Inaugurée ce mercredi 28 mai, la Casa Ricochet, dans le 8e arrondissement de Lyon, accueille de jeunes adultes aux parcours de vie cabossés, confiés à l'aide sociale à l'enfance. Au centre d'un jardin partagé, ce lieu transitoire doit permettre de les accompagner.
Il y a de ces lieux qui respirent l'humanité. La Casa Ricochet, nouvellement inaugurée dans le 8e arrondissement de Lyon, en fait partie. À l'arrière de l'école élémentaire Paul-Emile Victor, caché par la nature près du quartier Monplaisir, ce lieu d'accueil est actif depuis le 1er avril dernier. C'est dans cet espace ressourçant que l'association lyonnaise Alynea - Samu social 69 développe le cœur de son projet, Plan A. Objectif : "loger et accompagner 20 jeunes majeurs en rupture en vue de leur insertion".
Autrefois squattée, réhabilitée au cours des deux dernières années, la résidence centrale du lieu appartenant à la Ville de Lyon a fait peau neuve. Au premier étage, où se situent les six studios habités, Amine (18 ans) ouvre les portes de son chez-soi. Mineur non accompagné (MNA), arrivé en France depuis environ trois ans, ce jeune étudiant guinéen a définitivement quitté le foyer lyonnais qui l'accueillait pour s'installer rue Rochet. "J'ai déménagé le 4 avril dernier. Ici, j'espère oublier un peu le passé et préparer le futur", ambitionne le jeune homme, pour qui parler français coule de source.
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Un accompagnement pour 20 jeunes
"Depuis son arrivée en France, Amine prend des cours. Et il écrit aussi", ajoute Natacha Gaillardo, responsable de la dimension collective et partenariale du projet Plan A. C'est elle qui porte un regard pointilleux sur l'évolution de chacun des jeunes accueillis pour les pousser vers la réinsertion. Le Guinéen, accompagné par les équipes d'Alynea dans sa demande de titre de séjour, ambitionne sur le plan professionnel de devenir avocat ou juge. Comme lui, cinq autres sont accompagnés dans la Casa Ricochet, quatorze sont hébergés dans des logements en diffus (donc appartenant à l'association) au sein de la métropole de Lyon.
À 19 ans, Charlotte réside justement dans l'un de ces studios diffus, près de la gare de Villeurbanne. "On peut être autonome et rester chiller, mais on est toujours accompagné par des personnes", apprécie-t-elle, un an après son installation. Depuis, elle a notamment reçu un accompagnement mental avec une infirmière. Mais aussi un accompagnement administratif. "La déclaration des impôts, par exemple", sourit la jeune femme, qui intègrera dès septembre prochain une formation pour devenir assistante sociale.

Afin de mener à bien ce projet, Alynea - Samu social 69 a profité d'un appel à projets lancé en 2020 par la Métropole de Lyon, dans le cadre de la protection de l'enfance. Plutôt que de loger les jeunes (comme l'oblige la loi pour les 18-21 ans) dans des hôtels, l'association lyonnaise a vu son projet retenu par la collectivité. "C'est un choix très fort de démontrer que l’aide sociale à l’enfance n’est pas la dernière roue du carrosse", salue le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, aux côtés de Bruno Bernard, président de la Métropole.
"Parmi les gros budgets, le budget lié à la protection de l'enfance est celui qui a le plus augmenté entre 2019 et 2024. Le budget est à 207 millions en 2025, soit 62 millions de plus qu'en 2019", chiffre ce dernier. Le projet Plan A est quant à lui financé à hauteur de 700 000 euros chaque année par la Métropole de Lyon.
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Un lieu ouvert sur l'extérieur

La force du projet porté par Alynea, c'est aussi ce partenariat avec l’association Passe Jardins, dont le siège est désormais situé au deuxième étage de la Casa Ricochet. Et leur présence se remarque également à l'extérieur. Tout autour de l'habitation, un jardin partagé de 3 000 m2 a été créé. "On a rarement la chance d’avoir un si bel espace en plein cœur de ville et de faire se côtoyer deux mondes très différents", relève Victor Mange, salarié de l'association qui détient près de 250 jardins partagés dans toute la métropole lyonnaise.
"Sur la protection de l'enfance, nous avons souvent des lieux plutôt cachés. Celui-là est totalement ouvert"
Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon
"Ici, on a une très belle utopie jardinière", souligne Béatrice Maurines, co-présidente de Passe Jardins. Et Bruno Bernard d'ajouter : "Sur la protection de l'enfance, nous avons souvent des lieux plutôt cachés. Celui-là est totalement ouvert, il est particulier". Ce qu'apprécie Charlotte, qui espère prochainement voir une place se libérer dans l'un des six studios occupés pour intégrer les lieux. "Jardiner nous vide la tête", savoure celle qui ne manque de piquer une tête dans ce jardin collectif quand l'occasion se présente.

Pour évacuer les souvenirs sombres, le jeune guinéen Amine, lui, se plonge dans les bouquins. "Je lis beaucoup de livres d'histoire, par exemple, mais aussi l'actualité", poursuit-il. Bientôt, il installera une petite bibliothèque dans son studio. Son rêve ? "Avoir une très grande bibliothèque dans mon salon pour partager avec le monde entier". Une autre passion coule en lui : le slam (une poésie orale rythmée). Il promet : "C’est un truc que je ne veux pas lâcher, c'est une passion pour moi depuis tout petit".
D'un squat en 2020 à la Casa Ricochet pour le bien-être des jeunes "les plus éloignés du droit commun", ce lieu illustre un projet à la croisée des chemins. "C'est encore en cours d’expérimentation, mais ce qui se dessine est un lieu de rattachement", savoure Natacha Gaillardo, dont les yeux brillent en voyant ces jeunes adultes parler, sourire et... vivre, tout simplement.
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