Isabelle Rivé, directrice du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD).
Isabelle Rivé, directrice du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD).

26 mai 1944 : "en 20 minutes, on compte environ 1 000 morts", rappelle Isabelle Rivé

Isabelle Rivé, directrice du Centre d'histoire de la résistance et de la déportation de Lyon, est l’invitée de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

À l’approche du 81e anniversaire du bombardement du 26 mai 1944 sur Lyon, 6 minutes chrono reçoit Isabelle Rivé, directrice du Centre d’histoire de la résistance et de la déportation (CHRD) pour mieux comprendre l’ampleur de ce drame, encore présent dans la mémoire urbaine lyonnaise.

Ce vendredi-là, à la veille de la Pentecôte, plus de 400 avions américains larguent environ 1500 bombes sur la ville. L’objectif : les infrastructures ferroviaires. Mais le bilan humain et matériel est dramatique.

"En 20 minutes, on compte environ 1000 morts", rappelle Isabelle Rivé. "Le bombardement rate en grande partie sa cible et touche notamment toute l’avenue Berthelot." Le quartier Jean-Macé est durablement marqué, tout comme celui de Vaise . Les immeubles seront reconstruits pour la plupart en 1947 ou 1948.

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Une mémoire encore visible

Le CHRD propose des parcours urbains pour lire les traces du passé dans le paysage lyonnais. "En regardant bien, on voit encore des éclats de bombes sous certains ponts, ou des bâtiments qui n’ont jamais été reconstruits à l’identique." L’ancien siège de la Gestapo, devenu le CHRD, en est un exemple frappant.

"Ce sont aussi des familles plongées dans la précarité, bien au-delà de la fin de la guerre", souligne la directrice. Pour ne pas oublier, le musée organise un parcours commémoratif le 25 mai prochain.

Plus de détails dans la vidéo.

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Bonjour à tous, bienvenue dans l'émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, nous allons parler du bombardement du 26 mai 1944, à l'occasion du 81e anniversaire de ce bombardement sur Lyon. Pour cela, nous recevons Isabelle Rivé, directrice du CHRD de Lyon, le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation. Bonjour Isabelle Rivé. Alors, on va rentrer un peu dans le vif du sujet et essayer de contextualiser cette période. Comment était la vie à Lyon en mai 1944 ?

À Lyon, comme dans toutes les grandes villes de France, mais plus largement d'Europe, la vie à la fin du printemps 1944 est très compliquée. Il y a des pénuries dans tous les domaines, et la plus marquante est celle de l'alimentation. Il faut imaginer des populations qui passent des heures à chercher un peu de nourriture, sur les marchés ou auprès des commerçants. Il y a aussi une grande angoisse, car l’armée allemande est particulièrement tendue, ce qui se traduit par des massacres au printemps et à l'été 1944. Des personnes incarcérées à la prison de Montluc sont extraites pour être fusillées un peu partout dans l’agglomération. Cela entretient un réel climat de terreur. Et pourtant, il y a l'espoir d'une libération prochaine, notamment avec l'attente d'un débarquement allié. Il y a déjà eu des débarquements en Afrique du Nord en 1942, mais on attend désormais quelque chose du côté du nord de la France. On sait que ce sera en Normandie.

Il y a le début d'une rumeur ?

Oui, c’est une rumeur qui court depuis longtemps et qui est entretenue par les Alliés, notamment autour d’un possible débarquement dans le Pas-de-Calais, ce qui semble le plus logique. Mais on sait que cela va se passer plutôt sur les côtes de la Manche. Il y a un véritable espoir, et les gens essaient de s’informer par la presse clandestine, ou le peu d’informations qui filtrent dans la presse officielle. Ils écoutent aussi, comme Lucas Alion, la radio suisse, qui donne de vraies informations sur l’avancée de l’Armée rouge d’un côté, et des Alliés notamment en Italie.

Très bien. Alors, comment se passe le bombardement en lui-même ? Je crois que c'est le matin, c'est cela ?

Oui, cela se passe le 26 mai 1944, un vendredi, à la veille du week-end de Pentecôte. À l'époque, ce n’est pas l’idée de partir en week-end, mais c’est une fête religieuse très célébrée. Beaucoup de ménagères sont sorties tôt le matin pour essayer de trouver de quoi préparer un repas correct pour le dimanche. Il est environ 10h30 ou 11h quand les sirènes retentissent, annonçant un bombardement. Lyon avait jusque-là été relativement épargnée par les bombardements, donc les habitants savent quoi faire et où trouver des abris. Mais ils ne mesurent pas l’ampleur de cette opération, qui est très impressionnante : plus de 400 avions américains apparaissent très vite.

Oui, ça noircit le ciel presque.

Oui, ça noircit le ciel. Il est difficile de ne pas s’en rendre compte.

Ça dure combien de temps à peu près ?

Le bombardement dure une vingtaine de minutes et vise principalement des installations ferroviaires, du côté de la gare de Perrache ou de la gare de la Mouche. C’est un bombardement en plein jour, à plus haute altitude que ceux de nuit. Il va largement rater sa cible et frapper toute l’avenue Berthelot. La voie ferrée visée est en effet très proche de cette avenue.

Est-ce que c'est vécu par les Lyonnais ? Parce que je ne sais plus si je l'ai dit au début, mais il y a environ 1000 victimes ?

Oui, à peu près 1000 victimes en 20 minutes.

J'ai noté 1500 bombes de 500 kilos.

On en retrouve encore aujourd’hui à l’occasion de travaux ou lors du dragage du Rhône. Il me semble qu’une bombe a été retrouvée dans le 9e arrondissement il y a quelques années. Ce sont des bombes énormes qui causent des dégâts considérables. Cela crée un traumatisme immense. Évidemment, 1000 morts en si peu de temps, c’est énorme. Il faut aussi imaginer les dégâts matériels : beaucoup d’immeubles, notamment avenue Berthelot, sont très touchés, ainsi que le quartier de Vaise. Ce sont des bâtiments qui seront reconstruits généralement en 1947 ou 1948. Cela laisse des familles dans une grande précarité pendant des années, à la fois pendant la fin de la guerre et durant la période de sortie de guerre.

Très bien. Et comment est-ce que cela est resté dans les mémoires ? Peut-on encore voir des traces du bombardement dans la ville ?

Oui, si on observe bien. C’est tout le sens des parcours urbains que nous proposons dans le quartier Jean-Macé. En regardant attentivement l’environnement urbain, on remarque que beaucoup d’immeubles datent de la reconstruction. C’est ce qu’on apprend à décrypter avec nos médiateurs. On a aussi travaillé avec le service archéologique de la ville pour la lecture des paysages. On voit encore des traces, notamment sur le remblai du chemin de fer au niveau de Jean-Macé. Sous le pont, on distingue quelques éclats de bombes. Le paysage a été modifié. Par exemple, l’École de santé militaire, qui était le siège de la Gestapo, a été très durement touchée. C’est aujourd’hui le CHRD. Le bâtiment de façade n’a jamais été reconstruit à l’identique. C’est pour cela qu’il y a une grille.

Alors c’est déjà la fin des 6 minutes chrono. Merci de nous avoir donné ces détails. On pourra retrouver ces parcours urbains à partir du 20 mai pour commémorer ?

Oui, un parcours urbain est prévu le 25 mai, dimanche prochain, à 15h. Il faut aller sur le site du musée pour s’inscrire.

Très bien. C’est noté. On l’annoncera sur nos pages. Merci d’être venue sur notre plateau. Quant à vous, merci d’avoir suivi cette émission. À très bientôt.

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