Leyla McCalla © Nueva Onda Production
Leyla McCalla © Nueva Onda Production

Concert : la fée McCalla partage ses trésors folk au Polaris

Rencontre inestimable ce samedi dans le cocon du Polaris : celle de Leyla McCalla, fée américano-haïtienne qui marie les musiques roots américaines aux trésors des cultures cajun et haïtienne, dans un bel esprit d’universalisme et avec une grâce certaine.

Un jour pour le chasseur, un jour pour la proie. En donnant ce titre à son deuxième album, Leyla McCalla emprunte à un proverbe traditionnel haïtien. Et perpétue le geste de syncrétisme à l’œuvre depuis ses débuts, celui de transformer les mots d’une poésie trilingue (anglais, français, créole haïtien) en chansons folk reliant la musique traditionnelle américano-haïtienne à la modernité, en une sorte d’hommage perpétuel à son pays d’origine qui serait en réalité bien plus que cela. De par sa dimension artistique, qui dresse un tableau des apports de la musique traditionnelle dans la musique d’aujourd’hui à travers de savoureuses adaptations et se fait aussi collectionneuse d’incunables folk (le magnifique Little Sparrow d’Ella Jenkins, autrefois repris par le prince néo-hippie Devendra Banhart), country, cajun et blues dans la lignée de l’entomologiste musical Alan Lomax – Leyla McCalla avait déjà livré avec son premier album, le bien nommé Vari-colored songs, une transposition musicale des poèmes de Langston Hugues. Mais aussi par sa dimension politique : la chanson-titre, A day for the hunter, a day for the prey, vibrante et tendue, traite de la réalité cruelle des réfugiés haïtiens aux États-Unis et du périple qui les y mène (une expérience vécue par sa famille), avec toute l’universalité qu’un tel sujet peut véhiculer à notre époque. Une autre, Vietnam, fait résonner le conflit vietnamien avec le destin des boys qui vont donner leur vie à l’autre bout du monde pour des causes qui leur échappent.

Racines profondes

Cette recette, cette confrontation des univers et des époques, des reprises et des compositions originales, des idiomes, donne aux chansons de Leyla McCalla quelque chose d’intemporel malgré le poids des ans, d’universel malgré une identité forte, quelque chose d’un peu flottant en dépit de racines profondes – à l’image de la végétation du bayou de Louisiane qu’a longtemps arpenté la jeune femme. Car c’est la force de la chanteuse – exceptionnelle de finesse et de subtilité, toujours dans la retenue – et multi-instrumentiste (violoncelle, guitare, banjo) que de s’approprier les chansons dans leur interprétation comme dans leurs arrangements, aux commandes d’une formation acoustique enrichie de participations de figures comme Marc Ribot ou Rhiannon Giddens, dont les drôles de manières de traiter ses instruments (banjo-tapping, percussions de cordes avec ou sans archet…) multiplient les possibilités d’abordage. En plongeant avec élégance et sensibilité dans la mémoire d’une Amérique profonde pour la mettre au service d’un avenir sans frontières, Leyla McCalla, qui dédie son album à “l’esprit humain toujours en quête de liberté, d’un port d’attache et d’un foyer” s’affirme comme une voix qui compte. À tous les sens du terme.

Leyla McCalla – Samedi 17 novembre à 20h30 au Polaris, dans le cadre du festival Les Guitares

[Article publié dans Lyon Capitale n°782 – Novembre 2018]

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