Vénissieux
©Tim Douet

Près de Lyon : les Minguettes à Vénissieux, une image ternie par le trafic de stupéfiants

Dans un récent rapport, la Cour des comptes pointe du doigt l'inefficacité de certains dispositifs de la politique de la ville à Vénissieux, dans la Métropole de Lyon.

Deux ans d'enquête, une vingtaine de personnes mobilisées et des centaines d'auditions d'acteurs locaux et nationaux. La Cour des comptes, épaulée par quatre chambres régionales des comptes, a rendu un rapport de près de 800 pages sur huit quartiers français dits "prioritaires", cibles prioritaires de la politique de la ville. Objectif ? Jauger l'impact de cette politique publique sur l'attractivité des quartiers populaires autour de trois dimensions de la vie quotidienne : le logement, l'éducation et l'activité économique. Sans prétendre évaluer cette politique dans sa globalité, la Cour des comptes a cherché à apprécier si l'attractivité des quartiers prioritaires s'était améliorée depuis 2008. Conclusion générale : "en dépit des moyens financiers et humains déployés, cette attractivité a peu progressé en dix ans."

"À la marge"

Dans le quartier des Minguettes-Clochettes, situé sur les communes voisine de Vénissieux et de Saint-Fons*, le plus peuplé des 37 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) de la métropole de Lyon, le constat des magistrats financiers est sans appel : sur la période 2008-2018, "les difficultés socio-économiques des habitants se sont accrues, malgré les nombreuses actions entreprises dans le cadre du contrat de ville métropolitain et des politiques de droit commun." Le rapport énumère les handicaps structurels dont souffre le quartier, la concentration de publics modestes et défavorisés, le trafic de stupéfiants endémique et les difficultés d’insertion professionnelles persistantes. Les juges soulignent que "la réussite" du prochain projet national de renouvellement urbain 2020-2030 (dont la longue série a commencé dès 1983), estimé à près d'un demi-milliard d'euros, "pourrait dépendre d'un meilleur contrôle de la politique d'attribution et de peuplement dans les logements sociaux, de la réduction du nombre de logements sociaux et du développement de la mixité sociale, du desserrement de la contrainte démographique scolaire et de la réduction de la délinquance en lien avec le trafic de drogues." Une allusion à peine voilée aux efforts que devra faire la ville de Vénissieux. La Cour des comptes prend effectivement soin de préciser que si la politique de la ville concentre ses interventions sur la rénovation urbaine, elle ne dispose en revanche pas de leviers d'action en matière de transport, d'éducation prioritaire, de mixité scolaire, de politique d’attribution de logement et de peuplement, d'insertion professionnelle, de développement économique, de culture ou de prévention de la délinquance. "Or, soulignent les juges de la rue Cambon, de nombreux facteurs d'évitement du quartier (...) relèvent de ces politiques de droit commun. Ce n'est qu’à la marge, et de façon indirecte, que les actions mises en place dans le cadre de la politique de la ville agissent sur l'attractivité du quartier."

* Dans son rapport, il est question du quartier Minguettes-Clochettes, situé sur les communes mitoyennes de Vénissieux et de Saint-Fons, mais “eu égard à sa petite taille et à l'absence de rénovation urbaine sur la période d'enquête l'évolution du quartier des Clochettes n'est abordée qu'à la marge” précise la Cour des comptes.

Seul un pilotage plus directif de la politique d’attribution de logement dans le parc social permettrait de modifier réellement l'image du quartier des Minguettes-Clochettes et son attractivité


Attractivité améliorée, précarité croissante

En matière de logement, écrit la Cour des comptes, la politique d'attribution des logements sociaux n'a pas contribué à atteindre l'objectif de mixité sociale, les ménages entrants sur le quartier étant en situation plus précaire que ceux entrés il y a cinq ans en 2013. Résultat : les habitants regrettent la persistance d'un "entre-soi communautaire" et la "difficulté de vivre au quotidien". Cette politique a aboutit à une "concentration de la population de nationalité étrangère" aujourd'hui estimée à 25% de la population. Les juges notent que "seul un pilotage plus directif de la politique d’attribution de logement dans le parc social permettrait de modifier réellement l’image du quartier et son attractivité." Le rapport pointe du doigt le précédent programme de rénovation urbaine qui a eu "pour effet involontaire d'accentuer les inégalités territoriales" entre secteurs rénovés ou non.


"Quant au trafic de stupéfiants, le montant annuel des sommes à blanchir pourrait atteindre près de 50 M€" selon la ville de Vénissieux


Si l'attractivité résidentielle du quartier s'est améliorée par les investissements publics malgré la précarité croissante des habitants, la Cour de comptes dépeint le trafic de drogue comme l'un des principaux "handicaps" du quartier, témoignant de "conditions de vie des habitants du quartier dégradées" : occupation des parties communes par les trafiquants, incivilités et dégradations récurrentes liés aux trafics et à l'économie informelle, dégradation quotidienne du bâti - de nombreux véhicules épaves servant de nourrice pour le trafic de stupéfiants - et une dizaine de points de deal "au vu de tous" qui font "ruisseler les profits dans le quartier", avec des sommes à blanchir qui pourraient atteindre près de 50 millions d'euros par an selon la ville (soit 50% des trafics et 60% des infractions d'usages-reventes de Vénissieux). Les magistrats financiers s'alarment du fait que ce "trafic endémique" représente "un frein" à une amélioration durable de l'image et de l'attractivité du quartier des Minguettes-Clochettes, ajoutant que les multiples dispositifs publics de lutte contre la délinquance n'ont pu "que le contenir".

Situation contrastée entre les collèges du quartier

En matière d'éducation, si le phénomène d'évitement scolaire existe (le fait de scolariser son enfant dans un autre établissement que celui de l'aire de recrutement à laquelle le domicile on appartient), comme partout ailleurs dans le reste de la métropole, il l'est en revanche dans une "plus faible proportion" aux Minguettes notamment, est-il écrit, "en raison des moindres revenus des parents d'élèves du quartier et probablement parce que l'évitement s'est fait en amont, les parents ne souhaitant pas scolariser leurs enfants dans le quartier n'étant pas venus s’y installer." Néanmoins, et malgré une amélioration ces dernières années dans deux des quatre collèges publics du quartier, les élèves continuent d'enregistrer des résultats scolaires inférieurs à la moyenne de leur académie. La Cour pointe du doigt la construction tardive de nouveaux équipements scolaires publics "au regard du double constat d'une vétusté et de la pression démographique avérée" et s'inquiète de l'état de saturation de plusieurs équipements périscolaires et sportifs qui rejaillit sur l'image d'ensemble du quartier.


De très petites entreprises souvent sans salarié, qui n'ont pas impulsé de dynamique de développement économique pérenne


"Effet d'aubaine"

Enfin, dernier aspect essentiel de la vie des habitants, l'activité économique. Le quartier des Minguettes-Clochettes se situe dans une zone franche urbaine (exonération de charges fiscales et sociales). L'arrivée de 400 entreprises depuis 2004, notamment grâce à ce dispositif, a créé peu d'emplois pour les habitants, fait remarquer la Cour des comptes. "Le dispositif paraît avoir constitué pour une large part un "effet d’aubaine" en attirant de très petites entreprises souvent sans salarié, qui n'ont pas impulsé de dynamique de développement économique pérenne." De facto, le quartier enregistre un taux de chômage trois plus élevé que la moyenne nationale. Seul point positif, les magistrats soulignent l'amélioration de l'attractivité commerciale du quartier avec la création du nouveau pôle commercial Vénissy, sur le Plateau centre. "À l’inverse, l'attractivité commerciale et résidentielle des autres secteurs pas ou peu rénovés s'est dégradée, offrant l'image d'une évolution hétérogène entre les différents territoires du quartier."

En conclusion, la Cour des comptes jugent que ces "résultats décevants mettent en lumière qu'à côté de la rénovation urbaine, nécessaire mais pas suffisante, les moyens déployés par l’État et les collectivités au titre du "droit commun" en termes de sécurité, de propreté, d'aide à la petite enfance ou de transport répondent insuffisamment aux besoins spécifiques ou amplifiés des quartiers et de leurs habitants."

Ces actions menées dans le cadre de la politique de la ville ont donc exercé un "rôle d'amortisseur" face à l’accroissement des difficultés socio-économiques des habitants du quartier.

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