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Effet Vélo'V : les secteurs (re)conquis par les deux roues

velo4x4©Pluquet et Maxppp ()

CARTE - Un chercheur a mis en exergue les bouleversements induits par Velo'V. Effet booster, ils ont réussi à conquérir les cadres et le coeur de l'agglomération. Fini le déclin de la bicyclette ! Reste que ce système de vélos en libre service est selon Emmanuel Ravalet condamné.

A voir les cycles rouges quadriller nos rues, certains avaient un peu vite qualifié Lyon d'Amsterdam française. On n'en est pas encore là. Une étude vient cependant appuyer le rôle moteur joué par les Vélo'V pour booster la pratique du deux roues au coeur de l'agglomération. Ex-chercheur associé au Laboratoire d'économie des transports aujourd'hui au Laboratoire de sociologie urbaine de Lausanne, Emmanuel Ravalet a co-signé un article consacré au sujet "Les systèmes de vélos en libre service expliquent-ils le retour du vélo en ville ?", publié cette année dans la revue spécialisée "Recherche, Transport et sécurité".

Vélo à Lyon : + 124% en 11 ans

Le chercheur a eu accès à des statistiques de 1995 et 2006 pour Lyon, de 1998 et 2006 pour Lille. La comparaison de ces deux villes est éclairante : de taille proche, l'une possède son système de vélos en libre service, l'autre non (Lille l'adoptera en 2010). L'évolution est diamétralement différente : entre les deux dates, la pratique du vélo a connu chez nous un boom de + 124% - et encore les statistiques s'arrêtent-elles en 2006, soit un peu plus d'un an après la mise en service de Vélo'V. A Lille, elle a reculé de 24%. Un chiffre que le chercheur nuance : la 2e enquête lilloise a été terminée en janvier 2006, au plus froid de l'hiver, tandis que la première avait été exécutée en novembre 1998.

Il n'empêche : le déclic est considérable. Le Vélo'V a connu le succès que l'on connait, et a probablement eu un effet d'entrainement sur tous les autres deux-roues que l'enquête n'a pu mesurer précisément. C'est le grand retour du vélo en ville. Emmanuel Ravalet rappelle que les cycles avaient une place importante au début du 20e siècle, mais qu'ils y avaient été ensuite chassés par l'automobile. A partir des années 50, ils étaient relégués à la périphérie, et encore étaient-ils surtout utilisés par les personnes défavorisées. Le vélo restait aussi "principalement utilisé dans le cadre des loisirs ou comme sport".

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En 1995, la carte est claire, presque blanche : les cyclistes représentent une part négligeable des déplacements. En 2006, le coeur de l'agglomération a été conquis : la Presqu'Ile, Guillotière, une partie du 8e (vierge de métros et de tramways), Grange-Blanche où l'on trouve les facultés de médecine et de pharmacie et la Tête d'Or où l'on pédale pour le plaisir. Deux taches blanches émergent, dues à la typologie défavorable : les Pentes et Fourvière. Il faut noter qu'hors Lyon et Villeurbanne, le vélo ne progresse pas beaucoup et pour cause : les Vélo'V y sont absents.

velos ()

75% des cyclistes sont des hommes

Ce succès est la conséquence d'une évolution sociologique. "Les travailleurs passent à Lyon de 41 à 59% de l'ensemble des cyclistes", souligne Emmanuel Ravalet. On peut en déduire que le vélo est davantage utilisé pour les déplacements domicile-travail. De plus, la proportion de cadres chez les cyclistes "explose" à Lyon, augmentant de 6% à 24%, tandis que celle des ouvriers fléchit de 23 à 15%. Les bobos sont-ils les meilleurs adeptes du vélo ? Peut-être, répond le chercheur. "L'image du vélo a évolué, c'est plus 'tendance', plus 'in', le vélo'v est un objet technologique". Cette nouvelle donne sociologique est aussi observée à Lille : "ce travail révèle une importance croissante des populations favorisées parmi les cyclistes urbains et une reconcentration de la pratique du vélo dans les zones denses", écrit le chercheur.

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Il reste cependant une barrière que le vélo doit franchir : sa féminisation. A Lyon, les trois quarts de ceux qui pédalent sont des hommes. Emmanuel Ravalet (photo ci-contre) suppose que les Lyonnaises sont plus sensibles aux risques d'accidents. Le succès des cycles rouges aurait pu les rassurer : "plus il y a de vélos en circulation, et plus le sentiment d'insécurité pour les cyclistes est faible", énonce le chercheur. Un théorème qui ne s'est pas encore vérifié à Lyon. La faute aux aménagements cyclistes en nombre insuffisant ?

Il ne faut en tout cas pas voir dans ce phénomène une revanche historique du vélo sur l'automobile. "Le report modal de la voiture vers le vélo, bien que non appréhendé dans cette étude, est quasi nul. Vélo'V prend surtout des parts modales à la marche à pieds et aux transports en commun", affirme Emmanuel Ravalet. Selon lui, les VLS ont joué un rôle déclic pour booster la pratique du vélo en ville. Mais ils sont peut-être à terme condamnés par leur coût exorbitant. "Chaque vélo coûte selon les estimations 2500 euros/ an. On a tendance à penser que c'est gratuit. Mais cet argent, la collectivité le perd, par un manque à gagner sur ses recettes publicitaires", explique-t-il. En septembre dernier, nous l'évaluions à 50 millions d'euros sur treize ans (lire Lyon Capitale n°703). Le chercheur pose,de plus, une autre question : le rôle joué par JC Decaux à Lyon, Clear Channel dans d'autres villes. "Seuls ont accès à ce marché public tel qu'il est ici défini les entreprises spécialisées dans la publicité. En sont exclues les associations historiques de promotion du vélo", regrette Emmanuel Ravalet.

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