La fin du “En même temps”

Édito. Dans son dernier combat politique, Gérard Collomb était resté sur une défaite aux points lors du premier round, en mars dernier. Le mauvais score réalisé par sa liste avait sonné comme une fin de règne et les successeurs semblaient déjà tout désignés. Avec un score bien au-dessus des prévisions des sondages, les écologistes commençaient, dès le lendemain du premier tour, à se rapprocher des listes de gauche afin de nouer les alliances. Le reste n’était plus qu’une question de temps.

Mais avec la crise du coronavirus, ce temps est devenu plus long. Il fut néanmoins mis à profit par les Verts pour peaufiner leur stratégie, constituer un shadow cabinet et élaborer les grandes lignes d’une future gouvernance.

Et puis, au sortir de cette longue période de torpeur sanitaire, est arrivé le coup que nul n’attendait vraiment. Rien n’est plus dangereux qu’un animal blessé dit-on. La bête politique qu’est Gérard Collomb s’est chargée de nous le rappeler. Lui qui, inlassablement pendant des années, a essuyé revers et coups avant d’accéder au pouvoir, sait à quel point la “hargne” peut être payante.

L’annonce de son retrait fin mai au profit du candidat de droite à la Métropole est in fine un scénario qui le remet en jeu en pesant d’un poids non négligeable sur le résultat final.

Les cris de stupeur, dénonçant son alliance avec la droite, peuvent bien résonner dans la campagne électorale et on peut être heurté par le symbole que représente ce revirement, mais il serait erroné de penser que Gérard Collomb ne fait qu’un choix tactique cynique.

Qui a observé le parcours du maire de Lyon sait que cette alliance résulte aussi d’une logique de conviction. En trois mandats de maire et de président de la plus grande collectivité territoriale de France, Gérard Collomb s’est bel et bien débarrassé du corpus idéologique de gauche qui le portait au début de sa carrière. Pendant ses vingt ans de gouvernance, c’est sur le développement économique qu’il a bâti son modèle, peu sur les priorités sociales, ce qui lui a été reproché par ses partenaires historiques de gauche, dont un certain nombre l’ont quitté ou ont été écartés de sa route.

C’est ce même réseau économique, avec lequel il a noué des liens indéfectibles, parfois opaques, qui l’a poussé à franchir le Rubicon pour nouer une alliance à droite. Il est convaincu lui-même que face à la crise, seules les vertus du ruissellement économique – théorie que Gérard Collomb partage avec Emmanuel Macron – peuvent sauver les emplois et notre modèle social français.

Les patrons lyonnais qui ont subi de plein fouet deux mois d’arrêt ont les yeux rivés sur le retour de la croissance. Plus que l’effet à retardement de la crise de la Covid-19, ils redoutent une arrivée au pouvoir des Verts, synonyme pour eux d’une décélération de l’activité économique avec des choix politiques de frugalité, de contraintes supplémentaires, de nouvelles réglementations, aux antipodes d’un libéralisme qui leur donnerait les coudées franches pour relever la tête.

Au fond, le résultat de ces élections dépendra des leçons que les Lyonnais vont retenir de cette crise sanitaire. La crainte d’un effondrement économique, avec son lot de chômage et de perte de revenus sera-t-elle plus forte que la peur d’un effondrement climatique qui affecterait les générations futures ? C’est tout l’enjeu de cet étrange deuxième tour que plus personne n’attendait. Et avec l’implosion du mouvement En Marche, il verra se reformer deux blocs politiques plus classiques, de gauche et de droite, pour lesquels il faudra trancher. Cette fin du “En même temps” est une forme de pied de nez qui nous montre qu’en matière de politique, le monde d’après reste à imaginer. Car pour l’instant, celui-ci affiche plutôt un air de déjà-vu.

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