Gaëtan de Sainte-Marie
Gaëtan de Sainte-Marie, vice-président de la CPME du Rhône @Guillaume Lamy

"Les PME s'étouffent sous le poids des normes réglementaires"

80 propositions ont été remises au Premier ministre par la CPME pour simplifier la vie des petites entreprises. Gaëtan de Sainte-Marie, vice-président de la CPME du Rhône, est l'invité de 6 minutes chrono.

1 786 décrets réglementaires, soit 10 730 articles, 8 077 arrêtés réglementaires et 71 293 pages publiés au Journal officiel en 2022.

La complexité administrative est un marronnier : elle revient chaque année dans les médias. Et bon an mal an, les entreprises remettent le sujet sur le tapis, tant "elles finissent par se noyer". "Il faut imaginer la partie administrative un peu comme une espèce d'énorme baignoire, dans laquelle l'eau s'écoule très doucement par-dessous mais par contre le robinet il est à fond par-dessus." explique explique Gaëtan de Sainte-Marie, vice-président de la CPME du Rhône qui défends 25 branches professionnelles et 3 500 adhérents.

"Il faut imaginer la partie administrative comme une énorme baignoire qui s'écoule, très doucement, mais avec un robinet qui coule, lui, à fond. On se noie"
Gaëtan de Sainte-Marie

Lors de son discours de passation de pouvoirs, le 9 janvier dernier, Gabriel Attal avait assuré de son intention de viser la "simplification drastique de la vie de nos entreprises et de nos entrepreneurs". Une semaine plus tard, il recevait sur son bureau les "80 propositions pour mettre fin à la complexité administrative" de la CPME.


Parmi les mesures phares, le "test PME" qui consiste à faire évaluer une norme avant son application. "C'est une mesure de bon sens, je vous annonce que nous la mettrons en oeuvre" avait déclaré, le 30 novembre dernier, en ouverture du salon Impact PME, le grand raout annuel des petites et moyennes entreprises, Elisabeth Borne.

Difficile pour Gabriel Attal de revenir dessus. Reste à savoir ce qui adviendra des 79 autres propositions. Le 10, le Premier ministre recevait le patron de la CPME, François Asselin, qui jugeait les premiers propos de Gabriel Attal "plutôt rassurants".


La retranscription intégrale de l'entretien avec Gaëtan de sainte-Marie

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Gaëtan de Sainte-Marie. Bonjour.

Bonjour Guillaume.

Gaëtan de Sainte-Marie, vous êtes vice-président de la CPME du Rhône, la Confédération des petites et moyennes entreprises qui représente 98% des entreprises dans le Rhône qui comptent moins de 20 salariés. La CPME vient de proposer au nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, 80 propositions pour simplifier la vie des entreprises. Alors, la complexité administrative est un véritable marronnier de la vie politique française. Il y a quand même eu un choc de simplification voulu par François Hollande, puis la loi Pacte en 2019 qui a fait l'objet de nombreux engagements et de textes de loi. Quel bilan faites-vous de tout ça quand même ?

Oui, c'est sûr que la loi Pacte par exemple a eu un véritable impact. Et ça, la CPME le reconnaît très volontiers. Les chefs d'entreprise on a vu cet impact-là mais il y a encore un boulot extraordinaire. Parce qu'en fait, le problème en France c'est qu'on simplifie parfois les choses mais que surtout on en rajoute… Il faut imaginer la partie administrative un peu comme une espèce d'énorme baignoire dans laquelle l'eau s'écoule très doucement par-dessous mais par contre le robinet il est à fond par-dessus. Et donc, du coup, petit à petit, les entreprises et les chefs d'entreprise ont fini par se noyer dans cette complexité administrative. Donc oui, bien sûr, il y a des efforts qui ont été faits mais il faut encore en faire et il y a un boulot colossal. Et c'est pour ça que la CPME a proposé 80 propositions.

Je vais donner pêle-mêle des chiffres que vous citez : l'année dernière, 1786 décrets réglementaires, soit 10 730 articles, 8 077 arrêtés réglementaires et 71 293 pages ont été publiés au Journal officiel. Depuis dix ans, c'est 567 lois (17 843 articles), 665 ordonnances (12 442 articles) et 7 451 décrets de plus. Les chiffres sont plus parlants qu’un long discours. Parmi les mesures phares que vous avez proposées au gouvernement il y a le fameux "test PME". De quoi s'agiti-il concrètement pour les entreprises ?

C'est très simple. C'est dire qu'à partir du moment où il y a une nouvelle, loi une nouvelle réglementation, avant qu'elle soit mise en place, on la teste dans certaines PME pour vérifier si d'abord on peut vraiment la mettre en place ou pas, et ensuite puis si il peut y avoir des aménagements. Et ce "test PME", on voudrait le mettre au niveau de la France. La Première ministre l'a confirmé, alors c'était l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne, le 30 novembre à Impact PME qui est l'événement national annuel de la CPME, a confirmé qu'elle souhaitait le mettre en place en France. Donc on espère bien entendu que Gabriel Attal va reprendre cet engagement. Ce qu'on aimerait aussi c'est que le "test PME" soit élevé au niveau de Bruxelles. Parce que finalement souvent un certain nombre de décisions viennent de Bruxelles.

Transposition...

Voilà, exactement. Et donc ce "test PME", pour nous, est essentiel parce qu'il ne faut jamais oublier qu'une PME ce n'est pas une grande entreprise en plus petite. C'est quelque chose de très particulier. Et donc, si on pouvait se simplifier la vie en faisant ces "tests PME" sur toutes les nouvelles règles, waouh, ça nous ferait du bien.

Mais finalement ce "test PME" ça paraît être du bon sens quoi. Vraiment du bon sens. On teste avant et puis on voit si ça marche. Ce "test PME" est donc une des mesures phares de vos 80 propositions. S'il y a une autre mesure importante que vous défenderiez ici, ce serait laquelle ?

Il y en a plein dans le même genre que le "test PME". Il y a le bac sable réglementaire. C'est d'imaginer que, pour une entreprise qui est dans l'innovation, qui est sur un nouveau projet, sur un nouveau produit, au lieu que, d'emblée, tout le fardeau administratif lui tombe dessus, on puisse lui faire un bac à sable dans lequel elle puisse jouer pendant un certain temps, voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas. Et puis après, bien entendu, rejoindre le cadre général. Il y a ça, mais il y a également quelque chose qui nous paraîtrait extrêmement simple et qui ferait une espèce d'appel d'air pour les PME. Ce serait de pouvoir doubler les seuils qui existent. Aujourd'hui, une entreprise qui atteint les 50 salariés se retrouve face à un nombre d'obligations réglementaires beaucoup plus important qu'avant. Pourquoi on ne porterait pas ce 50 à 100 ? Et comme ça, on doublerait les différents seuils qui existent. Et ça ferait un bien fou à beaucoup d'entreprises, en termes de bulles d'air réglementaires.

Quand j'ai préparé cette émission, j'ai découvert que la direction interministérielle de la transformation publique publiait un "Baromètre de la complexité administrative". Preuve en est, s'il le faut, d'une complexité administrative reconnue par le gouvernement. Il s'agit d'un baromètre réalisé auprès des usagers des services publics. Ce baromètre montre que leurs démarches administratives sont plus compliquées, que la complexité s'accroît et qu'il y a un taux de réclamation en progression. Pour les entreprises ce baromètre n'existe pas mais quel est le sentiment des entrepreneurs ?

Honnêtement, c'est un sentiment d'étouffement. Moi, mon entreprise Quantis, compte 70 salariés, on a passé la barre des 50 quelques temps. J'ai la chance d'avoir aujourd'hui une DRH, ce qui n'est pas le cas de beaucoup de TPE ou de PME bien entendu. Elle passe un temps fou dans des complexités de papiers de Cerfa, et bien sûr c'est une perte de temps. Je vous donne un autre exemple est complètement fou. Aujourd'hui, on n'a pas le droit, par exemple, de faire des réunions de CSE, donc avec les représentants du personnel, en visio. Ça fait partie des 80 propositions qu'on fait. Juste de permettre ce genre de réunion en visio c'est très simple. Ça ne changera pas la phase du monde.

Pourquoi ce n'est pas permis ?

Je ne sais pas, c'est parce que le texte n'a pas été adapté. De la même manière, l'administration nous demande régulièrement des documents divers et variés sur l'entreprise. Ce qu'on demande à la CPME, c'est un coffre-fort électronique dans lequel, une bonne fois pour toutes, on mettrait tous les documents qui représentent l'entreprise et après les administrations iraient se servir dans ce coffre-fort.

Une dématérialisation.

Exactement. Il y a encore beaucoup trop par exemple de Cerfa. C'est des documents qu'il faut remplir, il faut cocher des cases dans tous les sens, etc. qui ne sont pas assez digitalisés qui sont encore en mode papier. Ce n'est pas normal à notre époque.

Ces 80 mesures proposées par la CME pour simplifier la vie des entreprises ont été déposées sur le bureau de Gabriel Attal. À suivre donc. Merci beaucoup Gaëtan de Sainte-Marie d'être venu nous présenter ces quelques propositions. A très bientôt au revoir.

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