Didier Maïsto, pdg de Fiducial Médias

Didier Maïsto : "Le CSA ne sera jamais indépendant"

Suite aux prises de position du président de Fiducial Medias, Didier Maïsto, qui a annoncé dans une tribune qu’il souhaitait la suppression du CSA, un titre de presse lui a posé quatre questions par écrit hier soir, auxquelles il a répondu dans la foulée. Mais l’article n’est pas paru. Voici donc les questions… et les réponses.

Pourquoi réclamez-vous la suppression du CSA ?

Il y a en France 8 autorités publiques indépendantes -dont le CSA- et 18 autorités administratives indépendantes. La loi du 20 janvier 2017 a déjà restreint leur nombre mais elles coûtent toujours plus d’un demi milliard par an aux contribuables -dans un pays où les prélèvements obligatoires ont atteint 45%- et on ne peut pas dire que ces comités Théodule aient eu un jour un rôle décisif.

Le CSA présidé par M. Boyon a obéi docilement aux ordres de M. Sarkozy et a offert des chaînes TNT à n’importe qui, dans le seul but de faire de l’argent, et une de ces chaînes a été immédiatement revendue pour quasiment 100 millions d’euros. Le CSA nouveau est arrivé et n’a rien empêché : M. Weill a acheté Numéro 23 et M. Weill se vend à M. Drahi. J’avais écrit tout cela dès 2012 et une commission d’enquête parlementaire l’a attesté; des procès sont en cours.

Tout se passe au nom de « la diversité », pour que le bon peuple ne s’offusque pas. Tout le monde sait néanmoins que c’est une fraude, doublée d’une farce, mais l’agrément sera donné à SFR sans aucun problème, en dépit de ses 50 milliards de dettes.

Quand on pense que M. Houzelot a gagné des dizaines de millions d’euros en revendant une fréquence appartenant à tous les Français, juste parce qu’il a « de l’entregent », on se demande ce qu’est le CSA. Si c’est un gendarme, il ne fait pas peur et si c’est un régulateur, on se demande bien ce qu’il régule. Quant à ses études d’impact, elles sont à mourir de rire, du niveau rédaction de 6ème, le tout réalisé par des personnes qui n’ont aucune formation économique et n’ont jamais travaillé en entreprise.

Surveillance de la bande FM dans les régions, régulation de l’industrie radiophonique au sens large… Qui fera le travail si le CSA disparaît ?

« Surveiller la bande FM ? » Pourquoi, il y a un danger ? Lequel ? Les carottes sont cuites ? Ici Radio Londres ? Il faut arrêter de prendre les auditeurs et les professionnels pour des demeurés. Nous travaillons comme des fous, nous sommes des passionnés et des gens responsables, nous n’avons pas besoin d’être « surveillés ». Ca devient ubuesque, on ne peut plus rien dire. Il est loin le temps des Coluche et des Desproges, il est loin le temps du Tribunal des flagrants délires !

Alors que le danger terroriste n’a jamais été aussi important, il y a des gens payés pour vérifier que la parole est bien conforme. Mais conforme à quoi ? Selon quels critères moraux ? Cela porte un nom : la censure. Imaginons un seul instant que les articles du Monde, de Mediapart ou du Canard Enchaîné soient soumis au même régime dictatorial, que dirait-on ? Ce serait une révolution !

Mais bizarrement, pour la radio, ça ne choque personne. Il est temps de dire stop. Ce que je dis là est d’une banalité affligeante, tout le monde le pense et donc je le dis. Depuis 10 ans, la radio numérique devrait être la norme et le CSA organise la rareté en restant sur une bande FM obsolète qui crachote, sous la pression des stations historiques qui ne veulent pas de concurrence et bloquent le marché.

Ce système est en train de voler en éclats, grâce notamment à l’écoute en mobilité. Et si les gens dérapent, tiennent à l’antenne des propos illégaux, il y a la justice. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un intermédiaire entre la justice et les citoyens : dans une démocratie, ça n’a aucun sens.

Ne redoutez-vous pas plutôt un renforcement des pouvoirs du CSA ?

Non, pas du tout. Vous pensez sérieusement que le CSA va pouvoir contrôler Internet ? Ce n’est pas sérieux ! Où cela va-t-il commencer et où cela va-t-il finir ? On a déjà eu l’épisode de L’origine du monde de Courbet, un tableau censuré sur Facebook suite à la plainte d’un utilisateur et le compte a même été supprimé. C’est à peine croyable !

Je sais que l’exécutif, relayé par le CSA, rêve de contrôler davantage les populations et cette histoire de fake news est d’ailleurs extrêmement grave. Mais les fake news sont plutôt à chercher du côté des politiques : armes de destruction massive, armes chimiques… On a fait tuer des milliers de personnes en nous racontant des sornettes… Alors, qu’un gros mot soit dit à l’antenne ou qu’un animateur glisse un plat de nouilles dans le slip d’un chroniqueur à la télé c’est certes lourdingue et regrettable, mais franchement, il y a beaucoup plus grave. Comme le disait Pompidou, il faut arrêter d’emmerder les Français !

Avant les auditions pour la présidence de France Médias Monde, qu’avez-vous pensé des auditions des 6 candidats à la présidence de Radio France ?

Comme je connaissais, 3 mois avant la désignation des 6 dernières chaînes de la TNT en mars 2012, le résultat… je savais depuis 3 semaines que Sibyle Veil avait le poste et certains de mes amis l’avaient même écrit. Je n’ai donc pas écouté les auditions : on ne commence jamais par regarder un film par la fin.

En réalité, tout le monde le savait ! J’ai moi-même participé à un appel à candidatures en 2011 : tout était faux et le CSA a fait comme si… Il faut arrêter cette hypocrisie, le CSA n’est pas indépendant, ne l’a jamais été et ne le sera jamais. Que l’exécutif nomme directement les responsables de l’audiovisuel public et qu’on n’en parle plus, cela fera gagner du temps et de l’argent et accessoirement on arrêtera de prendre les Français pour des canards sauvages.

Tout se passe en coulisses et le CSA essaie de donner le change; honnêtement, je n’aimerais pas être à la place des Conseillers. Mathieu Gallet le sait bien et je le félicite d’avoir eu le courage de dire les choses. On m’a dit récemment : « au stade où vous en êtes, vous êtes entrés dans une société de connivence, il faut mettre de l’eau dans votre vin ». On m’a aussi proposé des chèques. Je persiste à croire à l’État de droit.

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