David Hornus, directeur de Corpguard, société de conseil en sûreté et sécurité économique
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"Je fais un métier qui n’existe pas" : David Hornus, fondateur de Corpguard

Ancien de l’École de guerre économique, David Hornus a fondé en 2006, à Brignais, Corpguard une entreprise qui fait le grand écart entre enquête et renseignement. Cet ancien para intervient dans le cadre des assurances risques spéciaux en matière d’évacuation d’urgence, de disparition, de kidnapping et de sécurité économique en entreprise. Il publie son premier livre Danger Zone (Balland). Voyage entre Haïti, Madagascar, le Kurdistan irakien, le Congo, la Libye… et Lyon.

Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ? David Hornus : Je ne suis peut-être pas une grande gueule au sens littéral où vous semblez l’entendre… je ne la ramène pas toujours, surtout quand ce n’est pas nécessaire. Pour autant, je ne me laisse pas marcher dessus et comme je suis un homme de conviction et d’engagement, quelque part, forcément je dois bien être un peu “une grande gueule” ! Dans votre activité, la négociation, il faut parfois faire preuve d’autorité, savoir se faire respecter, non ? Au contraire, il faut avant tout faire preuve d’une grande empathie, être dans une posture d’écoute et savoir faire parler la partie adverse. Mais surtout l’écouter pour entendre sa souffrance, sa colère, sa frustration, ses émotions et comprendre ses motivations. Quelle a été votre négociation la plus dure ? Toutes ! Une négociation est toujours une sorte de combat où le rapport de force est imposé dès le départ par la partie adverse. Il convient de tout mettre en œuvre pour trouver, comme le dit Laurent Combalbert (un ancien négociateur du Raid), l’objectif commun partagé. Les négociations les plus dures sont celles où les motivations sont politiques car les exigences des ravisseurs sont souvent impossibles à satisfaire. Je me souviens d’une négociation particulièrement complexe en Afrique centrale où notre sécurité était sérieusement mise en cause (nous avions subi une attaque une nuit), où nous avons dû batailler avec de nombreux interlocuteurs qui venaient polluer et parasiter nos démarches. Jusqu’à la fin, ç’a été un pas en avant, deux sur le côté, parfois trois en arrière. C’était épuisant. Mais nous y sommes arrivés. "Dans la nuit noire, sur la pierre noire, une fourmi noire… Dieu seul la voit." Ce proverbe arabe introduit votre livre. La fourmi noire, c’est vous ? Oui, parce que les gens ne savent pas ce qu’est mon métier. Je fais un métier qui n’existe pas. Que ce soit dans mon cercle familial proche, parmi mes amis ou les personnes que je rencontre lors de dîners, d’événements et de réunions professionnelles, j’ai remarqué que je n’ai pas de termes exacts et précis pour décliner mon activité professionnelle. “Chef d’entreprise” ce n’est pas suffisant. Immanquablement, on me demande dans quel domaine. Si je précise "dans la sécurité privée", c’est trop réducteur : les gens pensent que je fais du gardiennage. Si j’évoque le "détective privé", je vois les sourires entendus associés aux histoires de cornecul. On pense que je m’occupe d’adultères. Quand je parle d’ "intelligence économique", mes interlocuteurs sont perdus, c’est une notion encore trop abstraite pour la plupart d’entre eux. Quand je commence à expliquer plus en détails mes activités de protection rapprochée et de gestion de crise surgissent inévitblement les étiquettes d’“espion”, d’ "agent secret", de "barbouze" voire de "mercenaire" lorsque j’évoque mon parcours militaire… avec toutes les interrogations et les fantasmes que cela suscite. Entre le Mali, le Centrafrique, le Proche-Orient, l’Amérique latine, il est de plus en plus question des "SMP", sociétés militaires privées. En Ukraine, le groupe Wagner a fait parler de lui. En Irak, c’est la société Blackwater qui a fait couler beaucoup d’encre… et de sang. Ces SMP sont très controversées. Quel regard portez-vous sur celles-ci ? Dès la première guerre en Irak, les entreprises américaines, australiennes ou britanniques, grâce au principe libéral d’externalisation des fonctions de défense non combattante, ont obtenu de juteux contrats allant de la sécurisation des sites miniers gaziers ou pétroliers, des hôtels, à la protection des journalistes, des membres des ONG et au soutien à certaines missions non combattantes (surveillance du champ de bataille, renseignement, interrogation des prisonniers, garde des prisons, maintenance des matériels, installation des camps, formation). Avec ma première société, Secopex, créée en 2003 avec d’anciens sous-officiers du 3e RPIMa, nous avons été les premiers en France à revendiquer l’appellation de SMP. Mais je me suis rapidement rendu à l’évidence que la terminologie "militaire privé", adaptée au monde anglo-saxon, particulièrement aux États-Unis, ne sied pas à la France, pays des droits de l’homme certes, mais aussi des barbouzes et des mercenaires de la Françafrique comme Bob Denard. La France n’est pas prête à changer de paradigme et à s’orienter vers l’externalisation de ces fonctions de défense non combattante. Les amalgames entre notre projet et ces comportements nous ont de facto classés comme infréquentables.

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