Lyon : meurtre de Nordine Agaguena, acquittement général requis

Après une semaine de débats aux assises du Rhône sur l’assassinat de Nordine Agaguena, parrain du trafic de cannabis lyonnais abattu en 2014 à Meyzieu, l’avocat général a demandé ce mardi matin l’acquittement des trois accusés, au bénéfice du doute.

“La multiplication des occurrences liées donne un résultat faux et trop d'erreurs judiciaires ont résulté de la multiplication de hasards.” Pour sa première plaidoirie lyonnaise, l'avocat général Jean-Michel Prêtre, ex-procureur de la République de Nice, muté après l'affaire Legay (lire ici), a filé la métaphore mathématique. Arborant désormais l'hermine sur les épaules de sa robe rouge, aux 24 Colonnes, celui qui représente le ministère public dans l'audience d'assises sur l'assassinat de Nordine Agaguena a requis l'acquittement des trois accusés, au bénéfice du doute. Les éléments de preuve sur leur culpabilité ne sont pas suffisamment caractérisés pour le magistrat.

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“L’homme à abattre”

Cette prise de parole intervient après une semaine de débats qui ont plongé les neufs jurés au cœur du milieu lyonnais. Milieu dont on a compris qu'il fut fort surpris par la sortie anticipée de prison de Nordine Agaguena en 2013. Le parrain du trafic de stupéfiants lyonnais avait en effet bénéficié d'une remise de peine exceptionnelle de six ans pour être venu en aide à Sghaïr Lamiri, cible du fameux sniper de Varces, dans la cour de prison grenobloise.

Mais, une fois libéré, l'homme de 51 ans est perçu comme “un gêneur”, dixit l'avocat général, par un milieu rajeuni qui s'est reconstruit sans lui. “Il était devenu incontrôlable, dangereux, énervé, perçu comme quelqu'un qui joue au fou, qui est à côté de ses pompes. Quelqu'un qui avait changé de méthode, volant désormais du produit stupéfiant aux autres trafiquants. Il se trouvait isolé, aux abois financièrement et ne supportait pas d'avoir perdu le statut de parrain de Lyon qui était le sien à la fin des années 1990 et au début des années 2000”, résume l'avocat général. “Nordine Agaguena était devenu un danger pour tout le milieu à sa sortie, il était – c'est lui même qui l'écrit – l'homme à abattre”, ajoutera-t-il au cours de sa plaidoirie.

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La charge et la preuve

Le Grincheux, comme il était surnommé, a effectivement été abattu par un commando dont le mode opératoire laisse peu de doute quant à son appartenance au milieu du banditisme. Milieu auquel les trois accusés, au vu de la présentation de leur parcours les jours précédents, font évidemment partie. Ils ne le contestent pas. Deux d'entre eux sont d'ailleurs aujourd'hui détenus. Or, ce n'est pas de leur pedigree que les jurés auront à juger, mais de leur culpabilité dans cette affaire de meurtre pour laquelle ils encourent la perpétuité.

Culpabilité pour laquelle les preuves sont insuffisamment établies, estime donc l'avocat général. “Beaucoup d'investigations, peu de résultats”, résume-t-il, soulignant notamment l'origine familiale des témoignages à l'origine du dossier. Idem pour le témoignage sous X, réalisé par le fils de Nordine Agaguena, aujourd'hui partie civile. Si les charges sont suffisantes pour justifier un renvoi devant la cour d'assises, elles paraissent trop frêles pour se muer en preuves, selon Jean-Michel Prêtre. “La charge, ce n'est pas la preuve”, répète-t-il. “L'enquête s'est laissé enfermer dans des convictions réciproques, et logiques pour chaque partie. Des convictions peut-être exactes, mais insuffisamment démontrées d'un côté et de l'autre.”

Bénéfice du doute

Ni la voiture du commando, volée et retrouvée calcinée à quelques centaines de mètres de la maison d'enfance d'un des trois accusés, ni la lettre contenue dans la clé USB retrouvée sur Nordine Agaguena mettant en cause ce même trio, ni le faisceau d'indices concernant l'achat de l'arme du crime ne sont suffisamment caractérisés, pour le ministère public.

Autant d'éléments pourtant martelés avec force la veille par Florent Girault, l’avocat grenoblois habitué de ce genre de dossier qui défend la famille Agaguena. “C'est avec une grande insatisfaction que je constate que ne peut pas être faite la preuve imputable, ni sur l'intention, ni sur la préparation, ni sur l'exécution, conclut l'avocat général. Les faits sont là, mais pas le coupable. Je ne peux rien faire d'autre que requérir l'acquittement au bénéfice du doute pour l'ensemble des parties. Je n'ai pas à prendre partie, ni pour des personnes ni pour un dossier. Je ne suis pas là pour sauver un dossier mais pour rechercher la manifestation de la vérité et y appliquer la loi. Or, la vérité n'apparaît pas dans ce dossier, et la loi dit que dans ce cas le doute doit bénéficier à l'accusé.” La parole est désormais à la défense.

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