Total : la pénurie ?

INTERVIEW - La direction française du groupe Total a beau claironner le contraire depuis vendredi matin, la pénurie de gasoil n'est pas loin. Plus aucun produit pétrolier ne sort de la raffinerie Total de Feyzin, au sud de Lyon, et vendredi 19 février toutes les raffineries françaises ont durci leur mouvement.

Damien Galera est délégué syndical CFDT à la raffinerie de Feyzin, au sud de Lyon. Il répond aux questions de Lyon Capitale.

Lyoncapitale.fr : Combien y a-t-il de grévistes chez vous, le mouvement s'est-il durcit ?

Damien Galera : Ce vendredi, il y a à peu près 70 à 80 % de grévistes sur les 620 personnes qui travaillent à la raffinerie Total de Feyzin, personnel administratif compris. A 14 heures, une assemblée générale s'est tenue et un durcissement du mouvement a été décidé. Un arrêt complet des installations a été voté. la procédure d'arrêt a été lancé. Depuis mercredi dernier 6 heures du matin, nous étions sur des débits minimum, aucun produit pétrolier ne sortait plus de la raffinerie. Mais on n'a pas le choix, on ne peut pas stocker indéfiniment, il nous faut arrêter les unités de production. La prochaine assemblée générale aura lieu lundi.

Pourquoi avoir décidé de durcir le mouvement ?

Depuis mercredi, il n'y avait que Feyzin sur les six raffineries françaises à mener une grève dure pour soutenir les copains des Flandres. Ils sont dans une situation déplorable, intolérable, pris en étau entre la direction d'un côté, qui ne leur dit pas ce qu'ils vont devenir et le gouvernement, Monsieur Estrosi et Madame Lagarde qui commentent ce qui se passe chez Total dans les médias. J'aimerais bien voir l'organigramme de la boîte pour savoir s'ils font partie de la direction. Les autres raffineries nous ont donc rejoint, les collègues se sont mis au diapason et tout le monde a prévu des arrêts d'unité dans les prochains jours pour protester.

Derrière tout ça, il y a aussi la question de l'emploi en France, au rythme où ça va, on va devenir un pays de touristes et de fonctionnaires, les emplois suivront les industries. Qu'on pollue en Afrique ou en Asie tout le monde s'en fout, mais, chez nous, ça énerve les gens. J'entends des choses qui m'insupporte sur la pollution ces jours-ci. Nous, on demande aussi a ce que Total qui est un grand groupe, se responsabilise.

La direction de Total a déclaré qu'on ne risquait pas de pénurie dans les prochains jours, qu'en pensez-vous ?

La raffinerie de Feyzin alimente à 70 % la région Rhône-Alpes en produits pétroliers, en carburant notamment. Et les six raffineries françaises de Total représentent 56 % de la capacité totale de raffinage du pays. Donc, Madame Lagarde et Monsieur Estrosi sont en train de nous expliquer qu'on va couper 56% de la capacité de raffinage française et que cela n'aura aucun impact. De deux choses l'une, soit ils se foutent de la gueule des gens, soit il y a 56% de raffinage en trop en France, et on ne le sait pas.

Jusqu'où êtes-vous prêts à aller ?

Ce que l'on veut, ce sont des garanties pour l'emploi, les grévistes sont déterminés, les salariés iront jusqu'au bout pour qu'on respecte un peu les gens des Flandres qui sont en train de souffrir. Ces gars, qui, depuis le mois de septembre, n'ont aucune information sur leur avenir et cela à l'initiative du 1er groupe pétrolier français. Je vous laisse imaginer ce qui se passe dans leurs têtes. Les politiques doivent en prendre conscience, cela ne peut plus durer.

Toutes les raffineries françaises du groupe Total sont à l'arrêt, comment êtes-vous parvenus a créer un tel mouvement unitaire ?

C'est parce qu'on ne demande pas d'argent, juste à ce qu'ils ne touchent pas à notre égo, qu'on rentre le soir chez nous et que l'on puisse dire à nos enfants que demain, ils auront du boulot. Philips qui licencie et qui dit aux gens d'aller travailler en Europe de l'Est pour 400 euros, ils veulent qu'on prennent des fusils et qu'on descendent dans la rue ou quoi ? Ce n'est pas encore le cas chez Total, mais ils délocalisent en Asie sans complexe, cela ne saurait tarder. Les gens en ont ras-le-bol, s'il n'y pas une table ronde sur l'avenir de l'industrie en France, ça ne passera pas. Aujourd'hui qui défend l'emploi en France ? Ce n'est certainement pas Nicolas Sarkozy quand il va voir les copains de Gandrange.

Qui a parlé de pénurie en premier ?

Je vais être honnête, ce sont les journalistes quand ils sont venus nous voir, ils nous ont demandé si une pénurie était possible. Nous on s'en fout, on n'a pas fait ça pour bloquer les gens. Cela dit, les politiques et les dirigeants se foutent de notre gueule, c'est la queue dans toutes les stations service. Lundi ou mardi, quand les gens ne pourront pas redescendre des stations de ski, ils devront s'expliquer.

Vidéo : "d'ici 2 jours, des conséquences sur l'alimentation des stations-services"

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