pour ce "super tuesday" ?
Mac Cayne du côté républicain, car le pragmatisme du parti va reprendre le dessus : ils n'enverront pas un mormon face à Clinton ou Obama. Du côté démocrate, c'est impossible à dire. Je ne pense pas que le 5 février soit décisif, car c'est tellement serré qu'il y a de grandes chances qu'on continue plus loin.

Sur quel électorat peut compter Obama ?
Des tas de gens ne voteront pas pour Obama parce qu'il est de couleur. Mais certains blancs sont contents de voter pour lui, car ils aiment ce que ça dit de leur pays, de sa capacité à dépasser les démons de l'histoire. Obama mobilise également un électorat jeune et des gens un peu plus éduqués, de classe moyenne, surtout des hommes. Hillary Clinton se débrouille très bien avec les femmes, en particulier les plus de 65 ans.

S'il est choisi à l'issue des primaires a-t-il vraiment toutes les chances d'être le prochain président des Etats-Unis ?
Ça sera très très dur, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des conservateurs. Mac Cayne est extrêmement dangereux car très habile et respecté ; il n'est pas le plus extrêmiste des républicains. Vétéran de la guerre du Vietnam, il a une très grosse expérience et donne impression d'être droit dans ses bottes, d'avoir certaines valeurs. C'est un candidat redoutable ! D'autant que Mac Cayne n'a jamais été un proche de Bush, il était un peu électron libre au sein du parti.

En quoi Obama est-il pour vous "un symbole pour les minorités visibles en France" ?
Quand on regarde le système démocratique américain - qui n'est pas un modèle, car il marche parfois vraiment sur la tête - on se rend compte qu'il permet à un candidat comme lui d'émerger. Alors qu'en France, notre système est sclérosé ; on est à des années lumière de voir le fils d'un immigrant kenyan briguer l'Elysée ! Une jeunesse, qui manque d'une certaine représentation dans la vie politique française, se tourne vers les Etats-Unis, par procuration : les blogs, les forums de discussion autour d'Obama se multiplient en France. J'ai même vu des gens avec des tee-shirts Barack Obama en soirée à Paris !

François Durpaire et Olivier Richomme, L'Amérique de Barack Obama, éditions Demopolis.

"Bill Clinton reste un atout formidable pour Hillary ; ça fait deux candidats pour le prix d'un !"
"Certains blancs sont contents de voter pour lui, car ils aiment ce que ça dit de leur pays, de sa capacité à dépasser les démons de l'histoire."

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