Les trois points noirs du RSA

Selon Le Progrès, ils seront 33 144 à toucher le revenu de solidarité active (RSA) dans le Rhône. Seuls 7 386 sont des nouveaux bénéficiaires (des travailleurs pauvres). Les autres sont des ex-allocataires du RMI ou de l'API. On est encore loin des 47 000 nouveaux allocataires prévus pour ce département.
A l'occasion de ce premier versement, nous republions un article paru dans le mensuel Lyon Capitale du mois de juin.
A lire aussi, en trois épisodes, les réponses qu'apporte Martin Hirsch, l'inventeur du RSA, à trois acteurs lyonnais de l'insertion.

Depuis le 1er juin, le revenu de solidarité active (RSA) est généralisé à l'ensemble du territoire français. Mais ce n'est pas qu'une bonne nouvelle.

Le RSA apporte une source de revenu complémentaire aux personnes qui retrouvent un emploi et aux "travailleurs pauvres" qui gagnent moins que le Smic. Une caissière sans enfant qui gagne, à temps partiel, 500 euros verra, par exemple, voir son salaire complété de 210 euros. Sans conteste, il s'agit d'une véritable amélioration des ressources de la personne. Dans la conception de Martin Hirsch, cela doit encourager les ex-RMIstes (appelés aujourd'hui "bénéficiaires du RSA socle", lire encadré) à reprendre un travail même payé une misère. Toutefois, les professionnels de l'insertion et les associations de chômeurs mettent en avant trois effets pervers.

1/ Prime à la précarité
Le dispositif est censé encourager financièrement le retour à l'emploi. Mais à quel emploi ? Depuis la fusion entre Assedic et ANPE au sein du Pôle emploi, le dispositif des "deux offres raisonnables d'emploi" est entré en vigueur pour tout le monde. Ainsi, un ingénieur au "RSA socle" qui aurait déjà fait la plonge n'est pas en mesure de refuser plus de deux fois un emploi de plongeur. Sans quoi il serait radié des listes du Pôle emploi. Et pourrait jusqu'à perdre son RSA.

En période de crise économique, la généralisation du RSA tombe encore plus mal. De nombreux observateurs, comme la sociologue Noëlle Burgi, citée dans Le Monde du 30 mai, souligne qu' "un tel dispositif est de nature à stimuler les emplois précaires et à temps très partiel". Le rapport du comité d'évaluation de l'expérimentation ne dit pas l'inverse. Dans les zones où le RSA a été testé, le taux de retour à l'emploi est légèrement supérieur (3,38%) aux zones tests restées au RMI (3,1%). Mais seuls trois bénéficiaires sur dix étaient en CDI ou en CDD de plus de six mois. "On ne s'attaque pas aux causes de la précarité, analyse Valérie Baudot, membre d'Agir contre le chômage (AC !) Rhône. Rien n'est fait par exemple pour limiter les recours aux CDD ou au temps partiel. Ce faisant le RSA institutionnalise la précarité".

2/ Service minimum pour l'accompagnement
Les ex-RMIstes, bénéficiaires du RSA socle, continueront à être accompagnés. Cette mission est assurée par Pôle emploi ou par des associations d'aide au retour à l'emploi. Plus qu'un droit, c'est même un devoir pour l'allocataire, si son revenu final ne dépasse pas 500 euros. Au-delà des 500 euros, le bénéficiaire peut, sur sa demande, bénéficier d'un accompagnement.

Problème : Pôle emploi prévoit que le nombre d'ex-RMIstes inscrits va être multiplié par trois mais n'a prévu aucune embauche spécifique pour assurer leur suivi. Alors que l'accompagnement était présenté dans le projet de loi initial l'un des facteurs de réussite du dispositif, Pôle Emploi se décharge sur les conseils généraux, sommés de financer ces nouveaux agents.

Actuellement, les agents du Pôle emploi ne disposent que de 10 à 20 minutes de rendez-vous chaque mois par allocataire Quelle sera la qualité de cet accompagnement professionnel ?
Et pour payer les 47 000 nouveaux allocataires prévus dans le département du Rhône, seulement 27 nouveaux agents ont été embauchés à la Caisse d'Allocations Familiales (CAF) de Lyon. Les associations de chômeurs dénoncent déjà une nouvelle "usine à gaz" qui multipliera les retards et les erreurs de versement avec tous les soucis de remboursement que cela peut impliquer.

3/ Les exclus, grands oubliés du RSA
Pour Anne-Camille Veydarier, directrice du pôle intégration sociale du Rhône, les moyens actuels mis dans l'accompagnement social et professionnel sont suffisants. Elle croit à la philosophie du RSA : "Avec le RSA, les gens reprendront un emploi car, ils y verront un intérêt indéniable".

Si les associations d'insertion reconnaissent les effets positifs du RSA pour les personnes "proches de l'emploi", elles doutent des effets sur les personnes "enfermées dans le RMI" et s'inquiètent particulièrement de la qualité de l'accompagnement professionnel et surtout social. Selon la Mission régionale d'information sur l'exclusion (MRIE) de Rhône-Alpes, 30 à 35% des RMIstes sont en situation d'exclusion. "Ce sont des personnes qui ont des problèmes de santé (notamment liés aux addictions) ou de logement, explique Jean-Pierre Aldeguer, le directeur de la MRIE. Tout le monde fait comme si on allait leur trouver un emploi en les inscrivant dans un parcours d'accompagnement professionnel. Mais il y a déjà un manque de moyens criant pour faire un véritable suivi. Il est toujours plus facile d'apprendre en trois mois l'ordinateur que de retrouver la confiance en soi et la santé". Dans le Rhône, le Conseil Général a prolongé la convention confiant à des associations le suivi des RMIstes. Mais collectif RMI69, réunissant la plupart de ces structures d'insertion souhaiterait davantage de moyens pour faire, par exemple, de la formation ou de l'aide à la mobilité.

Encadré
Parlez-vous le RSA ?

RSA socle : C'est le revenu social garanti chaque mois aux personnes sans emploi. Il est pris en charge par les départements et correspond aux montant actuel du RMI et de l'Allocation Parent Isolé. Il est de 454,63 euros pour une personne seule sans enfant et de 818,34 euros pour un couple avec un enfant.

RSA Chapeau : Il s'agit d'un complément de revenu. Il correspond à 38 % du revenu de l'emploi versé en complément du salaire jusqu'à atteindre 1,04 fois le Smic. Toutes les personnes qui n'atteignent pas cette somme peuvent en bénéficier. Aucune limite de versement dans le temps n'est prévue.

Instruction : L'ouverture d'un dossier RSA est prévue automatiquement au titre du RSA socle. Le RSA Chapeau doit être demandé par l'éventuel bénéficiaire. Les services sociaux des communes (CCAS), la Maison du Rhône (MDR), la Mutualité Sociale Agricole (MSA) et la Caisse d'Allocation Familiale (CAF) sont accrédités à l'ouverture des dossiers. Pour calculer vos droits RSA, une plateforme de calcul est disponible sur le site rsa.gouv.fr

Bénéficiaires : Ne dites plus Rmiste mais bénéficiaire du RSA. Cela comprend, les ex-Rmistes, Parents Isolés mais également les personnes qui bénéficient du RSA au titre de complément de revenu. Dans le Rhône, on prévoit 82.000 possibles bénéficiaires du RSA.

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