Dans le studio de jeu vidéo Old Skull Games
Dans le studio de jeu vidéo Old Skull Games

Jeu vidéo, la nouvelle poule aux œufs d’or lyonnaise

Immersion au cœur de la filière vidéoludique lyonnaise – suite au sacre d’un studio de Lyon ayant réalisé le meilleur jeu vidéo français – un juteux business, fortement créateur de richesses et d’emplois durables sur le territoire.

Dragon Ball Z de Bandai Namco Entertainment dont le siège européen est à Lyo
Dragon Ball Z de Bandai Namco Entertainment dont le siège européen est à Lyon

Saviez-vous que le meilleur jeu vidéo français de l’année avait été créé à Lyon ? Que la filière aurhalpine du jeu vidéo pesait pas loin d’un milliard d’euros et employait 3 000 personnes ? Que tous les sortants des écoles de jeux vidéo lyonnaises s’arrachaient à prix d’or et, mieux, étaient débauchés avant même la fin de leurs études ? Pas sérieux le jeu vidéo ?
La région est tellement cotée dans le milieu que les studios font des pieds et des mains pour venir s’y installer. Dernier exemple en date, un studio taïwanais ouvre – c’est en cours de finalisation – une antenne à Lyon, avec quatre-vingts emplois à la clé. L’été dernier, c’est l’éditeur de jeux vidéo parisien Microids qui a annoncé la création d’un nouveau studio de développement dans la capitale des Gaules. Il y a huit mois, suite à une levée de fonds de 150 millions de dollars, Virtuos, l’un des leaders mondiaux de développement de jeux vidéo (impliqué dans la plupart des blockbusters de l’industrie du jeu vidéo : “Fifa”, “Final Fantasy”) a renforcé sa présence en Europe en créant un studio au cœur du Grand Hôtel-Dieu.

Croissance à deux chiffres

Les politiques et le jeu vidéo
@Lyon Capitale

Le jeu vidéo est l’un des secteurs qui a le plus bénéficié de la crise du covid, dopant de manière folle les courbes de croissance. L’année dernière, le Japonais Nintendo a affiché un chiffre d’affaires de 12,3 milliards d’euros, le géant français Ubisoft (qui dispose de deux studios à Villeurbanne et Annecy) a réalisé, pour le seul 3e trimestre de son exercice décalé 2021-2022, 665,9 millions d’euros de gains.
À une moindre échelle, et plus localement, les studios lyonnais ont largement profité de cette bulle. Chez Million Victories, à qui l’on doit “Million Lords” (820 000 téléchargements, 100 000 joueurs actifs et 5 000 nouveaux joueurs chaque jour), le chiffre d’affaires a décuplé en une seule année, passant d’un à dix millions d’euros. Même son de joystick face au parc de la Tête-d’Or, chez Old Skull Games, studio indépendant créateur du premier jeu français pour Apple Arcade – l’équivalent du Netflix du jeu vidéo –, le carnet de commandes est “plein jusqu’à mi-2023” et les effectifs vont prochainement être portés de 67 à 120 personnes. Même le doyen des studios régionaux, Artefacts, planqué dans une cour intérieure villeurbannaise, a vu son chiffre d’affaires de 2020, déjà en progression de +50 % par rapport à l’année précédente, gonfler de +31 % en 2021. Encore mieux : “Début 2022, on a déjà dépassé de 10 % celui de 2021”, se réjouissent Bruno Chabanel et Olivier Gaudino, la double tête pensante du “Donjon de Naheulbeuk”, petit succès mondial.

Lire aussi sur le même thème : “Le jeu vidéo, c’est du sérieux !” pour la Région Auvergne-Rhône-Alpes

Cash

Selon l’association Game Only, qui représente et accompagne la filière du jeu vidéo régionale, le besoin de recrutement en Auvergne-Rhône-Alpes est estimé à 1 000 personnes sur les dix prochains mois. Avec “85 % de ces emplois en CDI”, atteste Guillaume Magnies, trésorier du cluster. À l’échelle nationale, d’après l’Observatoire de l’emploi du jeu vidéo, cette industrie explose les compteurs sur le marché de l’emploi, ayant généré en 2021 40 % d’offres supplémentaires par rapport à l’année précédente.
Des chiffres à faire pâlir les autres industries traditionnelles. Mais, poursuit Mathilde Yagoubi, déléguée générale de Game Only, “le débauchage est actif et massif. Il n’y a pas une semaine sans qu’un adhérent [ils sont plus d’une centaine, NdlR] me dise qu’un studio chinois lui propose un chèque à six zéros” pour venir travailler avec lui.
L’enjeu est donc celui de la rétention des talents. Raison pour laquelle la Région de Laurent Wauquiez a mis le paquet sur la filière. “Le mot d’ordre en Auvergne-Rhône-Alpes est clair : ‘le jeu vidéo c’est du sérieux’ et notre cap, c’est de devenir la région n° 1 en Europe”, catapulte Samy Kefi-Jérôme, conseiller en charge de la stratégie digitale du paquebot de Confluence. Et ça tombe cash : 800 000 euros en 2020 au titre du “premier” fonds régional d’aide à la création de jeux vidéo, puis un demi-million tous les ans. Et en janvier dernier, la Région a remis au pot avec une aide d’un peu plus de 500 000 euros destinée au développement des compétences, la filière devant se caler sur les technologies les plus avancées et maîtriser les derniers outils de développement afin d’être compétitive par rapport aux autres acteurs internationaux.


Un chiffre
Entre 600 et 1 000 jeux sur mobile sortent chaque jour dans le monde

500 : rise of an empire

Lyon, terre historique du jeu vidéo
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C’est tout le pari de Gaming Campus, premier lieu d’enseignement pluridisciplinaire en Europe dédié à l’industrie du jeu vidéo, basé rue de Marseille à Lyon, qui accueille 500 étudiants. “On fait de la pédagogie active par projets, ce qui permet l’acquisition de compétences, explique Valérie Dmitrovic, sa co-fondatrice et directrice générale. Résultat, on a plus de 80 % d’employabilité pour nos étudiants.” À Villeurbanne le Pôle Pixel accompagne l’implantation et le développement des acteurs du jeu vidéo (notamment) dans une démarche d’aide à la structuration de leurs projets. C’est le cas de SideRift, tout jeune studio de jeux vidéo, dont le premier jeu sur PC, “Voodolls”, est en cours de développement. “Il y a un suivi des jeunes acteurs pour développer le pitch de leur projet qui booste, on fait le point sur le financement, la communication, on a rencontré un expert-comptable”, explique Adrien Constans, l’un des trois fondateurs.

Triple A

Les chiffres de l'emploi dans le jeux vidéo
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Car les coûts de développement d’un jeu vidéo s’envolent rapidement. Le budget de “Donjon de Naheulbeuk” d’Artefacts Studio a avoisiné les 4 à 5 millions d’euros, entre trente et quarante personnes ayant travaillé dessus pendant plus de trois ans. Il y a trois catégories de jeux vidéo : les “AAA” (triple A) – rien à voir avec l’Association amicale des amateurs d’andouillette authentique (AAAAA) –, à savoir les super productions aux gros billets façon Hollywood dont les jeux coûtent en moyenne 150 millions d’euros (la part du marketing devant représenter 75 % de l’enveloppe, selon le site spécialisé New Game Plus) sur plusieurs années. C’est par exemple le cas de “Dishonored” ou de “Deathloop”, les deux jeux encensés par la critique mondiale du studio lyonnais Arkane (aujourd’hui dans l’escarcelle de Microsoft qui a racheté début 2021 ZeniMax Media, société mère d’Arkane, pour 8,1 milliards de dollars). Suivent les “AA”, créneau sur lequel essaie de se positionner Old Skull Games par exemple, avec des budgets frôlant les 5 à 6 millions d’euros d’investissement pour une trentaine de personnes sur le jeu pendant douze ou dix-huit mois. Et les “indé”, parfois financés par les développeurs eux-mêmes, comme “There is no game”, le jeu sur mobile et PC de Draw me a pixel (Lyon), payé sur les fonds propres de son créateur.

L’appel des syndicats du jeu

Olivier Gaudino et Bruno Chabanel d’Artefacts Studio, le doyen des développeurs de jeux vidéo régionaux
Olivier Gaudino et Bruno Chabanel d’Artefacts Studio, le doyen des développeurs de jeux vidéo régionaux

Fin février, les principaux syndicats patronaux du jeu vidéo ont plaidé pour que la France – troisième en Europe en termes de chiffre d’affaires avec 5,3 milliards en 2020 (+11,3 %) – devienne “leader” européen d’ici cinq ans, et en faire une “priorité industrielle”. Ils ont appelé à un soutien “explicite” des pouvoirs publics, alors que le secteur se plaint d’un “déficit de considération”. Rencontré le 16 mai dernier à Villeurbanne, lors de la présentation de France 2030, Olivier Fontenay, chef du service création numérique du CNC (établissement public qui finance les projets du jeu vidéo notamment), nous expliquait : “Nous cherchons des projets permettant un changement d’échelle pour devenir leader européen, faire en sorte que les studios se dotent de moyens pour se dire ‘on est les meilleurs’.”
Comme le soumet Sébastien Millon, directeur artistique du jeu chez Arkane, “on est passé du jeu ‘pour les gamins’ au 10e art”. Le jeu vidéo, un “10e art” ? Au-delà des longs débats qui peuvent en résulter, le jeu vidéo est assurément plus que le simple média de divertissement dans lequel on a bien voulu l’enfermer. Il crée de la richesse et des emplois durables sur le territoire. Avec un potentiel considérable. D’autant qu’une prochaine révolution des jeux vidéo, vertigineuse, se profile avec le métavers (meta, “au-delà” et vers “univers”), non sans rappeler le jeu de simulation “Les Sims”, sorti en l’an 2000 ou, plus récemment, Ready Player One, le film de Steven Spielberg (2018). Le terme, obscur, s’impose de plus en plus chez les éditeurs et dans les studios. Un univers parallèle virtuel et persistant permettant de nombreuses interactions, avec l’enjeu de fidéliser une multitude de joueurs qui pourront aussi échanger des biens. Et un gigantesque business à la clé.

Les chiffres du jeu vidéo en France et en Auvergne-Rhône-Alpes
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