Simon Virlogeux

Avec les Roms, "nous sommes dans une démarche de développement"

INTERVIEW - Dans le but de régler en partie la question Rom, un projet de coopération décentralisée va voir le jour entre le Grand Lyon et la commune de Tinca en Roumanie. Les financements (491 600 euros) ont été adoptés lundi soir en conseil communautaire. Simon Virlogeux, membre de l'association "Villes en transition" mandaté par le Grand Lyon pour mener à bien ce projet revient sur sa gestation, et ses développements à compter du 1er novembre prochain (construction de bains-douches, raccordement au réseau électrique, etc). Une première en France, après Nantes et Lille.

Lyon Capitale : Cela fait deux ans que vous préparez le projet de coopération entre le Grand Lyon et la ville de Tinca en Roumanie. Comment est né ce projet ?

Simon Virlogeux : Il y avait une volonté du Grand Lyon d'agir en Roumanie en faveur des Roms. De notre côté, nous avions déjà déjà travaillé dans le pays auprès des Roms et d'autres populations. Le Grand Lyon a donc fait appel à nous pour mener ce projet. Géographiquement, nous sommes partis du constat que de nombreux Roms présents à Lyon venaient du département du Bihor en Roumanie et de la ville de Tinca en particulier; il y avait donc une inter-connaissance entre Tinca et Lyon. Beaucoup de Roms de Tinca connaissent déjà bien Lyon.

Combien de Roms de Tinca sont déjà venus à Lyon selon vous ?

Il y a un peu plus de 7 000 habitants à Tinca dont 2 500 à 3 000 Roms environ. Leur nombre est assez difficile à définir car il n'y a pas de système de recensement aussi précis que le notre. Mais on peut imaginer que 700 à 800 Roms de Tinca sont déjà venus à Lyon au moins une fois.

Est-il vrai que beaucoup d'entre eux ont la nostalgie du pays lorsqu'ils viennent à Lyon ? Avez-vous déjà recueilli des témoignages en ce sens ?

Il est vrai que les Roms que nous rencontrons sur le terrain ont plutôt tendance à nous dire qu'ils préféreraient vivre chez eux, dans leur pays. Ce qui est assez compréhensible pour cette communauté qui n'est pas nomade contrairement à ce que l'on dit parfois.

Dès lors, comment avez-vous élaboré votre projet de coopération entre Tinca et le Grand-Lyon ?

Nous nous sommes rendus sur place en mars pour déterminer les besoins. Une première mission exploratoire qui nous a permis de rencontrer les autorités, les Roms et les représentants des associations locales. Notre but était de mobiliser tous les partenaires et de déterminer avec eux la meilleure manière d'intervenir.

A l'issue de ce voyage vous avez donc décidé d'aider 60 familles Roms de Tinca à se raccorder au réseau d'électricité local, projet financé par le Grand-Lyon à compter du 1er novembre prochain. S'agit-il d'une priorité pour les familles ?

Évidemment, vous n'êtes pas sans savoir qu'il fait très froid en Roumanie... Et comme plusieurs familles se raccordent illégalement au réseau d'électricité local parmi la communauté Roms de Tinca, il y a déjà eu plusieurs incendies et électrocutions ces dernières années. Pour autant, on s'est rendu compte que ce n'était pas la facture d'électricité qui posait problème -ces familles acceptent de payer-, mais elles ne parvenaient pas jusqu'ici à obtenir le raccordement légal au réseau électrique. Le nombre de familles concernées a été évaluée à 60, parmi les plus pauvres du ghetto, ce qui représente environ 300 personnes qui accèderont demain à l'électricité légalement.

Le Grand-Lyon envisage aussi la construction de Bains-Douches à Tinca. En quoi cela va-t-il permettre aux Roms de mieux s'intégrer en Roumanie ?

Cet équipement va répondre à plusieurs de leurs besoins : ils vont pouvoir se laver et avoir accès à l'eau potable, mais aussi les enfants roms vont pouvoir être mieux acceptés à l'école. En effet, les autorités à Tinca sont attentives aux problèmes des Roms et réservent des places aux enfants roms à l'école, mais dans la pratique les établissements ne les acceptent pas toujours à cause de problèmes d'hygiène. Ces bains-douches vont servir à favoriser leur intégration à l'école. Cet équipement prévoit aussi un espace pour laver du linge, des toilettes, un accès à l'eau potable où les gens pourront venir se servir en eau propre.

Et enfin, un local pour les associations de la commune qui veulent travailler avec les Roms. L'établissement sera implanté dans un espace au centre de la ville, il sera ouvert à tous les habitants, pas seulement aux Roms. L'idée étant de renforcer le dialogue entre les communautés de Tinca, dialogue déjà plus avancé à Tinca que dans d'autres territoires de la Roumanie.

D'où vient ce rapprochement entre les communautés à Tinca, cette meilleure intégration des Roms par rapport au reste de la Roumanie selon vous ?

Il s'agit d'une commune relativement rurale, où les problématiques ne sont pas les mêmes que dans les grandes villes. Les deux communautés ont une proximité plus importante. Les gens grandissent ensemble, ils se connaissent. La question Rom fait partie intégrante de la vie de la cité. La ségrégation spéciale y est aussi moins marquée. Et puis, il y a une volonté politique de la part de la municipalité !

Dans la conception de votre projet de coopération décentralisée, avez-vous pris en compte les associations lyonnaises qui viennent déjà en aide aux Roms à Lyon : CLASSES, Médecins du monde, etc ?

Nous avons rencontrés Médecins du monde, et les autres associations sont au courant de notre démarche. Notre objectif est le même : l'amélioration des conditions de vie des Roms mais la problématique est différente à Lyon et à Tinca. On essaie de se tenir au courant entre nous.

Hubert-Julien Laferrière, l'élu qui porte le projet au Grand Lyon a déclaré, lundi 17 octobre, qu'il s'agissait d'une première en France, cette coopération d'une communauté urbaine avec une ville Roumaine, vous confirmez ?

A ma connaissance, il existe déjà des projets de coopération entre communautés urbaines françaises et roumaines. Nantes Métropole en est l'exemple Ce qui est nouveau en revanche, c'est "la coopération décentralisée", c'est cela qui est nouveau. Le Grand Lyon est parmi les premières communautés urbaines à le faire. Comme le disait Hubert-Julien Laferrière, on espère beaucoup que cela va donner des idées à d'autres. Sachant que nous sommes dans une démarche de développement, pas dans une démarche humanitaire.

Le Grand Lyon a donc voté lundi soir 17 octobre une participation de 491 600 euros -176 600 euros en nature et 315 000 euros de financement direct- pour ces projets de développement qu'il entend mener à Tinca d'ici 2013. C'est une belle enveloppe, elle vous paraît suffisante ?

C'est une somme qui veut vraiment dire qu'il y a une volonté politique du Grand Lyon de faire du bon travail à Tinca. Elle représente à ma connaissance l'un des plus beaux budgets investi en France en direction de la Roumanie par une communauté urbaine. Dès qu'on se met à vouloir construire un équipement public en dur (les bains-douches), cela coûte de l'argent....

Votre association, Villes en transition, a signé une convention trisannuelle avec le Grand Lyon dans le cadre de ce projet. Trois ans, cela vous paraît-il suffisant pour aider la communauté Rom de Tinca à se développer ?

On espère que ce projet va atteindre les objectifs qu'il s'est fixé, c'est-à-dire aider la municipalité à venir en aide aux Roms, mais ça ne réglera pas le problème des migrations pendulaires entre Tinca et le Grand Lyon. C'est une partie de la solution. Ceci dit, cela participera à améliorer la connaissance réciproque des territoires et selon nous, à partir du moment où on se connaîtra mieux, la question Roms progressera. Dans ce but, notre programme sera également ouvert aux collectivités qui veulent voir comment nous travaillons pour s'informer.

Quand vous rendrez-vous en Roumanie pour commencer à travailler à Tinca dans le cadre du partenariat avec le Grand-Lyon ?

Nous partons avec Thomas Ott, ethnologue de formation et chargé de mission à l'association Villes en Transition, le 31 octobre prochain. Nous resterons à Tinca une dizaine de jours puis nous repartirons par la suite.

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