Créé en 1999 par la Fondation Mérieux, le laboratoire P4 travaille sur les virus les plus dangereux de la planète. Les équipes lyonnaises ont été les premières, en 2005, à isoler le virus Ebola
Créé en 1999 par la Fondation Mérieux, le laboratoire P4 travaille sur les virus les plus dangereux de la planète. Les équipes lyonnaises ont été les premières, en 2005, à isoler le virus Ebola ©PHOTOPQR/LE PROGRES/JOEL PHILIPPON – ILLUSTRATION
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Enquête : comment les big pharma de Lyon sont-elles passées à côté du vaccin ?

L’échec de Sanofi, le géant de l’industrie pharmaceutique qui a longtemps eu son siège social à Lyon, dans la course au vaccin contre la Covid-19 illustre le retard pris par la France dans l’innovation au sein du secteur du médicament. Entre frilosité, stratégie erratique et financement insuffisant de la recherche, Lyon Capitale décrypte les raisons de ce retard fâcheux.  
Sans faire preuve d’un chauvinisme hors de propos, il n’était pas insensé d’imaginer qu’une partie de la réponse à l’épidémie de Covid-19 se trouverait à Lyon. En matière de vaccin, notre ville est une capitale mondiale. Un statut notamment forgé par Charles Mérieux dont l’héritage est longuement resté vivace. Même si la partie vaccin de l’entreprise familiale a depuis longtemps été cédée à Sanofi. “Aujourd’hui Sanofi n’a plus grand-chose de lyonnais, relativise Georges Képénékian, ancien maire de Lyon qui a aussi présidé les HCL à ce titre. En 2017, le groupe avait décidé de partir de Lyon. Avec David Kimelfeld, nous avons dû nous battre pour conserver leur branche de recherche et développement qui devait initialement déménager.” Le groupe a donc gardé une implantation forte via Sanofi Pasteur, sa branche vaccin. Son siège européen est dans le 7e, au sein du Biodistrict et son laboratoire de recherche et développement à Marcy-l’Étoile. L’usine de Neuville-sur-Saône fabrique, elle, les vaccins et continuera de le faire à l’avenir.
Entre l’annonce de deux plans d’économie, le géant de la big pharma a promis d’investir plus de 600 millions d’euros dans l’agglomération, dont 490 millions pour son site de production de Neuville. Mais le lustre de ces fleurons de l’industrie pharmaceutique, une grande tradition lyonnaise, a pâli. Imperceptiblement jusqu’à un cruel retour à la dure réalité aux derniers jours de l’année 2020. Alors que les vaccins de son grand concurrent Pfizer, de Moderna et d’AstraZeneca obtenaient leurs autorisations de mise sur le marché, Sanofi se voyait contraint d’admettre publiquement son échec dans la course au vaccin. Son produit ne devrait pas être sur le marché avant 2022. “La big pharma qui devait sortir un vaccin, c’était Sanofi, mais ils se sont pris les pieds dans le tapis”, regrette Georges Képénékian. “Quand on se prétend leader dans un secteur d’activité, le jour où vous vous plantez, tout le monde le voit. Nous avons longtemps été les premiers sur le vaccin et nous étions forcément attendus sur le podium dans la course au vaccin”, abonde Jean-Louis Peyren, délégué syndical CGT chez Sanofi.

“Humiliant”

Sanofi promet de présenter une nouvelle version de son vaccin dans un peu moins d’un an. “La santé publique est notre principale priorité et nous sommes naturellement déçus de devoir annoncer ce retard, mais toutes les décisions que nous prenons sont et resteront toujours motivées par des considérations scientifiques et par les données à notre disposition. La stratégie à suivre a été identifiée, et nous sommes confiants et fermement résolus à développer un vaccin sûr et efficace contre la Covid-19”, promet Thomas Triomphe, le patron de Sanofi Pasteur dans le communiqué annonçant l’échec de leur première tentative. Le groupe assure que concernant les patients de moins de 65 ans, leur taux de protection était satisfaisant. “La réponse insuffisante observée chez les adultes plus âgés souligne la nécessité d’affiner la concentration d’antigènes de manière à obtenir une réponse immunitaire élevée dans toutes les tranches d’âge”, admet le groupe Sanofi qui s’était allié à GSK.

“Ce retard n’est pas exceptionnel au regard du temps de développement d’un vaccin. Sortir un produit en 18 mois, c’est un exploit”


Les syndicats de l’entreprise prennent moins de pincettes à l’heure de mettre des mots sur cet échec industriel. “Le vaccin n’était pas assez concentré. Il était sous-dosé. Se tromper de technologie ou de cible, ça peut arriver. Mais là nous avons utilisé une technologie que nous maîtrisons. Rater un dosage, c’est humiliant”, se désole Jean-Louis Peyren. Dans la course au vaccin, Sanofi semble avoir confondu vitesse et précipitation. “Pour gagner du temps, Sanofi a acheté le réactif à un fournisseur. Mais il était sous-dosé et donc pas assez efficace. L’erreur de débutant qui a été faite, c’est de ne pas avoir contrôlé le dosage du réactif. Nous avons sauté l’étape du contrôle. Si nous avions eu trois ans pour faire un vaccin, je pense que nous aurions développé nous-mêmes notre réactif”, précise Matthieu Boutier, délégué syndical CFE-CGC chez Sanofi Pasteur.

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