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Le vrai prix de l’hôtel de région

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ENQUÊTE - L’addition est plus salée que prévue. À la Confluence, le nouveau siège du conseil régional de Rhône-Alpes coûtera près de 44 millions d’euros aux contribuables, alors que les élus avaient promis une opération “blanche”. Sans compter les nouvelles factures qui s’amoncellent : déménagement, coût de gardiennage à Charbonnières, location de nouveaux locaux, provisions en cas de litiges.

Enquête à retrouver dans le mensuel de janvier de Lyon Capitale.

Jean-Jack Queyranne l’avait promis, le nouvel hôtel de région ne devait engager aucune charge supplémentaire. En 2004, lors des premiers débats sur la construction du vaisseau amiral de la région Rhône-Alpes dans le quartier de la Confluence, le président (PS) du conseil régional (en photo ci-contre) avait assuré que “tout [serait] calculé pour présenter au public une opération blanche”. L’exécutif évoque alors une facture globale de 70 à 75 millions d’euros. “Le montant des investissements prévus devant être couvert par la vente des locaux de Charbonnières, la prise en compte des loyers économisés et un lissage des coûts sur quinze ans”, précise Jean-Jack Queyranne.

Mais ce scénario a été écorné. Au fil des avenants sur les marchés de travaux, le coût de la construction a atteint, en 2011, 147 millions d’euros. “Cette augmentation s’explique pour moitié par l’actualisation des prix, l’autre moitié étant liée aux évolutions techniques possibles sur six ans, ainsi qu’aux nouvelles normes réglementaires”, justifie Thierry Braillard, conseiller spécial sur le projet Confluence. Mais, pour le contribuable rhônalpin, le gigantesque immeuble de verre imaginé par l’architecte Christian de Portzamparc a désormais un coût. “Entre 20 et 30 millions d’euros”, estime un proche de Jean-Jack Queyranne. Un chiffrage encore largement sous-estimé et qui devrait atteindre plus de 44 millions d’euros.

Une erreur de soustraction ?

Le Forum Emploi social et solidaire se déroulera à l'Hôtel de Région à la Confluence

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Afin de calculer le coût net de l’opération, la région fait un calcul simple. Elle déduit du coût total de construction le montant potentiel de la vente de Charbonnières, ainsi que la prise en compte des loyers économisés (avant le déménagement, des locaux étaient loués à Écully et à Charbonnières) : 79 millions d’euros sur vingt ans. Mais les calculs effectués par la région sont erronés.

D’après nos informations, France Domaine aurait évalué le site de Charbonnières à 24 millions d’euros. Quand on soustrait 79 millions (loyers lissés sur vingt ans) puis 24 millions (vente de Charbonnières) à 147 millions (coût de construction), il reste 44 millions d’euros (coût net). Sans compter les intérêts des emprunts contractés pour mener à bien l’investissement. Interrogés sur ces problèmes de soustraction, les responsables de la région Rhône-Alpes n’ont pu expliquer leur erreur. Le prix de vente du terrain de Charbonnières a-t-il été artificiellement gonflé ? Il faut dire que c’est un enjeu fort pour les comptes de l’hôtel de région. Depuis cinq ans, aucun repreneur n’a été trouvé.

Jean-Jack Queyranne espère en tirer au moins 30 millions d’euros. “Un chiffre sans fondement”, assure Maurice Fleury, le maire de Charbonnières-les-Bains. “Il ne semble pas que les 30 millions attendus par M. Queyranne afin d’équilibrer le budget de son hôtel de la Confluence soient en accord avec les prix du marché”, analyse Michel Rossi, président de l’association charbonnoise Horus, qui a rencontré l’exécutif régional à plusieurs reprises concernant le devenir du site de Charbonnières. Au vu de la conjoncture immobilière, les acteurs du secteur sont pessimistes. “Sur l’Ouest lyonnais, lors des neuf premiers mois de l’année, l’immobilier neuf a décroché de 30 % par rapport à 2010, indique ainsi Damien Quermonne, du cabinet de conseil Adéquation. L’année prochaine, les ventes risquent de perdre encore 20 %. Du coup, l’hypothèse vraisemblable des promoteurs sera de réduire leur activité.”

Depuis un an, les offres ne se bousculent pas. Fin 2010, un promoteur avait proposé de racheter le terrain afin de construire une pépinière d’entreprises et un incubateur en biotechnologies. L’offre a été refusée : la proposition d’achat était trop faible. Quant à la mairie de Charbonnières, sa proposition, qui date déjà de 2009, n’a jamais vraiment été étudiée. Du coup, la Région, le Grand Lyon ainsi que la ville de Charbonnières travaillent ensemble surun projet de quartier mêlant logements neufs, bureaux et commerces, sur les 5,5 hectares constructibles du terrain. Un appel d’offres devrait d’ailleurs être lancé début 2012 afin de sélectionner les futurs aménageurs.

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Une facture qui s’alourdit

Mais le “palace” de la région Rhône-Alpes, comme le qualifient nos confrères du Point, n’est pas entièrement payé. Des factures viennent encore alourdir la note. Ces dépenses sont pointées du doigt par l’opposition. Lors de l’assemblée du 29 septembre dernier, les élus de droite (groupe Union de la Droite et du Centre et apparentés), s’offusquent des charges supplémentaires : 6,3 millions d’euros ont été votés au titre des provisions en cas de litiges avec les entreprises. “Depuis l’emménagement, nous avons des problèmes avec ce bâtiment : fuites venant du toit, stores qui se décrochent, problèmes de régulation des pompes thermiques”, assure Sébastien Girerd, secrétaire général du groupe UDC. Et ce n’est pas la seule charge supplémentaire…

460 000 euros de loyers par an

Avec ses 46 000 mètres carrés de surface, le nouvel hôtel de région devait regrouper tous les services. C’était l’un des chevaux de bataille de Jean-Jack Queyranne lors du déménagement puisque, jusqu’alors, les salariés étaient éclatés sur huit sites différents entre Charbonnières et Écully. Pour Thierry Kovacs, un élu de droite, ce principal argument ne tient plus. “Force est de constater que l’on est obligé de louer des locaux et on nous propose d’en acheter d’autres, comme celui de Pierre-Bénite pour les archives. Je m’étonne que ces locaux n’aient pas été prévus lors de la construction du bâtiment”, a-t-il déclaré lors de l’assemblée du conseil. Des organismes rattachés comme le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), les œuvres sociales et culturelles des agents de la région Rhône-Alpes, ou encore Entreprise Rhône-Alpes International (Erai) sont installés à deux pas du siège, rue Montrochet. Cette location grève de 460 000 euros, chaque année, le budget de la région, pour des locaux de 2 000 mètres carrés.

Côté surplus, il était également prévu d’investir 1,5 million d’euros afin d’acheter un bâtiment à Pierre-Bénite pour les archives. “Au vu de la polémique suscitée par cette dépense, nous avons préféré annuler cet investissement”, précise un responsable de l’institution qui s’est heurté à une vague de contestations venant de l’opposition.

Quant aux coûts indirects, ils n’ont pas encore tous été calculés. Par exemple, le déménagement, qui a coûté 1,6 million d’euros, n’a pas été comptabilisé. Ni les frais engendrés par le site de Charbonnières-les-Bains, vidé de ses occupants, qui est surveillé et mis hors gel depuis six mois. Pour un montant mensuel de 25 000 à 30 000 euros. D’ici à fin 2012, date du potentiel changement de propriétaire, 500 000 euros auront été dépensés. Afin de faire toute la lumière sur cette affaire, une mission d’évaluation des dépenses va être saisie fin décembre par l’opposition. Les Rhônalpins pourront alors juger, avec plus de transparence, des dépenses engagées pour l’hôtel de région voulu par Jean-Jack Queyranne.

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