Alpes : un fonds “intermodal” accusé de ne financer que l’autoroute

Une plainte contre X pour “détournement de fonds publics” et “prise illégale d’intérêts” a été déposée par la ville de Grenoble. Depuis sa création, le Fonds pour le développement d'une politique intermodale des transports dans le massif alpin n'aurait financé que l'exploitation du tunnel de Fréjus et une partie de l'autoroute A43.

Le financement du train est-il passé aux oubliettes dans les Alpes ? Les élus écologistes de la ville de Grenoble ont, semble-t-il, levé un lièvre en dénonçant des “liens opaques” entre la société d'exploitation du tunnel du Fréjus et celle de l'autoroute et du tunnel du Mont-Blanc via un fonds censé développer le transport intermodal. Une plainte pénale a été déposée au tribunal d'Albertville pour “détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêts”. Depuis 2015, la municipalité réclamait des éclairages sur les comptes déficitaires de la Société française du tunnel routier de Fréjus (SFTRF), dont elle est actionnaire, ainsi que ceux du Fonds pour le développement d'une politique intermodale des transports dans le massif alpin (FDPITMA). À force de questions, l'existence d'une convention entre les trois structures (signée en juin 2012) est découverte. Face au refus de communiquer son contenu, Pierre Mériaux, l'adjoint au Tourisme et à la Montagne du maire de Grenoble, fait un référé au tribunal de commerce de Chambéry, qui a permis aux élus de se procurer le document.

20 millions de subventions chaque année jusqu'en 2050

Créé en 2002, suite à l'impressionnant incendie de mars 1999 dans le tunnel du Mont-Blanc, le Fonds pour le développement d'une politique intermodale des transports dans le massif alpin aurait été inutilisé pendant dix ans avant d'être essentiellement affecté aux transports par la route. “Plusieurs articles du Code des transports disent que ce fonds doit financer des activités intermodales, au pluriel ! Ce fonds n'avait pas d'activité avant 2012 et, depuis, il perçoit les bénéfices de la pollution routière à Chamonix et au tunnel du Mont-Blanc pour financer l'exploitation du tunnel de Fréjus et d'une partie de l'A43”, expose Daniel Ibanez, qui avait déjà porté ce dossier devant la justice administrative. Ainsi, depuis 2012, les 120 millions d'euros de ce fonds ont servi avant tout à financer l'exploitation du tunnel de Fréjus et d'une partie de l'A43, au détriment du train. Des subventions dont le versement ne serait assorti d’“aucune condition”.

Le PDG de la société du Fréjus au CA du fonds

Autre volet de la plainte, celui de la prise illégale d'intérêts. “En 2012, le PDG de la société du Fréjus et de l'A43 était membre du conseil d'administration du FDPITMA, qui est un établissement public administratif. Les membres d'un conseil d'administration d'un établissement public administratif n'ont pas le droit de voir attribuer des subventions à des sociétés qu'ils dirigent. C'est interdit et c'est une règle de base de la comptabilité publique. Pourtant, c'est ce qui a été signé sous le sceau de l'Etat en 2012”, poursuit Daniel Ibanez. En marge d'une conférence de presse, le ministère des Transports indiquait pour sa défense que, “dans sa mission de financement des différents modes de transport, le FDPITMA s'est engagé à restaurer la situation financière de la SFTRF, via l'octroi de cette subvention annuelle, mais [que] son rôle ne se limite pas à recapitaliser la société : les ressources du fonds, tirées des infrastructures routières dont il est actionnaire, sont censées contribuer au financement de la construction du Lyon-Turin, conformément à son objet”. Un projet duquel s'est retirée la ville de Grenoble.

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