Vélo'v Vesco
© DR (montage LC)

Du vélo à la ville partagée, ou la véritable histoire de Vélo’v

“Vélo’v est entré dans la vie des Lyonnais. Tel un ADN, il a produit de l’identité pour notre territoire.”

Vélo’v restera dans l’histoire des villes comme l’innovation “disruptive” urbaine la plus marquante de ces dix dernières années. Dans leurs efforts pour développer de nouveaux modes de déplacement, plus propres et mieux partagés, il s’est imposé comme une nouvelle icône urbaine, un symbole d’autonomie et de liberté et un pilier de leur écosystème de mobilité durable. Cette véritable révolution devait surtout consacrer le partage comme nouveau paradigme de la mobilité urbaine et, au-delà, de la ville tout entière.

Elle démontrait qu’avant d’être un vélo Vélo’v était un service qui permettait de démultiplier la “propriété” au lieu de la diviser tel que dans un transfert de fichier par exemple, de pair à pair.

Aujourd’hui, Vélo’v est cité dans les ouvrages de référence aux côtés d’Airbnb ou Zipcar (auto-partage) comme l’“ancêtre” de la nouvelle économie du partage dite “collaborative”. Cette dernière substitue la possession d’un bien à son simple usage serviciel, permis par l’introduction d’une information numérique devenue depuis ubiquitaire. Tels des Monsieur Jourdain, nous ne savions pas que nous allions lancer une des premières plateformes collaboratives, nouvelle manière pour le citoyen de contribuer à sa ville, sans lesquelles on ne peut plus désormais penser la mobilité, ni la ville “intelligente” de demain. Car, à Lyon, cette dernière est née avec la mobilité intelligente, qui a elle-même vu le jour avec le vélo intelligent.

D’un service à Vienne en Autriche à Vélo’v à Lyon

Les nouveaux services induisent les nouveaux usages, et les incitations innovantes les nouvelles pratiques durables. C’est dans cet esprit que Gérard Collomb, en tant que président du Grand Lyon, me donna en 2003 la mission d’étudier une nouvelle offre de service formulée par notre prestataire de mobilier urbain JCDecaux, à l’approche du renouvellement du contrat le liant au Grand Lyon (2004).

Il s’agissait d’un système de vélos en libre-service déjà testé, sans beaucoup de succès, à Vienne en Autriche. Rendu sur place, en compagnie de Frank Ponsonnet, le directeur régional JCDecaux d’alors, le “benchmark” fut décevant : quelques stations disposées le long du Ring peinaient à générer un trafic satisfaisant et l’accès aux vélos était impossible par carte de crédit. En outre, le vélo était assez rudimentaire : freinage par rétropédalage, pas de vitesses, ni d’air dans les pneus (mousse…) ni de rayons aux roues. Bref, un vélo d’exploitant, pas d’usager.

Des modifications salutaires

Ce système fut présenté à Gérard Collomb à l’occasion d’une assemblée générale des “Eurocités” à Vienne. Nous eûmes alors l’intuition qu’il pouvait, au-delà d’un simple outil de loisir/balade/tourisme, transformer le vélo en véritable mode de transport, sous réserve de trois modifications qui devaient se révéler être les véritables clés du succès. La première d’entre elles fut la décision de doubler le nombre de stations pour un nombre de vélos équivalent. Le doublement de ce ratio devait permettre un maillage plus efficace du territoire desservi, clé de l’efficacité. JCDecaux nous proposant 200 stations pour 4 000 vélos, nous en imposâmes 400 (pour finir à 350, certaines ayant été agrandies ou doublées).

De même, le Grand Lyon sollicita un meilleur accès aux stations grâce à la carte de crédit (sur toutes les stations) en complément de la carte de membre. Enfin, une dizaine de points d’amélioration furent introduits sur le vélo lui-même, afin de le rendre plus confortable et fonctionnel.

Un bug le premier jour

Le transport public individuel en “one way” était réellement né, à Lyon et Villeurbanne. C’est-à-dire crédibilisé pour la première fois au monde à ce niveau de quantité et de qualité.

Le terme one way (ou “trace directe”) souligne la possibilité de ne pas remettre le vélo là où on l’a pris. Cette spécificité permise par le maillage dense du système a largement été la cause de l’explosion des chiffres de trafic dès l’ouverture du système. Au point que celui-ci connut un “bug” dès le premier jour devant l’affluence des sollicitations. Nous dûmes repasser en manuel sur les trois seuls points de démonstration ouverts pendant la première semaine, le temps que JCDecaux reboute le système avec des dizaines de collaborateurs spécialement missionnés en urgence à Lyon.

C’est ainsi que, dès le premier jour, le 19 mai 2005, Vélo’v était victime de son succès. Mais nous avions réalisé que c’était gagné. Outre les trois clés du succès, trois conditions de la réussite devaient être réunies pour l’avènement de Vélo’v. Bien sûr, la solution technologique de stationnement sécurisé du vélo sur l’espace public 24h/24 apportée par l’opérateur était un prérequis indispensable. Mais il y eut aussi la prise de risque d’un maire qui aurait dû se résoudre à tout faire démonter si le système n’avait pas trouvé massivement preneur auprès des habitants.

Enfin, il y eut une attente sociétale, jamais démentie, pour ce type de service qui s’inscrivait dans l’air d’un temps nouveau, celui du développement durable et d’un “individualisme collectif” – ou convivial – qui, même s’il peut paraître aujourd’hui un peu tautologique depuis l’avènement des plateformes collaboratives, tenait plutôt alors de l’oxymore.

Quand utiliser un vélo était bon pour les “loosers”

Vélo’v a apporté un nouvel accès à la ville, un nouveau droit à la mobilité, a permis au vélo de retrouver le haut du pavé et de se sentir légitime dans l’espace public sur un mode dont, selon Mme Thatcher, l’utilisation au-delà de l’âge de 25 ans faisait de vous un looser… Aujourd'hui, grâce à Vélo'v, c'est un "smart citizen". Dès 2007, Paris emboîtait le pas à Lyon et 900 villes dans le monde sont aujourd’hui équipées de ce mode de transport, dont une centaine en France. Aujourd’hui, le système de transport public individuel (avec stations) est répliqué sur quatre roues électriques avec le service en auto-partage Bluely opéré par la société Bolloré, appelé à se développer avec autant de succès que Vélo’v.

Au passage, ces deux fleurons de l’économie française symbolisent le partenariat public-privé (PPP) sans lequel, de Kéolis à Vinci, aucune mobilité urbaine efficiente ne pourra être demain envisagée. Et, dans les deux cas, le Grand Lyon faisait l’“affaire du siècle” en étant le premier (JCDecaux ne connaissant pas les coûts réels d’exploitation) ou le deuxième (Bolloré connaissant, avec Autolib Paris, le revenu potentiel et finançant l’intégralité du système).

200 millions de kilomètres en 2017

D’ici à la fin de ce contrat (2017), Vélo’v aura parcouru près de 200 millions de kilomètres, battu des records de 45 000 trajets par jour et fait du bien à la ville et à la santé de ses usagers en économisant l’équivalent de 40 000 tonnes de CO2 et autant de polluants et de particules fines. Vélo’v ne représentant qu’un quart du trafic vélo sur Lyon et Villeurbanne, c’est sans compter les dizaines de milliers de trajets quotidiens générés par ce service.

Demain, le Vélo’v électrique sera au VAE (vélo à assistance électrique) ce que Vélo’v a été au vélo : un formidable effet de levier et de démultiplication. En effet, depuis sa création en 2005, le trafic vélo global a été multiplié par trois sur son territoire. De plus, Vélo’v concourt à la déprise automobile en offrant une solution alternative à l’automobile individuelle, synonyme de pollution et de congestion, et en se combinant avec les autres solutions, telles que les transports en commun ou Bluely.

Rendre une voiture

À Lyon, la possession de ces trois cartes permet de rendre une voiture, souvent onéreuse.

Aujourd’hui, Vélo’v fait partie, au même titre que Bluely, de ce que Jeremy Rifkin appelle les “communaux”, ces biens communs dont l’utilisation concourt au bien commun – que d’autres appellent la res publica – et qui sont aussi symbolisés à Lyon par l’information multimodale partagée d’Optimod et d’Onlymoov, ou de nouveaux espaces publics conviviaux. Il marque toujours le principe d’une connexion et d’une interface collaborative, un “hub” de partage de proximité avant la lettre, où chacun est co-créateur du service qu’il utilise en échangeant vélos et places disponibles.

Surtout, Vélo’v a démontré dix ans avant d’autres plateformes de médiation (et la généralisation du smartphone) que l’addition ou l’articulation des décisions et intérêts individuels peut faire l’intérêt général ou le bon choix collectif, ce qui n’était pas forcément flagrant depuis qu’Aristote avait affirmé il y a 2 400 ans que “le tout est supérieur à la somme des parties”. Demain, on jugera les villes – elles-mêmes devenues d’immenses plateformes collaboratives – à ce qu’elles feront partager à leurs citoyens, des services qu’ils utilisent à l’air qu’ils respirent en passant par l’espace public dont ils jouissent. Vélo’v a été le premier, grâce à tous ses usagers et au travail inlassable des équipes de JCDecaux, à l’annoncer et à le démontrer.

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