Lyon H7 : le lieu des start-ups soulève déjà des questions sur son avenir

L'ancienne Halle Girard, reconvertie en H7, est officiellement ouverte. Ce lieu hybride, servant à la fois d'hébergement pour les start-ups, de pôle événementiel et d'espace de restauration, soulève déjà des questions sur son avenir.

La Halle Girard est devenue H7, officiellement inaugurée ce mardi 14 mai. Étrange ambiance qui semble déconnectée du monde réel, dans ce bâtiment entouré de trottoirs jonchés de préservatifs usagés abandonnés par les clients de prostituées, entre une autoroute A7 déclassée toujours aussi chargée et une zone du quartier de Confluence encore en chantier.

Cette ancienne chaudronnerie construite en 1857 a été transformée en espace de 5 300 m² dédiés à l'innovation, à l’hébergement de start-ups, en lieu totem de Lyon French Tech, mais aussi pour les conférences, salons, bureaux partagés et restauration. La métropole de Lyon et la région ont financé la rénovation pour un montant de 11,6 millions d'euros. En échange d'un loyer annuel de 350 000 euros, les lieux ont été confiés à un consortium composé du Groupe SOS, spécialisé dans "l'entrepreneuriat social" (51 %), l'entreprise culturelle Arty Farty (44 %) et l'accélérateur pour start-ups, Axeleo (5 %).

Les deux premiers ont fait grincer quelques dents du côté de l'écosystème start-up, puisque venant de l'extérieur de ce dernier (avec quelques procès en légitimité au passage). D'autres dents ont grincé dans le camp des professionnels de l'événementiel avec l'arrivée d'un nouvel espace et des tarifs de location qui tirent les prix vers le bas (autour de 5 000 euros selon nos confrères des Potins d'Angèle).

De la crainte de voir cet aspect événementiel prendre trop le dessus, se double aujourd'hui celle de ne pas voir émerger entre ses murs les grandes réussites incontournables de demain. Attendu depuis plusieurs années pour contribuer à fédérer l'écosystème numérique lyonnais, ce "lieu totem" soulève aujourd'hui bien plus de questions qu'il n'en résout, faute de proposer des aspects que l'on ne retrouverait pas déjà ailleurs dans Lyon. La première promotion de start-ups accueillie au H7 a contribué à nourrir les doutes.

D'éternelles vieilles phrases

200 start-ups ont postulé pour être hébergées dans le bâtiment. 80 ont été choisies par les comités de sélection, plus de 30 retenues pour intégrer la première promotion. La liste a été dévoilée le 15 mars lors d'une présentation où les anglicismes et l'auto-congratulation s’enchaînaient jusqu'à la nausée. Symbole d'une forme d'artificialité, ce moment où un acteur du numérique local demande une standing ovation pour une élue de la métropole. La scène se terminera en flop avec seulement cinq personnes qui se lèveront sur les 250 présentes. Ce même jour, les vieilles phrases répétées depuis une décennie sont revenues inlassablement "faire de Lyon une capitale européenne", "accompagner les entreprises dans la croissance".

Au final, pour sa première promotion de start-ups, pas de grands noms, ou de forts potentiels pour le devenir, beaucoup de B2B, en théorie pas de prise de risque puisqu'il s'agit de structures déjà démarrées, en pratique, impossible de dire où certaines finiront. À défaut de révolution ou de rupture, au mieux, on retrouve du "sympathique", à l'image de Smash qui veut s'imposer comme une alternative à WeTransfer. Dans ces premières entreprises, aucune ne propose de nouveaux usages, ne crée de marchés, ni ne tente de se greffer à ceux de demain... Le coup d'après ou le temps d'avance n'est pas à l'ordre du jour, avec majoritairement des cibles de niche. "À l'heure où les start-ups se tournent vers l'intelligence artificielle, le traitement massif des données, voire la question du développement durable et du mieux vivre à grande échelle, les promesses de grandes innovations ou de disruption ne sont pas au rendez-vous avec cette première promotion. Elle ne fait clairement pas rêver", confie un acteur du high-tech.

Souvent pointée du doigt dans l'écosystème start-up, la question du manque de diversité et de parité est loin d'être réglée entre les murs du H7 où certains redoutent déjà un entre-soi. "On n'avait pas osé franchir les portes de la French Tech, on a encore moins envie avec ce H7. Ce ne sont pas nos réseaux", confie un jeune patron lyonnais qui regarde de plus en plus vers la Suisse, expliquant "s'être construit tout seul, sans papa ni maman pour tirer des ficelles ou mettre de l'argent quand il fallait".

Un monde qui change

Se pose également la question d'un monde qui change où chaque grande métropole propose plus ou moins la même chose depuis plusieurs mois pour attirer talents et entreprises. Dans ce contexte, Lyon ouvre H7 "après la guerre" sans un axe philosophique fort qui lui permettrait de marquer une rupture. "Aligner les anglicismes dans sa communication, ça ne fait pas de vous un pôle d'attractivité. Le vrai challenge du H7 ça sera de rayonner au-delà du microcosme déjà conquis dans un monde où les gilets jaunes et la question écologique imposent des remises en question", confie une source proche du dossier pendant un temps. H7 semble arriver trop tard, tel un anachronisme dans un monde en pleines mutations. Paradoxe d'une société hyperconnectée, déconnectée.

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