Cité de la gastronomie de Lyon : "un service public souhaitable"

Près d'un mois après la fermeture de la Cité de la gastronomie, le chef trois étoiles Régis Marcon, président (bénévole) du Comité d'orientation stratégique de la Cité de la Gastronomie de Lyon, a envoyé à Lyon Capitale un texte précisant sa position. Le chef reconnaît que l'exposition permanente "n'était pas à la hauteur". Pour lui, la Cité se doit d'être plus "ludique", proposant de "vraies expériences culinaires". Pour lui, il est souhaitable que le lieu "passe sous service public".

Régis Marcon
© tim Douet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Màj le 31 août.

La Cité de la gastronomie vient de mettre la clé sous la porte, un an seulement après son ouverture. Etes-vous surpris ?

Je n’ai pas été vraiment étonné du fait de la position délicate dans laquelle se trouvait la société Magma Cultura, le gestionnaire de la Cité de la gastronomie, avec le Covid-19. C’est plutôt le titre du communiqué de Magma Cultura qui m’a surpris : "ferme définitivement". C’est très maladroit pour ceux qui travaillent dans la Cité de la gastronomie et tous ceux qui ont cru au projet, sans oublier les mécènes qui ont contribué financièrement à cette cité (11 mécènes ont investi 10,4 millions d'euros, NdlR).

Comment envisagez-vous l’avenir de la Cité de la gastronomie de Lyon ?

Je suis plutôt optimiste, car je pense que c’est une opportunité pour rouvrir cette cité d’une façon différente. Je reste convaincu qu’elle a tous les atouts pour devenir un lieu incontournable sur ce thème que nous avons choisi il y a cinq ans : la gastronomie associée à la nutrition et à la santé. Et quand je parle de gastronomie, je parle des toutes les restaurations, qui vont du gastronomique étoilé au bistrot, de la cuisine rapide à la restauration collective. Mon optimisme est partagé par un grand nombre de personnes parce que nous sommes à Lyon, dans une région Auvergne-Rhône-Alpes avec une agriculture de qualité et diversifiée, avec des démarches de valorisation (agriculture bio, produits laitiers de montagne, viticulture, arboriculture…), une région où l’on trouve des centres de recherches qui travaillent à l’amélioration de l’alimentation pour la santé et le bien-être, et une partie du territoire qui concentre le plus grand nombre de chefs étoilés, et des professionnels de grande qualité dans tous les métiers de bouche.


"L exposition permanente de la Cité de la gastronomie n’était pas à la hauteur"


Il s'agit clairement d'un échec. Comment l'appréhendez-vous ? 

Je suis déçu, comme la majorité d’entre nous. Au tout début de l’aventure, nous avons présenté un projet avec Gérard Colomb et le comité de pilotage au ministère de la Culture, ensuite devant la presse aux Lyonnais. Et par la suite le projet de l’exposition permanente  a été modifié pour des raisons que j’ignore. Il faut savoir que la société Magma Cultura a hérité d’une exposition permanente qui n’était pas à la hauteur, et dont elle n’était pas responsable. Déjà, dès le départ, la situation était compliquée. S'ajoute à cela le fait qu’ils arrivaient dans une ville dont ils ne connaissaient pas le réseau local. Certains ne les ont d’ailleurs pas aidés, voire ils leur ont compliqué la tâche.

D'aucuns ont critiqué le prix du ticket d'entrée à la Cité de la gastronomie , 12€,  trop élevé...

Une entrée à 12€€ pourrait apparaitre un peu chère par rapport à l’entrée d’autres musées. Mais c’était la somme minimale pour que Magma Cultura rentabilise ce lieu, à savoir que contrairement aux autres musées, celui-ci n'était pas subventionné. Pour information sur les 150 000 visiteurs qui ont visité la cité, plus de la moitié a bénéficié d’une réduction (étudiants…) voire d’une gratuité (enfant).


"Contrairement aux autres musées de Lyon, la Cité de la gastronomie n'était pas subventionnée".


@Antoine Merlet

Il faut tirer les leçons de cet échec. Que faut-il modifier, selon vous, pour que la Cité de la gastronomie rencontre son public ? 

Tout d’abord, je dois vous dire que l’on n’a pas vu cette Cité de la gastronomie sous le meilleur jour. Au-delà du parcours du goût, expositions permanentes et temporaires ouvertes à tout public, qui pour certaines parties ont reçu des critiques (prix, qualité, etc…), il existe aussi toute la partie évènementielle, les rencontres de tous les acteurs (agriculteurs, professionnels, experts) sous forme de conférence, démos, évènements, banquets. Cette activité de la cité commençait juste à démarrer sous l’égide d’un "Comité Rabelais", groupe de représentants du monde agricole, métiers de bouches, experts en nutrition. Des animations culinaires associées à la culture ont été organisées avec beaucoup de succès. Pour la partie exposition permanente, la société Magma Cultura avait déjà présenté un projet de modification. Il faudra peut-être aller plus loin pour rendre ce lieu plus ludique, où le public pourra vivre des vraies expériences culinaires. On se nourrit de ses échecs, et toutes les critiques, conseils et encouragements feront avancer le projet. Nous avons déjà prévu quelques expositions en attente avant le covid-19, pour certaines d’entre elles, elles sont encore disponibles.


"Il faut rendre la Cité de la gastronomie plus ludique, avec de vraies expériences culinaires".


La groupe espagnol Magma Cultura, auquel la métropole de Lyon avait confié la gestion de la Cité de la gastronomie parti, qui pour les remplacer ? 

Nous sommes dans une période particulière où chacun a pu s’interroger sur sa vie, son rapport à la nature. Dans ce domaine si important pour l’Homme, la santé, la nutrition, la nature, le développement durable, ce lieu a encore plus de sens, il me semblerait souhaitable que cette Cité de la gastronomie passe sous service public. Je reste persuadée que cette structure peut même être rentable . C’est comme un restaurant : si la cuisine est bonne, saine, avec un bon accueil pour vivre une belle expérience, la clientèle est au rendez-vous.

Quels financements maintenant ? 

Je pense que toutes les parties doivent être associées à ce projet. Suite à un désaccord, la région n’a pas été associée à ce projet : mais elle peut faire partie de ceux qui peuvent apporter un renouveau à cette cité par son maillage sur l’agriculture, ses entreprises et le développement local.
La Cité de la gastronomie de Lyon fait aussi partie du Réseau des Cités de la gastronomie (avec Dijon, Paris-Rungis et Tours, NdlR). De même que la Cité de la gastronomie de Lyon devrait être une tête de pont avec Dijon dans le cadre de la "Vallée de la Gastronomie" (la route du goût), reliant Dijon à Marseille.

Lire : Qu'est-ce que la vallée mondiale de la gastronomie ?


"Il me semblerait nécessaire que la Cité de la gastronomie de Lyon passe sous service public."


Quels sont vos souhaits pour la future Cité de la gastronomie de Lyon ?

Je crois au renouveau de cette Cité de la gastronomie. Elle a toute sa place à Lyon et dans cette région. Nous sommes sur un projet qui monopolise beaucoup d’acteurs de différents domaines, de l’agriculture à la table en passant par les chercheurs, les professionnels des métiers de bouche, tout cela dans un but social et économique. Le succès dépendra d’une vision commune de chacun de ces acteurs, leur capacité à s’écouter et s’entendre sur le renouveau de cette cité de la gastronomie. Je suis optimiste car je rencontre beaucoup de ces acteurs qui ont envie de contribuer à ce travail en commun.

Pensez-vous que les Toques blanches lyonnaises seront associées à l’avenir de cette cité ?

Je le souhaite et il ne peut en être autrement. Déjà, en mars dernier, nous avions mis en place le comité "Rabelais" rassemblant des représentants des secteurs agricole, distribution, des médecins nutritionnistes, des chercheurs, des représentants des métiers de bouche. Le but était de définir les actions à mener dans la Cité et hors Cité. Trois chefs représentants les Toques blanches avaient accepté d’y siéger, malheureusement le COVID a stoppé le début de nos travaux, mais j’espère que cette équipe sera reconduite à l’avenir.

Serez-vous prêt à travailler avec la nouvelle équipe dirigeante ?

Si on me le propose, pourquoi pas, je participerais aux travaux à certaines conditions. Je n’ai pas de préjugés. Ce qui me motive avant tout c’est la réussite du projet. J’y travaille depuis huit ans de façon bénévole et désintéressée. Mais regardons nos atouts : nous avons à notre disposition un lieu emblématique, magnifiquement restauré par l’équipe d’Eiffage et avec quelques modifications, le parcours du gout et les nouvelles expos seront plus lisibles et attrayants. Il nous faut tout simplement être patient, nous avons les bons ingrédients pour que la recette soit réussie, cela ne tient qu’à la bonne volonté et l’adhésion de tous.

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