Particules fines : le chauffage au bois pire que le diesel ?

Contrairement aux idées reçues, le diesel n’est pas le seul responsable des pollutions aux particules fines dont les alertes se multiplient, particulièrement en Rhône-Alpes. Dans la région, c’est le chauffage au bois qui est considéré comme le principal polluant. Explications.

“La pollution aux particules fines coûte huit mois de vie à chaque français”, assène Gilles Aimoz, ingénieur au service qualité de l’air de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Elle pourrait aussi coûter 100 millions d’euros par an à la France attaquée par la Commission européenne devant la Cour de justice européenne pour non respect des seuils de pollutions. Une double peine qui a décidé certaines régions de France à prendre le problème à bras-le-corps.

45 % des polluants proviennent du chauffage au bois

Depuis une dizaine d’années, les alertes de pollution aux particules fines se multiplient. Début avril, pour la troisième fois en un mois et demi, plusieurs régions comme Rhône-Alpes, la Bourgogne, la Lorraine, l’ïle-de-France sont placées par les différents Observatoires régionaux de la qualité de l’air en alerte rouge. Il y a d’abord, selon Gilles Aimoz, une raison logique à cette multiplication : “En 2008, une directive européenne a abaissé la valeur limite journalière de 125 microgrammes par m3 à 80".

Il y a ensuite une raison météorologique : “les conditions hivernales qui perdurent actuellement favorisent la présence de particules fines. Nous avons des situations anticycloniques qui entraînent des températures au sol plus basses et empêchent la dispersion des particules”. La troisième raison, celle des émissions, est en revanche plus surprenante. Le chauffage au bois est dans certaines régions, comme en Rhône-Alpes, le principal coupable. L’utilisation du bois, énergie verte et propre par excellence, est donc pire que celle du diesel pour la pollution aux particules fines. Un rapport de l’observatoire régional de la qualité de l’air, Air Rhône-Alpes, publié au début du mois de mars, révèle ces chiffres : 45 % des polluants proviennent du chauffage au bois contre 24 % des transports (lire ici). Le double !

Bronchites chroniques, maladies cardiorespiratoires, cancers

Explications : le bois est composé de 50 % de carbone, 42 % d’oxygène, 6% d’hydrogène et 1% de matière minérale. Lorsqu’il brûle, il libère un certain nombre de polluants comme du monoxyde de carbone, de la suie, du goudron mais aussi des poussières, appelées “particules fines” dont la taille (calculée en micromètres) varie (PM10, PM2,5 et PM1). “Les plus fines sont les plus dangereuses car elles pénètrent jusqu’aux poumons et dans le sang”, explique Serge Collet, chercheur à l’Institut National de l’Environnement industriel et des risques (INERIS). Provoquant bronchites chroniques et irritations et augmentant les risques de maladies cardiorespiratoires et de cancers”. Une question de santé publique qui a décidé les préfets de Haute-Savoir et Rhône-Alpes à saisir l’Ademe pour lancer un projet pilote dans la Vallée de l’Arve. Appelé Primequal, cette opération est menée dans le cadre du Plan de protection de l’atmosphère, premier PPA a avoir été approuvé, en France, en février 2012. Son objectif : réduire les émissions de particules fines du chauffage au bois individuel.

Parc d’appareils trop anciens

“Dans cette vallée de montagne située en Haute-Savoie, explique Gilles Aimoz, 50% des émissions aux particules fines proviennent du chauffage au bois des particuliers. Le parc d’appareils existants est trop anciens". L’ingénieur détaille : "Sur 20 000 appareils recensés, nous avons compté 11 000 appareils qui datent d’avant 2002. La durée de vie d’un chauffage au bois est de 15-20 ans. Au-delà, le tirage est mauvais. Or, nous savons que les appareils sortis sur le marché après 2002 permettent de réduire de 90 % les émissions de particules fines”. Si la qualité du chauffage est primordiale, celle du bois l’est tout autant. “Il faut absolument utiliser un bois sec, insiste le responsable de l’Ademe. Car un bois humide augmente de deux à quatre fois les émissions”.

Dès l’été 2013, Primequal lance ainsi une opération de rénovation massive des chauffages au bois avec le versement d’une subvention aux particuliers. “C’est la première fois en France que l’on parvient à mobiliser un fond d’aide (1) pour la qualité de l’air”, se réjouit l’ingénieur de l’Ademe. Elle veut aussi accompagner l’interdiction du brûlage à l’air libre des déchets verts. Autre source importante de pollution aux particules fines méconnue du grand public. La bataille contre les chauffages au bois pourrait se propager dans d’autres zones. Car dans le cadre du contentieux européen qui oppose la France à la Commission européenne, dix Plan de protection de l’atmosphère doivent être révisés d’ici la fin de l’année 2013. Ils concernent Lyon, Grenoble, Saint-Étienne, l’Île-de-France, les Bouches-du-Rhône, Montbéliard-Belfort, les Alpes-Maritimes, Avignon, le Var et la région Nord-Pas-de-Calais.

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(1) : le fond d’aide sera financé par l”Ademe, la Région, le Conseil général 74, le Syndicat mixte d’aménagement de l’Arve et de ses abords et les Communautés de communes.

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