Les Dialogues (Presque) Imaginaires > Episode 1 : Collomb / Barbarin

Lyon Capitale inaugure une série inédite. Régulièrement, au gré de l’actualité et des différentes prises de position, retrouvez sur lyoncapitale.fr un feuilleton passionnant. Parce que, comme l’écrivait Paul Auster dans La chambre dérobée, "chacun sait que les histoires sont imaginaires. Nous savons qu’elles ne sont pas vraies même quand elles nous disent des vérités plus importantes que celles que nous pouvons trouver ailleurs". Premier épisode donc, ce dialogue (presque) imaginaire avec Monseigneur Barbarin, Primat des Gaules, sorti de sa réserve ce lundi 4 octobre après la désignation de deux finalistes dans le projet de reconversion de l’Hôtel-Dieu. L’archevêque demande ainsi à Gérard Collomb de respecter ses "promesses" et "la volonté des Lyonnais" en laissant une "porte d’entrée" aux pauvres.

Monseigneur Barbarin : Mon Fils, dans votre programme vous aviez dit : "je veux garder à l’Hôtel-Dieu des soins ambulatoires et une place pour la santé et les pauvres". Je suis sûr que vous pensez toujours ce que vous dites. Vous n’avez pas oublié hein ? "Tu n’as pas été élu pour que tu décides tout seul !"

Gérard Collomb : Mon Père, tous les Lyonnais m’appellent Gérard et je ne suis jamais seul avec ma solitude. Mais que voulez-vous, j’ai l’espérance du ciel et les contraintes de la terre.

MB : Ah, je suis heureux de vous entendre parler ainsi. Dieu soit loué ! L’espérance du ciel !

GC : Oui enfin, faut pas exagérer. Je suis surtout un socialiste utopiste, un saint-simonien quoi. Et les pauvres, ça me connaît. C’est pour ça que j’aime pas trop Sarko, son bouclier fiscal et ses déclarations à l’emporte-pièce. Comme disait mon oncle, "le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien". Avec toute son agitation médiatique sur les Roms, il nous casse le boulot.

MB : Expliquez-vous mon Fils.

GC : Moi, je suis pour un traitement humaniste des pauvres. Je renvoie les Roms chez eux, hop, sans faire de bruit. Comme on ne peut pas les accueillir décemment chez nous, je préfère qu’ils soient heureux chez eux. De grâce Monsieur Le Président, je vous en conjure, laissez-nous travailler en paix !

MB : Mais… Mon Fils…

GC : C’est vrai à la fin ! C’est comme pour les prostituées, on m’en fait tout un plat. Encore une fois, j’ai des contraintes plus prosaïques moi, Monseigneur ! Marie-Madeleine ne répand pas du parfum sur mes pieds ! Et puis, dans la Capitale des Gaules, ça fait mauvais genre, les riverains sont pas contents. Et c’est que je me représente, je suis pas comme l’autre là, j’ai des comptes à rendre !

MB : Nous avons tous des comptes à rendre. Ici et maintenant, comme à l’heure du Jugement Dernier. Vous parlez si souvent de "mixité sociale" que je m’étais dit…

GC : Monseigneur ! Pas vous ! Vous croyez pas à ces balivernes quand même ! Ça c’est po-li-ti-que. C’est pour les militants, pour les congrès socialistes, éventuellement pour passer chez Ruquier, c’est pas sérieux ! Et puis à Lyon, ça plaît, ça plaît, ne croyez pas hein. C’est ce qu’on appelle "la tradition du christianisme social". Moi, je m’inscris dans la tradition. Et puis j’ai une vision : Lyon sera le Veau d’Or du troisième millénaire ! Devant Barcelone, Paris, New York !

MB : Mon Fils, vous vous égarez. Il y a quelques jours à Fourvière, vous avez pourtant été clair. On doit laisser une porte ouverte pour la prévention, la promotion de la santé et pour tous les Lyonnais, à commencer par les plus fragiles. Vous êtes capable, quand vous le voulez, de faire bouger les choses.

GC : Monseigneur, avec tout le respect que je vous dois, il faut vraiment que le jeu en vaille la chandelle ! Et moi mes chandelles, elles s’appellent Grand Stade, Grand Hôtel, enfin vous voyez. Les Petites sœurs des pauvres, je vous les laisse. Je veux bien de temps en temps aller me geler devant des octogénaires à Fourvière. Mais moi, ce qui m’intéresse surtout, c’est le concret, des espèces sonnantes et trébuchantes, pas la promesse incertaine d’un monde meilleur. J’ai été élu pour ça. Pour aujourd’hui et pas pour demain.

MB : J’espère que vous avez aussi quelque espérance pour la terre… Je vous ai connu plus inspiré. Et puis, il y a le symbole. Ça vous parle ça, le symbole ! Sans compter que de nombreuses sociétés sont prêtes à s’engager financièrement…

GC : Oh, je connais votre projet de Fondation Hôtel-Dieu XXIe siècle, je connais.

MB : Alors vous savez qu’il est soutenu par des personnalités politiques de tous bords : Thierry Philip, Denis Broliquier, Philippe Mérieu…et des courants comme Europe Ecologie, la CFDT…

GC : Philip ! Broliquier ! Meirieu ! Et pourquoi pas Buna tant que vous y êtes ? Ils essaient d’exister, c’est tout. Notez bien, je les comprends. Mais enfin, je les ai caramélisés quand même. Alors, qu’ils signent une pétition à droite à gauche…

MB : Mais telle est la volonté des Lyonnais depuis mille ans ! Dans une démocratie, on n’obéit pas seulement aux exigences de la République, on cherche à entendre aussi le désir profond d’un peuple.

GC : Mille ans ! Ah… Si j’avais encore mille ans devant moi, j’en ferais des choses… Adam, Noé… A cette époque on vivait vieux. Enfin tout ça c’est bien beau, mais comme vous le dites, c’est surtout symbolique. Dans la vraie vie, c’est pas du tout comme ça. J’ai noté vos performances au Run in Lyon. Bravo Monseigneur ! Et j’ai vu votre photo dans la presse. Vos baskets, avec les rayures jaunes, vous savez où elles sont fabriquées ? Ah, ah, je suis sûr que non.

MB : Je ne vois pas le rapport.

GC : En Roumanie Monseigneur, en Roumanie. Alors, qui est dans le vrai ? Les bonnes âmes qui font de beaux discours sur le travail des enfants des rues de Bucarest ou moi, qui leur permet de quitter nos bidonvilles où ils s’entassent ? Je vous laisse méditer sur cette question, j’ai une visite de chantier avec Rivalta. Et pour votre Hôtel-Dieu là, vous savez ce qu’on va faire ?

MB : Nous avons recueilli 7500 signatures, ce n’est pas rien.

GC : Justement, il me vient une idée. Comme je connais le vainqueur depuis des mois -ma position me donne quelques avantages- je vais lui demander de poser une belle plaque en or à l’entrée du palace. Je la vois d’ici : "Centre International de Promotion de la Santé". On inaugurerait le tout avec Mère Teresa.

MB : Mon Fils, le Seigneur l’a rappelée à ses côtés…

GC : Mais où ai-je la tête ? Je suis désolé Monseigneur, sincèrement désolé. On fera ça avec l’Abbé Pierre. Marmoz ! Appelez-moi Martin Hirsch !

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