Our body : "On dirait de la viande séchée"

Le public devrait se presser en masse. Malgré le prix. Et des organisateurs pas trop embarrassés par les questionnements éthiques.

"Quand je fais venir les Rolling Stones, je ne demande pas l'avis du comité d'éthique." Pascal Bernardin ne s'attendait sans doute pas à une conférence de presse aussi tendue pour le lancement, mardi dernier, de l'exposition Our Body. Exposition qui présente, rappelons-le, la particularité de donner à voir de véritables corps humains écorchés et plastifiés pour que chacun puisse observer les secrets de leur anatomie. Producteur de concerts de U2 ou Prince en France, Bernardin a ouvert la conférence de presse en expliquant pourquoi il a changé d'univers avec cette exposition : "Je suis un homme de spectacle. J'aime bien faire partager aux gens l'envie et l'excitation d'un spectacle vivant. Quand j'ai vu cette exposition à Orlando, je me suis dit il faut absolument que je la présente en France. Cette exposition vous apporte une énorme adrénaline, beaucoup d'émotion." Et d'ajouter alors un petit mensonge : "Les musées parisiens n'acceptant pas des expositions qu'ils n'ont pas produites, je me suis dit pourquoi pas Lyon, la ville de la médecine." En réalité, comme l'avait révélé le matin même Lyon Capitale, la Villette a refusé l'exposition suite à un avis défavorable du comité national d'éthique. Cela n'a pas perturbé outre mesure Bernardin, qui n'a même pas cherché à se procurer l'avis du comité. "C'est leur problème".

"Dans le respect des lois chinoises"
Pour l'événement, toute la presse nationale a fait le déplacement. Mais ce sont surtout les journalistes lyonnais qui multiplient les questions sur l'éthique. On apprend que tous les corps proviennent de Chine. Qui sont-ils ? Etaient-ils consentants ? Prisonniers politiques ? Ni les réponses en anglais des professeurs "réquisitionnés" pour valider scientifiquement l'exposition, ni leurs traductions tronquées ne calment la presse. "Aucun élément ne permet de penser qu'il s'agit de prisonniers politiques. S'ils avaient été torturés ou brutalisés, on l'aurait vu à l'autopsie" explique l'américain Walter Hofman, "consultant scientifique" de l'exposition. "Tous les spécimens ont été recueillis selon les lois chinoises" a poursuivi le Professeur Yu, président de la société d'anatomie de Hong-Kong qui fournit les corps. Il voulait rassurer la salle... C'est raté.

Même flou sur les questions financières. Le prix d'entrée rappelle qu'il s'agit d'une opération privée : 15,5 euros par personne, 42 euros pour une famille. Les corps sont de fait loués à la société d'anatomie de Hong Kong. Impossible d'avoir une idée des montants en jeu. "Il y a des questions qui restent privatives" ferme Bernardin.

Après ces débuts tendus, la presse peut enfin visiter l'exposition. Elle se révèle décevante sur le plan pédagogique. L'exposition a été conçue par des "show men", pas par des muséologues. Et ça se voit. Les cadavres sont exposés, disséqués, sous toutes les coutures, avec les noms des différents muscles sur des affichettes. Une certitude s'installe : personne ne serait venu voir l'exposition, si des faux corps même parfaitement imités avaient été présentés. La mise en scène assez sobre est par contre réussie. "On dirait de la viande séchée, ça donne envie de mordre dedans" lâche Fanny, jeune visiteuse. Au buffet, les réactions sont partagées. Certains se jettent sur les amuse-gueules. D'autres ont la nausée... Les organisateurs ont fait appel à la Maison Gamboni : au menu, brochettes de viande crue.

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