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© Gaumont Distribution

Gallienne : chronique d’un hétéro contrarié

Avec Les Garçons et Guillaume, à table !, son premier long métrage, Guillaume Gallienne signe une autobiographie désopilante et intelligente sur la question du genre. Et quand Guillaume passe à table, on en reprendrait bien une tranche.

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Guillaume Gallienne a manifestement trouvé le rôle de sa vie. Ce touche-à-tout – pensionnaire de la Comédie-Française, acteur de comédies françaises populaires (de moyen cru, il faut avouer : Jet Set, L’Italien ou Astérix et Obélix au service de sa majesté), sketchiste pour Canal+ (Les Bonus de Guillaume) et lecteur de grands textes littéraires sur France Inter – se lance pour la première fois dans l’adaptation au cinéma de sa pièce à succès montée en 2008, Les Garçons et Guillaume, à table !

Tout part des planches et du désir de raconter au plus grand nombre une histoire personnelle atypique : depuis l’enfance, Guillaume est persuadé d’être une fille.

Question de genres

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Pour sa famille et la société, Guillaume est forcément homo, la preuve : il n’aime pas le sport, contrairement à ses frères, s’exprime avec des gestes efféminés, se déguise, prend pour modèle Sissi l’impératrice mais surtout sa mère qu’il idolâtre.

Grande et sèche bourgeoise accro à la nicotine, toujours exaspérée et inspirée dans ses répliques, aussi froide qu’aimante, elle est un personnage à part entière, une source d’inspiration inépuisable qui nourrit les petites histoires que son fils, “sa chérie”, se raconte et qui l’emportent loin, très loin des occupations testostéronées des hommes de la famille. Et Guillaume Gallienne l’imite tellement bien qu’il incarne aussi son rôle à l’écran, dans un face-à-face incessant, jubilatoire et troublant, puisque cette mère est à la fois image sublimée, double mais aussi fantôme.

Ses incursions, réelles et imaginaires, dans les scènes de la vie de Guillaume, dont on suit les grandes étapes (séjour linguistique, pensions, thalasso, service militaire, tentatives ratées de relations homosexuelles, psychanalyse, etc.), sont à la fois des grands moments de comédie, l’écriture et l’interprétation étant extrêmement drôles et fines, mais aussi des passages touchants et dérangeants.

L’emprise/admiration de sa mère aura été telle qu’elle aura contribué à la construction physique, psychologique et sexuelle d’un garçon persuadé d’être une fille. Et Guillaume Gallienne de tendre un miroir à la société, mal à l’aise face à sa différence, et d’exploser la notion de genres, la caractérisation des êtres en fonction de critères définis (par qui ? par quoi ?) dont sont autant responsables les hommes que les femmes.

Si Guillaume Gallienne prouve avec ce premier galop d’essai qu’il est habile derrière la caméra (la réalisation est plutôt sage mais efficace, l’enchaînement des plans est extrêmement bien huilé entre salle de spectacle et scènes de film, de même que les incursions de l’imaginaire dans la fiction), il se montre surtout un scénariste et un acteur de génie, à l’autodérision évidente, qui livre là un film inventif, élégant (on lui pardonnera même la thalasso en Bavière, un peu lourde, à base de lavements et de massages musclés façon Bronzés) et profond, qui a fait d’un malentendu un hymne à la différence particulièrement bien vu.

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Les Garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne, 2013, 1h25, couleur. Avec Guillaume Gallienne, André Marcon et Françoise Fabian. Sortie en salles ce mercredi 20 novembre.

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En vidéo : L’interview de Guillaume Gallienne sur Lyon Capitale TV

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