Quelle autorité pour nos enfants ?

À l’école, à la maison, le débat sur l’autorité fait rage. Entre laxisme et autoritarisme, les parents n’arrivent plus à se situer. Et leurs enfants aussi… Voici quelques clés pour ne pas se laisser déborder ou, au contraire, réprimer trop fermement les désirs de l’enfant.

On a tiré à boulets rouges sur les anciennes générations : l’enfant n’avait pas le droit à la parole, menaces et fessées permettaient d’asseoir l’autorité familiale. Les années Dolto ont balayé tout ça, reconnaissant enfin l’enfant en tant que personne à part entière, avec ses droits.

Apparemment, beaucoup auraient oublié qu’il a aussi des devoirs… On aurait donc fabriqué toute une génération de tyrans en herbe, ayant pris les pleins pouvoirs au sein de la famille, complètement démissionnaire… La faute à qui ? Certains accusent Dolto, mais c’est surtout son discours qui a été mal interprété, parce que vulgarisé à l’extrême. Conséquence : on assiste de toutes parts à des appels à la sévérité, à un retour à l’ordre sans état d’âme… Dans son livre éduquer les enfants, l’urgence aujourd’hui (1), le pédiatre Aldo Naouri, alerte les parents sur la réalité à laquelle l’enfant doit se confronter au plus tôt, à savoir “qu’il n’est pas seul au monde, encore moins le centre du monde, qu’il n’a aucun droit à le prétendre, et que rien, strictement rien ne lui est dû.”…

Au sein de ce débat largement médiatique et contradictoire, les parents ont perdu confiance en eux et n’osent plus suivre leur instinct de peur de mal faire. Comment être à l’écoute de ses enfants tout en leur inculquant le respect ? Bref, comment être une famille épanouie, avec des enfants bien dans leur peau ?
Pas facile de faire preuve d’autorité

Arnaud, 38 ans, deux enfants (3 et 6 ans), ne se sent pas à l’aise avec l’autorité. “J’ai du mal à trouver le ton juste. J’en fais trop ou pas assez. Du coup, j’ai tendance à déléguer l’autorité à ma femme, même si je sais que je devrais être plus présent. Et puis le soir, je ne vois mes enfants qu’un quart d’heure, alors je n’ai pas envie de gâcher ce moment.” Eh oui, difficile de rentrer le soir pour une bataille rangée concernant les repas, le bain, les devoirs, le coucher… Par facilité immédiate, on cède le plus souvent.

Chacun peut aussi être victime de sa propre histoire, et prendre soit le contre-pied d’une éducation mal digérée, soit reproduire inconsciemment un certain schéma dont il a souffert. Sylvie, 41 ans, trois enfants (2, 5 et 9 ans) ne veut en aucun cas s’inscrire dans la continuité de l’éducation qu’elle a reçue. “J’ai reçu beaucoup de fessées quand j’étais petite. Sincèrement, je ne m’imagine pas lever la main sur mes enfants. Je suis même un peu trop coulante avec eux, je sais que je manque de fermeté”.

Par peur du conflit, certains parents sont dans la négociation permanente avec leurs enfants, voire dans l’impossibilité totale de leur dire non. Mais que cache exactement cette peur du conflit ? La crainte que notre enfant ne nous aime plus, la peur de lui faire de la peine… Pour Claude Halmos, auteur de L’autorité expliquée aux parents (2), ce constat n’a rien d’étonnant : “À force de prôner l’amour comme seul lien à l’enfant, à force d’élever les sentiments au rang de seul idéal parental, on en est souvent arrivé, dans un glissement problématique, à l’idée d’un enfant sacralisé, fétichisé. Un enfant qu’il faudrait, si on l’aime, préserver en permanence de toute contrainte et de tout désagrément3. Elle ajoute encore : “les parents ont peur que l’enfant les ressente comme non aimants. (…) Et ils ont peur également que l’enfant ne les aime plus.”. Pour faire plaisir à son enfant, on pense bien faire en le laissant tout faire…

Et si faire preuve d’autorité brimait la personnalité des enfants, les rendait trop dociles dans une société “sans pitié” ? Une société qui par ailleurs, prône le tout, tout de suite, et donc n’aide pas les parents à donner des limites à leurs enfants. Que de tentations, de stimulations affichées à nos enfants… Et donc, que de choses à évaluer et interdire…

Pourquoi faut-il faire preuve d’autorité ?

L’autorité n’était en aucun cas absente de l’enseignement de Françoise Dolto. “le message de Françoise Dolto est double et c’est cela que l’on oublie. Elle dit : l’enfant est un être à part entière mais – elle ajoute un “mais” - il est un être en construction qui a besoin, pour se construire, de l’autorité des adultes, des limites qu’ils lui mettent, etc.” rappelle Claude Halmos. Tous ceux qui ont accusé Dolto d’avoir engendré toute une génération d’enfants rois n’ont retenu, semble-t-il, que la première partie du message.

L’absence de limite est source d’angoisse chez l’enfant. Bien sûr, chaque enfant teste en permanence le cadre qui lui est imposé, afin de vérifier sa solidité. “Evidemment, si l’on cède, (l’enfant) ne comprend plus rien. Parce qu’on lui dit que la barrière est infranchissable tout en la lui laissant franchir… Il n’a plus de repère. C’est pour ça que contrairement à ce que pensent certains parents, l’absence d’autorité n’est pas rassurante pour un enfant, elle est perturbante” prévient Claude Halmos.

Un enfant à qui l’on cède en permanence aura le sentiment (justifié ?) d’être le fort. Sentiment de toute puissance qui le renvoie à la faiblesse de ses parents…lui qui les voudrait solides et rassurants ! Attention à ne pas jouer le rôle du parent copain. Un parent doit rester à sa place d’adulte, dont la mission est d’éduquer son enfant, être à part entière, certes, mais en construction.

L’apprentissage de la vie en famille prépare l’enfant à la vie en société. Et pour ne pas élever un enfant dans un monde illusoire dont il serait le centre du monde, l’autorité est nécessaire. Et même si elle impose des contraintes à l’enfant, elle ne l’emprisonne pas dans un carcan. “Bien au contraire, l’autorité de ses parents est ce qui lui permet de ne pas rester enfermé dans le pulsionnel, de ne pas en être prisonnier. (…) Et elle le conduit vers la civilisation, qui est autrement plus riche de bonheur à venir que la sauvagerie…”. Un enfant à qui on laisse tout faire sera inévitablement confronté à des problèmes à l’école, en société…

Ce serait une erreur que de vouloir éviter aux enfants toute frustration. Tout d’abord parce que la frustration est indispensable à la construction d’un enfant. Il doit passer par cette épreuve et apprendre à renoncer à la satisfaction immédiate de ses désirs (phénomène que l’on retrouve plus tard dans la toxicomanie ou le surendettement). C’est ce qui lui permettra de vivre en harmonie avec les autres. D’autre part, un enfant qui a tout, tout de suite, n’est pas, à terme, heureux. Comment peut-on l’être quand on n’a plus de désir, de projets pour rêver ?
La “juste” autorité

L’autorité, corollaire de toute éducation… Oui, mais de quelle autorité nos enfants ont-ils besoin ?
Une autorité “intelligente” doit rimer avec respect. Pour Suzon Blosse-Platière, formatrice petite enfance à Lyon, la clé du succès est là : “L’autorité va avec le respect. Et pour se faire respecter de son enfant, il faut le respecter.” Cela sous-entend aussi d’être le plus exemplaire possible…Benoît, 45 ans, père de deux ados, se rappelle : “mon père était adepte du “Faites ce que je dis, pas ce que je fais” ; du coup, il n’était pas tellement crédible quand il voulait se faire obéir…».

Les règles doivent être justes et non arbitraires, sous peine de tomber dans l’autoritarisme. On ne donne pas d’ordres à un enfant pour le soumettre mais pour le faire grandir. “Il ne faut pas donner trop d’interdits, il faut juste mettre des interdits qui peuvent être respectés, et s’y tenir. Si les enfants ne respectent pas les règles, il faut plutôt se demander si celles-ci sont justifiées, et si l’on ne leur en demande pas trop”, prévient Suzon Blosse-Platière. Elle recommande encore : “Quand on donne un impossible, on lui donne un possible : “Tu me donnes la main pour traverser, mais tu peux marcher tout seul sur le trottoir…””. Voilà de quoi imposer son autorité… en douceur.

Ces précisions apportées, les parents peuvent retrouver leur légitimité d’éducateurs et ne pas culpabiliser d’imposer des limites. Car les enfants guettent bien évidemment la moindre faille, la moindre hésitation pour s’attaquer au cadre fixé et ne pas respecter les consignes. Les parents ne sont pas convaincus du bien fondé des règles qu’ils imposent, ils manquent de fermeté ? Cela donne des enfants qui, sans relâche, contestent l’autorité. Les règles fondamentales, les interdits sociaux sont bien évidemment non négociables; mais on peut faire preuve d’un peu de souplesse sur les “petites choses”. Stéphanie, 40 ans, une fille de 7 ans, abonde dans ce sens : “Quand notre fille ne respecte pas une règle, on n’essaie pas de l’imposer de force, on en discute avec elle. Il suffit parfois d’un léger aménagement pour que ça marche. On a bien sûr un cadre ferme concernant le sommeil, la sécurité etc…mais on lui laisse beaucoup d’autonomie concernant sa tenue vestimentaire et son alimentation”. Négocier, pourquoi pas, mais à petite dose et avec précaution…

Et si l’on arrive à faire comprendre à l’enfant la raison d’être de l’interdiction, il s’appropriera, petit à petit, les règles de vie. Pour Claude Halmos, “Il s’agit de lui apprendre et de lui expliquer les règles, et de lui imposer de les respecter. Mais dans le but qu’il devienne capable, le plus vite possible, de les respecter de lui-même, sans que l’on soit “sur son dos”. Et de les respecter non par soumission comme un chien dressé. Mais parce qu’il en aura compris le sens et l’intérêt.”

Et que faire quand son enfant traverse sa fameuse phase d’opposition (À partir d’un an et demi et jusqu’à trois/quatre ans) connue pour ses colères spectaculaires ? On tient bon ! Connaître les étapes du développement de l’enfant permet de dédramatiser la situation, mais aussi de ne pas avoir d’exigences démesurées par rapport à ses “compétences”.

Soyons donc à l’écoute de nos enfants, reconnaissons leurs désirs… sans pour autant y céder.

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