Bové drague Ségolène

Pour l'instant, il juge le programme du PS "incompatible" avec cette ambition. Mais espère que cela changera pendant la campagne.

Lyon Capitale : Vous venez d'être condamné à 4 mois de prison ferme. Est-ce que la perspective de faire campagne depuis une cellule vous angoisse ou vous amuse ?
José Bové : Ni l'un ni l'autre. On ne réfléchit pas une stratégie en fonction d'une condamnation. La date de mon incarcération dépend du ministre de la Justice, pas de moi. J'ai été condamné pour des idées, j'assume, je ne me cacherai pas. Mais je resterai candidat.

Souhaitez vous que votre incarcération soit repoussée après la présidentielle ?
Pour parler, on est toujours mieux en liberté. Derrière des barreaux, on est coupé du monde, on n'a aucun moyen de s'adresser aux électeurs et aux électrices. Cela poserait aussi un problème de droit, puisque tous les candidats doivent pouvoir s'exprimer de manière égale.

Certains arrachages d'OGM, notamment quand il s'agissait de recherche médicale, vous ont donné une image d'anti-science, d'anti-progrès...
Paradoxalement, après l'arrachage de riz OGM du Cirad, les responsables syndicaux CFDT et CGT des chercheurs du Cirad ont été les premiers à lancer une pétition contre mon incarcération. Ils ont expliqué que si on n'avait pas agi, il n'y aurait jamais eu de débat avec les citoyens sur ces questions. Aujourd'hui, 80% des Français ne veulent pas d'OGM, ni dans les champs, ni dans leur assiette. Ces actions ont donc, malgré tout, été pédagogiques.
Vous avez un point commun avec Sarkozy, c'est que certains Français vous trouvent un peu "dangereux"... "Jusqu'où peuvent-ils aller ?" Lui, dans sa frénésie à faire des lois. Vous, parce que vous vous permettez de les enfreindre...
Je n'ai jamais enfreint une loi par plaisir... C'est parce que tous les autres moyens de nous faire entendre étaient impossibles. Les canaux de la démocratie sont bouchés ! Comme sur le nucléaire : 12% seulement des Français sont favorables à la construction de nouvelles centrales, or le gouvernement passe en force avec l'EPR. Pour obtenir des débats, on est contraint d'utiliser des modes d'action illégaux. Cela paye, puisqu'en 2006, deux tribunaux Français ont relaxé des faucheurs d'OGM.
Besancenot fustige un "concours de nains de jardins". Avec Laguiller, Buffet, Besancenot, Schivardi et vous, la gauche anti-libérale a-t-elle sombré dans la politique politicienne ?
Je ne veux pas me situer dans ce débat là. Contrairement à eux, je n'appartiens à aucun parti politique. Je viens du mouvement social, et je travaille avec des gens qui viennent de tous horizons.

Mais vous avez tous les mêmes "125 propositions" élaborées par les collectifs anti-libéraux...
La différence centrale, c'est que pour moi les 125 propositions sont un point de départ. Il faut aller plus loin sur la question des banlieues, de l'immigration. Sur le nucléaire aussi. Les thèmes écologiques sont peu présents dans les 125 propositions.

"L'écologie ne peut pas être un consensus. Elle ne peut-être qu'une bataille frontale" expliquez vous dans Politis. Êtes-vous l'anti Hulot ?
On ne peut pas faire de l'écologie soft. L'écologie, c'est la remise en cause d'un modèle de développement, le libre échange, qui amène l'ouverture sauvage des marchés, le moins disant social, les gaspillages des ressources, les entreprises qui font progresser leurs profits quelles que soient les conséquences... Le procès de l'Erika, qui débute cette semaine, en sera l'exemple.

On ne peut pas faire confiance aux signataires du pacte Hulot ?
Le pacte n'engage pas véritablement à remettre en cause la logique économique. Je pense que Nicolas Hulot l'a reconnu lui-même : quand il a annoncé son retrait, il a estimé qu'il faudrait un moratoire sur les OGM, le nucléaire et les autoroutes, ce qui ne figure pas dans le pacte. Pourquoi ne l'a-t-il pas dit plutôt ? Peut-être que cela aurait évité les confusions.
Votre programme donne l'impression d'être un "toujours plus" : la semaine à 32 heures, le Smic à 1500 euros net tout de suite, l'interdiction des stock-options, l'interdiction des licenciements, la suppression des paradis fiscaux... Ces vieilles recettes font-elles rêver les gens ?
Sur le Smic, c'est tellement une vieille recette que Ségolène Royal l'a proposée dimanche ! Cela fait des mois que l'on met la question des bas revenus sur la table, cela est repris. Il faut de même sur les petites retraites. Mais tout ce que vous dites se rapporte à une réalité : au milieu des années 80, 60% de la richesse du pays allait à la rémunération du travail et 40% à l'investissement et aux actionnaires. Aujourd'hui c'est l'inverse. Quand les actionnaires demandent des rentabilité de 12 ou 13%, c'est complètement fou !
"Soyons fous" dites-vous encore à Politis. Ça donnerait quoi un Bové président ?
Il faut être réaliste. Pour l'instant, j'ai relativement peu de chance d'être au second tour. L'objectif pour moi, c'est de faire entendre notre parole, et permettre que la gauche soit majoritaire au premier tour, qu'on mobilise ceux qui ne croient plus à rien, afin d'empêcher Le Pen de progresser et Sarkozy d'être élu.
Vous appelez déjà à voter Royal au second tour. Êtes-vous prêt à participer à un gouvernement avec le PS ?
Aujourd'hui, le programme du PS n'est pas compatible avec les propositions que nous avons faites. Le PS aménage le libéralisme, alors que nous voulons une rupture. Pour autant, cela n'enlève en rien la nécessité de tout faire pour battre la droite, et il n'y a besoin d'aucune négociation pour ça. En l'état actuel, il n'y a pas de compatibilité, mais on ne sait pas ce qui va se passer d'ici aux élections.

Tout dépendra donc des négociations avec le PS ?
Ce ne sont pas des négociations. Pour l'instant, il y a incompatibilité. Mais il y a déjà des progrès ces derniers temps. Je dis aux socialistes : encore un petit effort pour être à gauche !

Vous restez très raisonnable. Pourtant Evo Moralès, président de la Bolivie, vous a dit : "Vas-y, c'est ton tour maintenant"... Avez vous une filiation avec lui ?
Avec Moralès, on a travaillé ensemble pendant des années au sein des mouvements paysans. On est très clairement dans une même dynamique de réappropriation : il faut que les mouvements sociaux assument leurs responsabilités et passent des luttes dans les rues, qui sont fondamentales, à la lutte dans les urnes. Ne pas être simplement dans la contestation de l'extérieur, mais montrer que si on assume aujourd'hui le pouvoir, on peut changer les choses au niveau international. On a pris conscience ces dernières années que les décisions sont de plus en plus prises au niveau international, à l'OMC notamment. Si on laisse faire les gouvernements, sans participer au pouvoir, on ne peut pas s'opposer aux libéralisations. C'est à partir d'une présence forte au niveau d'un gouvernement, qu'on peut rompre avec cette logique. C'est l'idée d'un lien permanent entre un mouvement social et un pouvoir qui assume son droit de veto et de rupture avec la logique libérale. Pour en revenir au PS, ils n'ont pas aujourd'hui la volonté de remettre en cause tous les accords de libéralisation des services. C'est pourtant indispensable si on veut reconstruire en fonction de l'intérêt général.

www.josebove2007.org
www.unisavecbove.org

Edito
José Bové n'est pas Besancenot ou Laguiller. Lui se présente dans la perspective d'entrer au gouvernement. S'il écarte l'idée d'une alliance avec le PS, ce n'est que provisoire. Il espère percer dans les sondages et forcer Ségolène à se rapprocher de ses idées. "Encore un effort", lance-t-il au PS, sous-entendant que cela ouvrirait les voies d'une alliance et, en cas de victoire, d'une participation au gouvernement. Bové se voit sans doute déjà représenter la France à l'OMC et ferrailler avec Bush, aux côtés du président Bolivien, son ami Evo Morales. Royal-Bové ? L'alliage ne manquerait pas de panache. Mais convaincra-t-il les Français, et en particulier les "centristes", indispensables à Ségolène ?
RRF

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