Rayon supermarché

"2% d'inflation, c'est un peu le 37°C de la température du corps"

Olivier Garnier est directeur général des études de la Banque de France. Selon lui, un taux d'inflation de 2 % est la bonne température de l'économie.

C'est la préoccupation n°1 des Français. L'inflation continue de peser sur la consommation des ménages. Selon une première estimation publiée vendredi 29 septembre par l’Institut national de la statistique (Insee), la hausse des prix à la consommation s’est établie à 4,9 % sur un an en septembre, un taux stable par rapport à août.

Partant du principe qu’ "une politique monétaire mieux comprise est une politique monétaire plus efficace", la Banque de France déroule une tournée nationale - sobrement nommée Les Rencontres de la politique monétaire - pour aller à la rencontre des Français et répondre à leurs questions sur des sujets d'actualité économique dans un contexte d'inflation.

Olivier Garnier @ Banque de France

Olivier Garnier, chef-économiste et directeur général des Statistiques, des Études et de l’International à la Banque de France était de passage à Lyon.

Lyon Capitale l'a rencontré.

Lyon Capitale : Une forte inflation s'est installée en France et en Europe depuis le début de l'année 2022. Pour tenter de la ralentir, la Banque centrale européenne a augmenté, pour la dixième fois, son principal taux directeur, le plus haut niveau jamais atteint depuis le lancement de la monnaie unique. Qu'est-ce qu'un taux directeur au juste ?

Olivier Garnier : Le taux directeur de la BCE influence directement ou indirectement l'ensemble des taux d'intérêt, aussi bien ceux dédiés aux entreprises pour le financement de leurs investissements, que ceux destinés aux ménages pour leurs crédits immobiliers ou leurs placements. Pour schématiser, le taux directeur règle la  température de l’ensemble des financements.

Que permet un taux directeur face aux conflits en Ukraine et la crainte de la pénurie énergétique ?

La politique monétaire ne peut pas agir, bien sûr, sur la guerre en Ukraine ou sur la production de pétrole par l'Arabie Saoudite. En revanche, elle peut agir pour éviter lors d'un choc sur le prix du pétrole, et donc sur le prix de l'énergie, une contagion à l'ensemble des prix et des salaires, ce qu'on appelle une spirale inflationniste. Notre métier de banquier central est donc un peu comme celui des autorités sanitaires qui mettent en place des mesures pour contrer une contamination lors d'une épidémie. Lorsque les taux sont plus hauts, les entreprises et les ménages sont incitées à moins emprunter et à plus épargner. Et inversement. En période d'inflation, il existe des pressions, un déséquilibre entre l'offre et la demande. Or, les taux d'intérêt agissent sur la demande. Le taux directeur joue un rôle de régulateur : en le rehaussant, cela permet d’assurer une évolution de la demande qui soit plus compatible avec celle des capacités productives. Nous nous assurons donc que la demande croît en cohérence avec la capacité d'offre de l'économie. 

Faut-il s'attendre à de nouvelles hausses ?

Ce qui a récemment été dit par le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, et réaffirmé par le gouverneur de la Banque de France, c'est que le maintien sur la durée des taux d’intérêt de la BCE à leurs niveaux actuels devrait permettre d'assurer le retour de l'inflation vers notre objectif de 2% d'ici 2025.

Tous les pays de la zone euro doivent appliquer la politique monétaire de la BCE, notamment les taux. Pourtant tous n'ont pas la même dynamique. Selon vous, la France est-elle plutôt en situation d'en profiter ou d'en pâtir par rapport à ses grands rivaux ; notamment l'Allemagne ?

Effectivement, une union monétaire implique une politique monétaire unique. Après, selon les spécificités de chaque pays, la politique monétaire centrale se transmet différemment. Si je prends l'exemple du crédit immobilier, ce que l'on voit c'est qu'aujourd'hui son coût a moins augmenté en France que dans les autres grands pays de la zone euro. Cela dépend notamment de la structure des marchés du crédit. Pour autant, ce qui explique aujourd’hui l’écart de conjoncture entre la France et l’Allemagne, c'est moins l'impact de la politique monétaire que le fait que l'Allemagne a été à la fois plus exposée aux conséquences de l'invasion de l'Ukraine, parce que plus dépendante de l'énergie importée de Russie, et plus impactée par le ralentissement de la Chine vers laquelle elle exportait beaucoup. Il y a donc un ajustement à faire du modèle de croissance allemand.

L'écart de taux entre les États-Unis et l'Europe peut-il être pénalisant, parce que renchérissant le prix du pétrole et, plus globalement, des importations ?

Aujourd'hui, les taux d'intérêt sont plus élevés aux États-Unis qu'en France, et qu'en zone euro en général. Cela tient aux spécificités de chaque économie. Prenons l'exemple du marché du travail aux États-Unis : il est beaucoup plus tendu et le taux de chômage y est beaucoup plus bas que dans l'ensemble de la zone euro, ce qui explique en partie ces différences. Il faut aussi comprendre qu'en Europe, notre inflation, au départ, est la conséquence, principalement, des prix importés. Aux États-Unis, qui sont de gros producteurs de pétrole, il y a eu un phénomène de surchauffe de la demande, notamment liée à la politique budgétaire très expansionniste. Ce qui peut expliquer aussi des réactions différentes de politique monétaire. 

L'inflation est aujourd'hui la préoccupation majeure des Français. Les fins de mois sont devenues des milieux de mois. Comment ne pas s'inquiéter ?

C’est en combattant l’inflation qu’on protège le pouvoir d’achat des Français, en particulier des plus modestes. À la Banque de France, nous pensons qu'il est possible – et c’est notre engagement – de ramener l'inflation vers 2 % d'ici 2025. Je crois qu'il s'agit d'un facteur de confiance et de stabilité dans le contexte très incertain qui nous entoure.

Peut-on dire que 2% est un taux d'inflation acceptable ?

Oui, c'est ce que nous considérons. C'est un peu le 37 degrés de la température du corps. Un taux d'inflation de 2 % est la bonne température de l'économie.  

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