Cédric Villani (ciné)
Cédric Villani dans “Comment j’ai détesté les maths” © Haut et Court

Comment j’ai détesté les maths : l’algorithme dans la peau

Affiche

Les mathématiques, non contentes d’avoir signé les pires heures de notre scolarité, viendraient maintenant nous poursuivre jusque dans les salles de cinéma ? Retournement de situation, avec Comment j’ai détesté les maths, on se prendrait presque de passion pour elles.

Des heures attablé à suer devant une équation à trois inconnues, des blocages mémorables la craie à la main devant le tableau noir, des cierges brûlés pour ne pas tomber sur la matière diabolique au bac dans la section littéraire (ça sent le vécu)… Les mathématiques charrient leur lot d’images négatives, de traumatisés et par conséquent d’ennemis.

“C’est la destinée d’être nul en maths !”

Avec Comment j’ai détesté les maths, Olivier Peyon veut nous réconcilier avec cette science que l’on aime souvent détester et qui pourtant nous entoure en permanence via les nouvelles technologies. Dès l’ouverture, le film enchaîne avec humour les complaintes de jeunes paumés en maths trouvées sur la Toile ou issues de séquences documentaires. Ne pas être bon en maths a quelque chose d’angoissant et d’excluant, est un critère d’inégalité. La preuve, les sections scientifiques sont considérées depuis longtemps comme les filières d’excellence, donnant accès à tout, y compris hypokhâgne.

Pourtant, on nous l’affirme ici et on y croit dans ce beau et fin documentaire, les mathématiques n’ont rien à voir avec la fameuse bosse, que l’on aurait ou pas. Il faut des conditions et méthodes adéquates à leur compréhension. Ce sont ses principaux acteurs qui l’affirment, de l’illuminé à la broche araignée et médaille Fields 2010 (le Nobel des maths) Cédric Villani, en passant par François Sauvageot, le Chabal des mathématiques, professeur en classes préparatoires aux grandes écoles et adepte de la couture à ses heures perdues, qu’on aurait aimé avoir en cours. À travers eux, véritables personnages de cinéma à l’aura incontestable, on entrevoit la sensibilité et la créativité dont il faut user dans le domaine et la jubilation que procurent les mathématiques, sans pourtant rien y comprendre.

Cédric Villani dans “Comment j’ai détesté les maths” © Haut et Court

Cédric Villani dans “Comment j’ai détesté les maths” © Haut et Court

Si l’on est si nombreux à piger que dalle, ce serait la faute au système scolaire, et à la transition des mathématiques modernes dans les années 1960. La réforme, mise en place dans l’optique de former davantage d’ingénieurs en France, aurait complexifié l’apprentissage, et n’aurait pas permis de lever le fameux niveau d’abstraction rédhibitoire des maths. La solution avancée mais pas appliquée : en faire une expérience plus visuelle, physique et empirique. Et l’on s’émeut alors avec le chercheur américain Robert Bryant, qui a toujours la chair de poule devant une sculpture représentant trois modèles mathématiques enchevêtrés qui prennent ici forme.

La faute aux maths

Au bout de quarante minutes de belles images et d’intervenants passionnants, on est acquis à la cause et on comprend pourquoi on a détesté la matière. Le milieu n’est pourtant pas hostile, ni autiste, les matheux ont de l’humour, de la finesse, de la folie. On envie alors les chercheurs dont les cerveaux tricotent devant des tableaux noirs, et pour un peu on aurait envie de reprendre des problèmes du Bled.

Et puis le documentaire bascule. Olivier Peyon traite des mathématiques appliquées, et pas à n’importe quel secteur, celui de la finance. De la joliesse des formules et des sorties bucoliques à Oberwolfach, la Mecque allemande des mathématiciens, le documentaire pointe la responsabilité scientifique dans l’activité économique mondiale et la crise financière partie des États-Unis, notamment les ravages causés par les fameux algorithmes qui régissent les échanges mondiaux. Créés par Jim Simons, mathématicien reconverti dans la finance, ils ont été conçus à l’origine pour limiter les risques. Mais on apprend que l’on n’en connaîtrait pas encore tous les effets néfastes, et encore moins les remèdes. Les mathématiques deviennent alors l’outil du cynisme financier et causeront manifestement notre perte. Comment j’ai détesté les maths, qui ne pouvait faire l’impasse sur cet aspect de l’usage des mathématiques, nous laisse sur cette fin, un peu trop amère sans doute, d’une science qu’on venait tout juste de réévaluer.

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Comment j’ai détesté les maths, d’Olivier Peyon, 2013, 1h44, couleur. Avec Cédric Villani, François Sauvageot, Jean-Pierre Bourguignon, Jim Simons, et Robert Bryant. Sorties en salles ce mercredi 27 novembre (à Lyon, au Comœdia, 13 av. Berthelot, Lyon 7e).

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