Les crises humanitaires ou l'humanitaire en crise

Il présentait son livre 'Humanitaire, s'adapter ou renoncer', publié aux éditions Marabout. Zoom sur cet ouvrage critique.

Passé le titre choc, le livre de Pierre Micheletti, actuel président de Médecins du Monde (ONG française), propose une réflexion sur l'état actuel de l'action humanitaire dans le monde. Pour l'écriture de cet essai, il s'est borné à une logique médicale. Les premiers chapitres font l'examen et mettent en exergue des symptômes des bouleversements qui affectent l'œuvre humanitaire. Il donne ensuite son diagnostic et des propositions de remède. 'Ce livre, c'était une étape personnelle, liée à la fonction de président de MDM (Médecins du Monde). Cela permet de s'extraire du quotidien pour faire un zoom arrière sur les pratiques de terrain, pour conceptualiser tout ça ', explique-t-il.

Insécurité : le choc des civilisations ?

Pierre Micheletti revient sur la question devenue cruciale de la sécurité des volontaires. Il insiste : 'en 40 ans, la perception des populations en souffrance sur les humanitaires a radicalement changé.' Il évoque la génération des French doctors, dit des 'Sans Frontières' avec comme emblème Bernard Kouchner (actuel Ministre des Affaires Etrangères). Il montre que, petit à petit, les ONG humanitaires sont devenues le symbole d'un Occident arrogant, qui voudrait installer un monopole. 'L'Occident n'est plus le modèle à suivre. Il y a une forte revendication d'identités culturelles.'

Pourtant, Pierre Micheletti exprime son désaccord avec les thèses d'un certain Samuel Huntington. Thèses qui parlent de 'choc des civilisations', choc lié au fait religieux, à une confrontation entre monde occidental chrétien et monde musulman. Il cherche, de son côté, à démontrer que les crises actuelles, comme celle du Darfour, sont des phénomènes complexes, irréductibles à de simples croyances. ' Il faut faire attention aux extrémistes du choc des civilisations, aux intellectuels du genre de Bernard Henri Lévy qui ont une vision réductrice sur le Darfour', souligne-t-il.

Médiatisation et globalisation

Difficile d'être humanitaire. Sur le terrain se trouve toute une palette d'acteurs 'étrangers ' et les obstacles sont toujours plus nombreux, que ce soit en Irak, en Afghanistan ou même à Gaza...' Les ONG françaises se sont construites comme un outil de contre pouvoir', ajoute Pierre Micheletti. Mais il s'inquiète du poids de la médiatisation et de la ' toxicomanie entre humanitaires et médias.' Les médias sont certes une caisse de résonance politique aux actions des ONG, mais ils peuvent aussi provoquer l'insécurité.

Ce qui change, c'est qu'il faut avoir ' des réseaux avant le logo ', il faut consacrer du temps à trouver des interlocuteurs locaux. Pierre Micheletti préconise aussi de se démarquer de la politique étrangère, et avant tout, de se préoccuper du fossé culturel. Il pose enfin la question : ' A quand un MDM au Brésil, en Inde ? C'est vrai, ces pays peuvent amener leur richesse et leur compétence à l'action humanitaire.' Mais la mondialisation des ONG pourra-t-elle vraiment apporter du crédit aux humanitaires et sécuriser leur action?

Marine Badoux

Pour info: Humanitaire, s'adapter ou renoncer/ Pierre Micheletti/ Ed. Marabout/ 15 euros.

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