L’extrême droite bulgare fait de l’œil à Marine Le Pen

Face à une immigration massive en provenance de Syrie, les mouvements populistes et eurosceptiques prolifèrent en Bulgarie. À quelques mois des élections européennes, le parti d’extrême droite Ataka lance un appel du pied à Marine Le Pen. Reportage.

Près du populaire marché aux livres de Sofia, une vingtaine de journalistes s’affairent dans les locaux d’Alfa TV, la télévision nationaliste du parti Ataka. En retard et fidèle à sa réputation, le leader du parti d’extrême droite bulgare, Volen Siderov, serre la main, mais ne décroche pas un sourire. L’œil mauvais et les cheveux grisonnants, l’homme possède le physique parfait du “méchant” dans les films d’action hollywoodiens. Une image que l’ancien animateur vedette aimer cultiver dans les médias. “Ce sont les téléspectateurs qui m’ont demandé de fonder un parti”, explique d’entrée Volen Siderov.

“Le kitsch, l’imprononçable, le vilain”

Connu pour être plusieurs fois arrivé armé au Parlement, le président d’Ataka a créé un mini-scandale diplomatique en janvier, en agressant verbalement une employée de l’ambassade de France à Varna. Ce qui lui a valu la levée de son immunité parlementaire. “Ce sont des commentaires. La plupart de ces commentateurs viennent des milieux oligarchiques, qui ont perdu leur pouvoir, soupire Volen Siderov. Le problème est que le peuple a voté pour nous.”

Aux dernières élections législatives, en mai 2013, le parti d’extrême droite a en effet obtenu 9 % des voix et 23 députés au Parlement bulgare. Pour former une majorité, le Parti socialiste a dû composer avec les appuis de la minorité turque et d’Ataka, pourtant xénophobe, antimusulman et profondément eurosceptique. Du soutien du parti d’extrême droite dépend ainsi la survie du fragile gouvernement bulgare.

“Le poids d’Ataka n’est pas forcément dans l’exercice du pouvoir, relativise Martin Zaimov, ex-candidat à la mairie de Sofia. Par contre, sur le plan médiatique et sur le plan symbolique, Ataka a une influence extrêmement néfaste. C’est le kitsch, l’imprononçable, le vilain, qui obtient la lumière du jour, et qui est validé par les médias les plus corrompus, mais pas seulement par eux. La plupart des gens n’ont pas des avis arrêtés, ils sont influencés constamment. La non-réaction du reste du pouvoir les valide.”

“Beaucoup de propagande contre les réfugiés”

Cadeau pour les nationalistes, l’immigration reste le principal cheval de bataille de l’extrême droite bulgare. Car, après la Grèce, qui a érigé un mur à la frontière turque fin 2012, la Bulgarie est devenue la nouvelle porte d’entrée de l’immigration illégale en Europe.

En 2013, 11 600 réfugiés, en majorité originaires de Syrie, ont demandé l’asile en Bulgarie. C’est dix fois plus qu’en 2012. Un lourd fardeau pour le pays le plus pauvre de l’Union européenne. Et si, avec l’aide de l’Union européenne, le nombre de réfugiés a baissé en janvier en Bulgarie, l’extrême droite continue d’alimenter les peurs de l’étranger.

“La majorité des Bulgares sont passivement anti-immigration car ils ne sont pas informés proprement de la situation. Le Gouvernement ne fait rien contre et il y a beaucoup de propagande contre les réfugiés”, alerte le politologue Yavor Siderov, chroniqueur pour le Guardian.

En novembre dernier, dans le sillage d’Ataka mais aussi des autres partis populistes (VMRO et NSFB), un petit nouveau, le Parti nationaliste bulgare (PNB), a fait son apparition à Sofia. Composé de centaines de skinheads et de hooligans, le mouvement a été surnommé l’“Aube dorée bulgare”, en référence aux néonazis grecs. Le mois de la création du parti, Ali, un réfugié syrien de 17 ans, a été retrouvé poignardé dans les rues de Sofia.

“Faire des actions communes avec le FN au Parlement européen”

Depuis plusieurs mois, Marine Le Pen et Geert Wilders, le président du Parti pour la liberté hollandais (PVV), cherchent à rassembler les partis populistes de toute l’Europe. Le FPÖ autrichien, la Ligue du Nord italienne et les Belges du Vlaams Belang ont rejoint le club anti-immigration et eurosceptique. Mais, pour former un groupe au Parlement européen, il faut réunir 25 députés (largement réalisable) issus de 7 pays minimum (plus difficile). Ataka et les Bulgares peuvent-ils prétendre à l’une des deux places restantes ?

Le 3 février, face à Pierre Moscovici sur le plateau de Mots croisés sur France 2, Marine Le Pen a décrit Ataka comme “l’extrême droite, la vraie”, sous-entendu “pas comme le FN”… Mais la réalité se révèle beaucoup plus ambiguë. Ces dernières années, Jean-Marie Le Pen, quand il était encore président du FN, mais aussi Bruno Gollnisch, l’éternel numéro deux, ont été reçus en Bulgarie par Volen Siderov. En 2011, Marine Le Pen a même accueilli à Paris le sulfureux Bulgare. À Sofia, Bilyana Yaneva, la jeune et francophile directrice des relations internationales d’Ataka, affirme être en contact régulier avec Ludovic de Danne, le conseiller Europe de Marine Le Pen.

“Nous n’avons pas de liens avec Ataka”, réfute de son côté M. de Danne, qui avoue tout de même des rapports “informels” avec le parti bulgare : “Nous avons pris nos distances avec un mouvement qui s’est divisé et dont la classe politique tout entière baigne dans des scandales ou débordements de toutes sortes.” De son côté, Volen Siderov, désavoué dans son pays après ses excès et son ralliement aux socialistes – il est crédité de seulement 1 à 2 % dans les sondages –, fait la moue : Moi, je n’ai pas lu ou vu aucune déclaration officielle disant que Marine Le Pen ne veuille pas s’allier avec Ataka. C’est l’interprétation des médias, avec les petites phrases sorties du contexte.” Pour les européennes, il lance alors un appel du pied à Marine Le Pen : “Je crois qu’on peut faire des actions communes avec le FN au Parlement européen.”

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