Le politologue lyonnais Paul Ariès devant la statue de la République, place Carnot, le 19 janvier 2019 © Antoine Merlet
Le politologue lyonnais Paul Ariès devant la statue de la République, place Carnot, le 19 janvier 2019 © Antoine Merlet
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Paul Ariès : “Les Gilets jaunes nous donnent une leçon”

Spécialiste des sectes et de la démocratie participative, apôtre de la décroissance et de la désobéissance civile, pourfendeur de la malbouffe et des théories véganes, Paul Ariès approche la soixantaine sans avoir quitté Lyon, ni perdu un certain goût pour la provocation. Politologue, polémiste, prof, auteur d’une quarantaine d’ouvrages (derniers parus : Gratuité vs capitalisme et Lettre ouverte aux mangeurs de viande qui souhaitent le rester sans culpabiliser), il est aussi journaliste militant, qui signe dans Golias, Politis ou Le Monde diplo, et dirige les revues engagées Le Sarkophage et Les Z’indigné(e)s. Inquiet pour la gauche aux prochaines européennes, il s’est rapproché de Nathalie Perrin-Gilbert en vue des municipales, convaincu que c’est à l’échelle des territoires que peuvent s’inventer de nouveaux modes de vie et s’amorcer la transition écologique. Notre entretien Grande Gueule de février.


Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ? Paul Ariès : Cette formule me plaît, car la politique a plus besoin de dissensus que de consensus, surtout dans cette période propice aux pensées glissantes… La crise des Gilets jaunes, je le dis, comme acteur du mouvement et comme politologue, peut nous conduire au pire ou au meilleur. Tout ce qu’on croyait définitivement acquis peut être remis en cause, qu’il s’agisse des droits des femmes, des conditions d’accueil des migrants, de l’abolition de la peine de mort. Ce qui me donne de l’espoir, c’est que oui, quand on pose des questions de droite, on a des réponses de droite : la baisse des impôts, le refus de l’État, des fonctionnaires, des immigrés… Je passe la moitié de mon temps en Haute-Loire, c’est bien cela que j’ai entendu sur les ronds-points. Mais j’ai aussi vu beaucoup de femmes vivant dans la précarité, beaucoup de gens porteurs de réflexions sur la justice fiscale, le retour de l’ISF… Et quand on pose des questions de gauche, comme sur le maintien des services publics de proximité, on obtient des réponses de gauche. Le problème, c’est que la gauche n’arrive plus à imposer son agenda. Si la gauche peut disparaître en France, comme elle a disparu en Europe de l’Est, c’est parce qu’elle s’est trop “économisée”, au double sens du terme : elle a laissé une place trop importante à l’économie, et elle n’a pas fait assez de pas de côté, mené des expériences. Nous ne sommes pas remis des deux grandes tragédies de la gauche au XXe siècle : l’expérience soviétique métamorphosée en stalinisme et la social-démocratie reconvertie en social-libéralisme. La gauche est en miettes. L’écologie ne vaut guère mieux. On a un sacré boulot. Il y a urgence car la démocratie est en panne. On pourrait même parler de suicide. Comment sortir de la crise des démocraties ? Georges Gurvitch, le grand juriste qui a inspiré le programme du Conseil national de la résistance, disait qu’il y a deux démocraties : la démocratie électorale, celle qui interpelle le citoyen abstrait, celle qui nous isole les uns des autres, ce qu’exprime très bien l’isoloir – même s’il faut tout faire pour améliorer cette démocratie, représentation proportionnelle, réduction du nombre de mandats, elle laissera toujours de côté les plus modestes (de fait, le premier vote populaire aujourd’hui, c’est le non-vote) ; et à côté de cette démocratie, il faut une démocratie directe, celle qui est revendiquée notamment par les Gilets jaunes.

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