Grippe A : le marché des produits hydro-alcooliques est devenu fou

Les spots de prévention les recommandent pour se laver les mains : la demande a explosé, les marques se multiplient.

Jamais un produit de parapharmacie n'aura été autant dopé par les pouvoirs publics. La demande pour les gels permettant de se laver les mains sans savon est aujourd'hui démultipliée et laisse le champ libre aux vendeurs peu scrupuleux. Cette success-story commence en avril lors de l'arrivée de la grippe et se poursuit grâce aux spots gouvernementaux diffusés depuis le 25 août. (Voir la vidéo.)

Les solutions hydro-alcooliques existent depuis l'après-guerre aux Etats-Unis, avec des marques pionnières comme Purell, mais ne sont arrivées en France qu'au début des années 2000. Assanis était, selon son fabricant Blue Skin, la première marque disponible en France, et détenait 30% des parts de marché… jusqu'en août, comme l'explique directeur général Laurent Auday :

« Il y a eu un vent de folie. Rien qu'en septembre, une centaine de nouveaux concurrents sont arrivés sur le marché. Le gâteau est plus gros, mais il y a aussi beaucoup plus d'acteurs. »

Marchands de journaux, grandes et petites surfaces alimentaires… la distribution de ces « solutions » n'est plus l'apanage des pharmacies et parapharmacies. La demande est telle que l'unique problème des fabricants est devenu de fournir à tout prix, quitte à augmenter outrageusement les tarifs.

Je me suis mise dans la peau d'une cliente lambda. J'ai poussé la porte d'une pharmacie et j'ai été attirée par le plus petit modèle, au fond rose fluo et à l'étiquette ornée d'un gros rond « efficacité prouvée », en plus de personnages de Warner Bros. Le prix du tube de poche (20 ml) ne m'a pas semblé exorbitant sur le coup (1,90 euro) mais si on le rapporte aux prix couramment pratiqués (en fait, 25 à 30 euros litre), c'est cher la miniaturisation.

Il est vendu par Germflash, la première société à concurrencer Assanis sur le marché des produits pour enfants avec parfum spécifique. Chez ce dernier, le prix conseillé pour un flacon de 18 ml est de 1,50 euro, parfum au choix (3,50 euros les 80 ml pour le flacon le plus standard).

Une demande multipliée par 10 à 30 et une offre qui ne peut suivre

Les fabricants décrivent une situation mirifique :

« Si on avait pu fournir 10 fois plus que d'habitude, on l'aurait fait, on a essayé, on est passés en 3x8 vu qu'on fabrique nous-mêmes, mais on a réussi à aller que jusqu'à fois cinq. » (Laurent Auday, directeur général société Blue Skin, Assanis)

« Il y a eu un gros pic en avril puis fin août-début septembre, la demande a été 30 fois supérieure à d'habitude, on a eu des difficultés à fournir, aujourd'hui la demande est redscendue au niveau du mois de mai mais ça peut repartir. » (Emmanuel Bernard, responsable marketing laboratoires Cooper, Baccide)

« En septembre, on a fait le chiffre d'affaire de quatre ans, mais surtout grâce aux masques chirurgicaux (encore plus lucratifs et qui représentent 20% de notre chiffre d'affaires). Il faut dire que nous sommes sur le créneau des PME et que, prises de peur, elles ont acheté en masse pour leurs salariés, notamment pour les commerciaux ou transporteurs, les personnels qui travaillent sur les chantiers ou au comptoir d'accueil dans les bureaux. » (Stanislas Chobelet, direction des ventes, Pharm-lux)

Comme la plupart des marques de solutions hydro-alcooliques, cette dernière sous-traite la fabrication de la lotion, et s'occupe de mettre en flacon et commercialiser. C'est du coup toute une filière qui a profité de la manne, les transporteurs, les flaconneurs, les étiquetteurs, les pharmaciens, et l'Etat (via la TVA). Les marges sont tenues secrètes mais tous les disent « confortables ». Car le gel n'est pas compliqué à fabriquer.Ce qui est plus dur c'est d'en faire un produit agréable, au point que les gens aient envie de les utiliser autant que nécessaire. C'est surtout là-dessus que les acteurs historiques du marché tentent de faire la différence.

Virucide, bactéricide, fongicide : trois normes pour être crédible

Ce qu'il faudra vérifier en premier lieu et c'est facile, c'est la conformité à plusieurs normes. Comme le fait remarquer Emmanuel Bernard responsable marketing chez Cooper (Baccide) :

« 70% des références sur le marché sont arrivées depuis la grippe et revendiquent l'efficacité contre le virus H1N1. Les services des fraudes sont en train de vérifier qu'il n'y a pas de gens qui vendent n'importe quoi ».
La DGCCRF n'a pas pu être jointe pour préciser ce point. Le consommateur peut déjà vérifier lui-même dans les informations mentionnées sur le produit :

  • s'il est virucide, il doit répondre à la norme EN14476
  • s'il est bactéricide, à la norme EN1500
  • s'il est fongicide, à la norme NF1275

Certes, à partir du moment où le produit comprend entre 60 et 70% d'alcool, il est supposé efficace. Mais plus les marques sont anciennes sur le marché, plus elles ont eu l'occasion de faire de nombreux tests pour améliorer encore l'efficacité et le confort de leurs produits.

D'ailleurs, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) s'est sentie obligée, il y a un mois, de rendre un avis sur pour clarifier l'utilisation de ces produits, qui n'ont pas besoin d'en passer par une autorisation de mise sur le marché.

On y lit aussi qu'il faut réserver l'usage de ces solutions aux moments où l'on n'a pas accès à un point d'eau. Sinon, préférer le savon, liquide si possible. L'Afssaps précise aussi qu'elle ne peut se prononcer sur les lingettes ou mousses désinfectantes, une toute nouvelle niche pour contourner la saturation du créneau « solutions ».

Photo : La vitrine d'une pharmacie parisienne (Audrey Cerdan/Rue89).

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