Feed : des Français se lancent dans la nourriture du futur

La nourriture en poudre est-elle notre avenir ? Dans la lignée du Soylent, Joylent, ou bien encore Queal, les Français de Feed se lancent dans l'aventure de la nourriture du futur avec une vraie envie d'innover.

Rejet du système des abattoirs, véganisme, intolérance au gluten : le futur de la nourriture se joue-t-il aujourd'hui ? En 2013, aux États-Unis, l'ingénieur informatique Rob Rhinehart a lancé le Soylent, un aliment complet sous la forme d'une poudre à mélanger avec de l'eau. Pur produit de hacker, il ramène la nourriture à son seul statut de carburant pour le corps. Le Soylent tente de combler tous les besoins journaliers théoriques grâce à un processus plus proche de la chimie que de la cuisine. Cette poudre n'est pas exportée vers l'Europe, mais sa conception ouverte a permis a des entreprises du Vieux Continent, comme Joylent et Queal, de proposer des alternatives (lire notre test de Joylent ici).

Après la poudre, les spécialistes du secteur se sont tournés vers les barres solides, non sans problèmes. À la rentrée Soylent a demandé à ses clients de ne plus consommer ses barres après avoir reçu des plaintes de clients qui ont ressenti des nausées et maux de ventre. Dans un contexte où la confiance et la sécurité alimentaire sont au cœur des enjeux, les Français de Feed vont tenter d'imposer leur nourriture du futur ou "smart food" selon leurs propres mots. Anthony Bourbon, fondateur de l'entreprise a accepté de répondre à nos questions.

Lyon Capitale : Pourquoi se lancer dans le post food ?

Anthony Bourbon : C'est venu d'un problème personnel quand je travaillais à la direction juridique d'un grand groupe parisien. Je ne mangeais pas correctement le midi. Soit je sautais un repas, soit je mangeais des sandwichs pas géniaux. Il y a deux ans, j'ai cherché une alternative pour régler ce problème et je suis tombé que sur des substituts de régime. Aux États-Unis, il y avait bien le Soylent, le souci c'est qu'on ne pouvait pas se faire livrer en Europe. Sur le Vieux Continent, quelques formats ont commencé à apparaître, mais ils étaient remplis d'allergènes. En plus, ce n'était pas l'idée qui me convenait, il s'agissait de sacs de poudre avec des dosettes qu'il fallait mélanger avec de l'eau. Si j'étais venu avec ça à la direction juridique, j'aurai été vite stigmatisé. Ce n'était juste pas possible. J'ai donc commencé à développer une solution artisanale chez moi en achetant les ingrédients et en perfectionnant ma propre recette. Elle a rapidement eu un succès autour de moi, mes amis ou collègues m'en demandaient régulièrement.

À ce moment-là, c'est le déclic ?

Oui, le marché est vierge en France, j'ai voulu passer à l'étape d'après, mais je ne voulais pas faire les choses dans mon garage. À la base, je suis juriste pas nutritionniste. Je me suis entouré de spécialistes, ingénieurs, j'ai fait appel à des laboratoires. On a travaillé ensemble pour trouver une formule adaptée aux usages. Pour les besoins journaliers, on se base sur les recommandations de l'agence d'alimentation européenne, mais comme toutes les moyennes, c'est à prendre avec des pincettes. Chacun doit faire selon ses besoins. Nous ne sommes pas là pour normaliser ces besoins, mais nous voulons offrir une base que les gens peuvent faire évoluer.

Vous êtes juristes et non nutritionniste, n'est-ce pas un paradoxe ?

Depuis le début de l'aventure, il fallait mieux que je sois juriste que spécialiste de la nourriture. En Europe, le cadre légal est important, mais comme le substitut complet n'existe pas, il est paradoxalement hors cadre. À la base, un substitut de repas ne peut pas être supérieur à 400 calories, nous sommes à plus de 600. On n'est pas un complément non plus. Même moi, j'ai dû accepter mes limites sur le sujet. On s'est approché d'autres juristes pour que tout soit parfait et que nous respections l'ensemble du cadre légal.

Les problèmes qui touchent aujourd'hui Soylent peuvent-ils nuire au lancement de vos produits ?

Le cas Soylent est une chance pour nous. Depuis le début, les nutritionnistes critiquent leur recette. Ils ont voulu faire de la nourriture en se basant majoritairement sur des ingrédients chimiques qui finissent en "ine" ou "ose". Vouloir nourrir dix-millions de personnes qu'avec ça, ça pose problème. Avec Feed, nous proposons une formule moderne, mais uniquement des ingrédients traditionnels, comme le soja, le blé, les graines de lin. Des aliments que nous consommons au quotidien et que nous avons remis au goût du jour. Le tout synthèse, ça ne gène pas aux USA. En Europe vous arrivez avec la même chose que Soylent, les gens crieraient aux scandales.

Combien de personnes ont pu tester votre recette ?

Aujourd'hui, il y a 200 personnes qui ont pu la prendre régulièrement. Ceux qui nous encouragent depuis le début ont pu la tester en avant-première et faire des retours. Nous avons amélioré de nombreuses choses et le concept a largement évolué. Au début, on voulait une boisson déjà préparée "ready to drink", mais on a vite réalisé que ça serait bien d'avoir aussi une barre aussi plus légère. Grâce aux retours, on a pu travailler sur une version en bouteille avec de la poudre prédosée où vous n'avez qu'à ajouter de l'eau. Enfin, même si je n'étais pas fan au début, nous avons accepté de faire les sacs de poudre à mélanger dans un shaker. Actuellement, il y a des commandes incroyables, car il y a un vrai besoin. Nous avons des avocats, des traders, des start-ups, des sportifs, il y a une clientèle très mélangée.

Quels sont vos atouts par rapport à la concurrence ?

Notre force, ce sont les produits sains et traditionnels, pas de produit de synthèse ou le minimum possible. On ne veut pas de signes bizarres sur les étiquettes, il faut que tout le monde puisse les lire sans être un spécialiste de la chimie. Feed ne contient pas d'allergène, pas de gluten, pas de lactose, pas de noix et il est végan à 100%. Une nourriture intelligente doit s'inscrire dans le futur. Si la smart food peut éviter d'avoir des animaux qui souffrent, c'est bien. Il faut qu'elle soit en avance sur ce temps, c'est donc pareil pour le gluten et le lactose. Notre indice glycémique est très faible pour éviter le coup fusil après l'avoir bu. Avec certaines boissons, on a l'impression d'être calé pendant 30 min et après on a faim. Nous c'est tout l'inverse. Pendant les cinq ou six heures qui vont suivre, les glucides vont continuer d'être distribués dans le corps.

La France arrive en retard sur le secteur, n'est-ce pas trop tard?

Ça nous permet d'avoir un peu de recul. Il y a beaucoup de marques qui sont arrivées en Europe, mais la France est restée à la traîne. Ils se sont tous engouffrés dans le marché de la poudre qui ne correspond pas forcément aux usages et n'ont pas pensé à ce que voulaient les gens. Au travail, personne ne fera son mélange avec des shakers. Il fallait innover sur ce secteur pour convaincre le plus grand nombre et pouvoir proposer ce genre de format dans des boutiques traditionnelles.

Allez-vous être distribué en magasin physique ?

En janvier, nous ferons une grande annonce. Nous avons déjà un partenariat exclusif avec une grande enseigne pour distribuer Feed en magasin. Ils auront l'exclusivité pendant deux mois et ensuite, nous proposerons la smart food dans d'autres boutiques. Nous n'avons aucun mal à proposer nos produits en grandes surfaces. Les spécialistes du secteur ont conscience du tournant actuel et ne veulent pas le rater.

Nous sommes en France, pays de la gastronomie, n'avez-vous pas peur d'être sous le feu des critiques ?

On prend les critiques avec du recul. Il y a deux types de personnes, celles très fermées, on ne peut pas parler avec eux, même quand ils avouent qu'ils vont régulièrement aux fastfoods. D'un autre côté, il y a ceux qui doutent, réfléchissent et sont curieux. On n'est pas là pour dire aux gens : "arrêtez de manger normalement". On n’est pas Soylent pour dire aux gens : "Ne mangez que nos produits trois fois par jour". Nous voulons être l'alternative idéale et ponctuelle. Nos repas sont entre 2,40 et 3,90 euros entre la poudre et le prêt à boire. Avec les économies que vous ferez, vous pourrez aller chez le traiteur à la fin de la semaine, faire un bon resto. Au début des surgelés : c'était le branlebas de combat général. En manger, c'était la honte. Aujourd'hui, vous avez une boutique Picard à tous les coins de rue.

Êtes-vous toujours juriste ?

Non, je me suis mis à 100 % dans Feed. J'ai compris que ça n'allait pas être possible. On a trois usines différentes, un laboratoire, un logisticien, il faut tout gérer. Au début, certaines entreprises de post food faisaient les mélanges dans des garages sans gants. Nous avons voulu éviter ça, quitte à perdre du temps. On aurait pu lancer les produits il y a six mois, mais on a préféré que tout soit vérifié par des labos pharmaceutiques, des usines certifiées. Dans l'alimentation, vous n'avez pas le droit à la moindre erreur. Quand les gens vomissent, c'est terminé, vous êtes finis. On a préféré arriver avec des produits carrés, en règle avec tous les organismes et nous sommes maintenant impatients que les gens puissent tester Feed.

Feed smart food, en prévente sur le site officiel

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