L’Atelier du Diable (©Antoine Merlet)

Créateurs lyonnais : Mariette Guigal, l’illustratrice du Diable !

Dans son petit atelier-boutique de la rue Saint-Polycarpe, Mariette encre le papier depuis plus de trente ans. Entre presses d’imprimerie des années 1960 et production assistée par ordinateur, l’illustratrice joue de toutes les techniques pour proposer des fresques oniriques et enfantines.

Mariette Guigal L’illustratrice du Diable ! De son Ardèche d’origine à Lyon, où elle travaille depuis trente ans, en passant par les États-Unis où elle a vécu, Mariette n’a jamais lâché l’illustration. Malgré les évolutions successives de son style graphique, imposées par la danse des tendances et l’arrivée de nouveaux outils de création, elle a conservé une patte artistique qui caractérise pleinement son travail. Les couleurs sont marquées, tenues par des traits fins et nets qui esquissent presque systématiquement des contours végétaux ou animaux. Dans la faune et la flore de Mariette, le photoréalisme est loin et laisse place à un vrai travail d’illustration, où le jeu libéré des formes et des couleurs dégage un onirisme enfantin.

L'Atelier du Diable (©Antoine Merlet)

Car l’enfance n’est jamais loin dans ce monde coloré et se cache jusque dans le détail du nom diabolique de l’enseigne. “Quand j’étais petite, explique Mariette, mon père faisait un origami en forme de diable pour nous amuser, ma sœur et moi. Et puis “diable” c’est aussi un clin d’œil au surnom que l’on donne aux enfants trop turbulents.” De ses premières années sur les bancs de l’école jusqu’à aujourd’hui, elle n’a jamais dévié de sa volonté de vivre une carrière artistique. Et sa seule entorse à l’illustration consista, à l’adolescence, à s’adonner à la gravure sur arme et sur cycle à l’école des beaux-arts de Saint-Étienne. “Après ça, j’ai rejoint un atelier d’illustration à Lyon, mené par Jean Claverie. C’était en 1983 et depuis je n’ai jamais quitté le métier !”, dit fièrement Mariette, qui ne manque pas de rappeler la renommée de son mentor, illustrateur jeunesse lyonnais prolifique qui a également participé à la naissance de l’école d’art Émile-Cohl.

De l'aquarelle à Photoshop

Depuis les années 1980, Mariette a connu toutes les évolutions de ce milieu artistique, complètement bouleversé par l’arrivée des ordinateurs et des outils numériques de production. “Avant, c’était crayon, papier, couleur ; c’était aquarelle, gouache ou acrylique. Et puis, en quelques années, la transition vers les outils informatiques s’est faite et c’est devenu presque impossible de travailler en traditionnel. Les clients exigeaient des délais plus serrés, des corrections rapides et des retours par Internet”, se souvient l’artiste, qui a dû s’adapter rapidement et apprendre à utiliser ces nouveaux outils sur le tas : “À l’époque, la formation professionnelle n’existait pas. Alors j’ai demandé à un copain de me monter un petit ordinateur, et j’ai acheté Photoshop pour les nuls !” Plus récemment, ce sont les réseaux sociaux qui ont modifié la manière de travailler des artistes de l’image. Entre Instagram et Facebook, il a rapidement fallu faire partie de cette nouvelle vitrine virtuelle sur laquelle le secteur artistique au sens large est omniprésent. “Je me souviens d’une époque où, pour montrer votre travail, vous alliez démarcher directement les directeurs artistiques des grandes boîtes avec votre book. Aujourd’hui, il faut avoir un site Internet et un compte Instagram”, dit Mariette, qui apprécie ces nouveautés.

L'Atelier du Diable (©Antoine Merlet)

Si elle travaille aujourd’hui sur un ordinateur dernier cri, Mariette est pourtant attachée aux anciennes techniques de création et aux vieilles machines. Elle en possède deux grosses du siècle dernier, impeccablement nettoyées, lustrées et parfaitement fonctionnelles. Au fond de son atelier, un massicot géant, d’un bleu-gris caractéristique des machines de l’époque, arbore une lame aussi impressionnante par sa dimension que par la quantité de papier qu’elle a coupé depuis sa mise en service. En face, au centre de la boutique, une énorme presse d’imprimerie Heidelberg. Elle aussi en a vu de toutes les couleurs, explique Mariette : “C’est une presse typographique ancienne que j’utilise toujours. Je l’ai trouvée sur Internet il y a un moment. Elle était cassée par endroits et encrassée par des années d’utilisation ; il y avait de l’encre séchée partout ! Mon compagnon m’a aidée à la remettre en état ; on a travaillé dessus pendant des mois et maintenant elle fonctionne, même si j’ai dû réimprimer le manuel de l’époque pour comprendre comment elle marchait…”

L'Atelier du Diable (©Antoine Merlet)

La dernière arrivée à l’atelier ne fonctionne plus, mais renferme une valeur émotionnelle pour l’illustratrice. “C’est un ami, ancien patron du musée de l’Imprimerie, qui me l’a donnée. Il me l’a laissée à une seule condition : qu’elle reste toujours sur Lyon !” De toute manière, Mariette ne voit pas son futur ailleurs que dans la capitale des Gaules, entre les rues étroites et typiques du 1er arrondissement. “Vous savez, l’illustration est un milieu difficile et très concurrentiel. J’ai passé beaucoup de temps à construire ce que j’ai aujourd’hui. Malgré plus de trente ans de carrière, je n’ai arrêté de courir après les contrats que depuis quelques années. Maintenant, j’ai ma boutique et des commandes régulières, je me sens bien dans mon travail.” L’illustratrice est épanouie, cela se sent. D’ailleurs, elle ne sait trop quoi répondre quand on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter pour la suite. Ah si, peut-être… monter des ateliers pour transmettre trente ans de technique et de passion du dessin. Une idée qui, si elle se concrétise, fera certainement le bonheur des illustrateurs en herbe.


CARTE D’IDENTITÉ DE LA MARQUE

  • Créatrice : Mariette Guigal
  • Marque : Diable !
  • Site Internet : www.diable.bigcartel.com
  • Atelier-boutique : 9, rue Saint-Polycarpe, Lyon 1er

[Article publié dans Lyon Capitale n° 790 – Juillet-Août 2019]

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