François Bayrou et Michel Mercier
Fred Dufour

Affaire Mercier/Rhônexpress : Bayrou menace "Lyon Capitale" d’un procès

Alors que Michel Mercier venait tout juste d’être nommé ministre de la Justice et des Libertés, nous avons appris lundi en fin de matinée, après un certain cafouillage, que le volet le concernant dans l’affaire Rhônexpress (lire ici) avait été classé sans suite par le parquet général de Lyon. Lequel nous avait pourtant assuré quelques minutes plus tôt que la nomination de Michel Mercier "ne changerait rien aux investigations en cours". Nous n’étions d’ailleurs pas les seuls à obtenir cette réponse, puisque de nombreux confrères de la presse nationale et régionale ont eu droit à la même première version officielle.

Rappel des faits

Depuis plus d'un an et demi, la Justice s'intéressait à un éventuel délit de favoritisme dans le marché public du tram-train Rhônexpress, dont la concession d'une durée de 30 ans a été attribuée au groupe Vinci. L'une des graves accusations portait sur un soupçon de financement occulte de la campagne présidentielle de François Bayrou en 2007, dont Michel Mercier était le mandataire financier. Nous avons relayé avec toutes les précautions d’usage ce volet de l’affaire, comme nous avons relayé les autres pistes suivies par les enquêteurs dans ce dossier particulièrement opaque, avec son lot de barbouzes, d’officines et de manipulations diverses, le tout sur fond de guerre patronale fratricide pour la présidence de la CCI de Lyon.

Nous avons aussi donné la parole contradictoirement à toutes les parties, y compris aux autorités judiciaires, lesquelles n’ont jamais apporté le moindre début de démenti quant aux pistes évoquées mais nous ont au contraire régulièrement assuré depuis le début de l’enquête préliminaire que toute la lumière serait faite sur cette affaire, tout en nous incitant à la prudence sur le volet "financement politique", prudence qui a été notre souci constant. Dans cet état d’esprit, nous avons d’ailleurs publié le droit de réponse du Conseil général du Rhône, alors que rien ne nous y obligeait puisque la bonne foi du journaliste avait déjà été mise en cause en termes peu amènes, avec des menaces à peine voilées. Nous avons pourtant publié, en débarrassant le texte initial de ses scories et autre attaques sous la ceinture (lire ici).

Enfin, le procureur général Jean-Olivier Viout a tenu à nous préciser "que quel que soit le nom et le prestige des personnes concernées, (il) irai(t) jusqu'au bout" (lire ici). Force est de constater que tel n’est pas le cas aujourd’hui. Résumons-nous : officiellement l’enquête suivait son cours lundi matin, était officiellement classée vers midi… et finalement, une dépêche officielle à l’AFP nous précisait lundi après-midi que ce classement avait eu lieu "le 10 novembre 2010". Nous ne pourrons hélas jamais le vérifier et le soupçon reste entier.

"Pour que les choses soient claires"

François Bayrou, nous a appelés – sans doute "un nouvel hasard du calendrier"- juste après la publication de ladite dépêche. Nous lui avons spontanément proposé de s’expliquer dans nos colonnes. Contre toute attente, il nous a répondu qu’il souhaitait que nous soyons "condamnés par les tribunaux, ce qui est tout à fait autre chose", ajoutant "je ne sais pas quelle sorte de gens vous fréquentez habituellement, mais il y a au moins un homme politique en France qui n'a jamais eu aucune sorte de financement occulte, c'est moi. Et Michel Mercier, c'est une des raisons pour lesquelles je suis ami avec lui, c'est quelqu'un qui de ce point de vue là a toujours été intraitable. Voilà. Alors peut-être vous vivez dans un monde où il y en a. Dans une ville où il y en a. Mais moi je n'en fais pas. Alors donc vous allez, de ce point de vue là, aller devant les tribunaux, pour que les choses soient claires".

Que Michel Mercier, le nouvel ami de Nicolas Sarkozy, soit toujours l’ancien ami de François Bayrou, voilà une "chose qui est claire." Que le nouveau Garde des Sceaux ait "toujours été intraitable" avec les questions de financement politique… nous n’avons pas de raisons d’en douter a priori. Nous constatons simplement que le parquet financier de Lyon avait ouvert une enquête préliminaire début 2009, avec un volet le concernant, volet dont nous apprenons aujourd’hui qu’il est classé sans suite. Voilà une chose qui est claire aussi. Pour ne pas dire limpide. Les faits sont vraiment têtus. Et les menaces n’y changent décidément rien.

Comme nous l’écrivions au tout début de l’affaire, "nombreux sont ceux qui ont intérêt à instrumentaliser la justice en orientant l'enquête ou en lui faisant parvenir des documents accusatoires. Si bien que l'alternative est simple : soit l'enquête préliminaire débouche sur la plus grande affaire politico-financière de ces dernières années, soit elle conclut à une grande mascarade." La Justice n’aura finalement rien conclu en la matière, puisque Michel Mercier, en dépit de la gravité des accusations portées, n’a jamais été entendu par la brigade financière. Les enquêteurs se concentreront désormais uniquement sur le rôle présumé de Guy Mathiolon, président de la CCI de Lyon, dans la modification des tracés du tram-train. Précisons que ce volet avait justement fait l'objet d'un signalement du Conseil général du Rhône, dont Michel Mercier est président, auprès du procureur de la République en juin 2009. Encore un hasard sans doute.

Mais si François Bayrou veut relancer l’affaire et aider les citoyens à y voir "plus clair", c’est avec plaisir et en toute sérénité que nous l’y aiderons et que nous aiderons la Justice. Parce que, comme lui, nous préférons la nécessité au hasard. Parce que, comme il l’a confié au rédacteur en chef de Lyon Capitale : "Il faut que ce genre de mœurs disparaisse." Sur ce point, nous sommes bien d’accord avec lui. Dont acte.

Didier Maïsto
Directeur de la publication

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