L’alchimiste

C’est la première fois que l’on pourra voir à Lyon, le travail de Virgilio Sieni, chorégraphe italien venu de Florence. Une belle surprise qui nous donne cette impression de n’avoir encore jamais rien vu de semblable sur nos scènes lyonnaises.

Artiste également formé à l’histoire de l’art, l’architecture, aux arts martiaux, Virgilio Sieni revendique son travail comme une expression visuelle, faite de matière humaine et sonore qui refuse les codes de la représentation du spectacle, cherchant dans l’expérimentation profonde et viscérale du corps, l’essence même du mouvement, de l’énergie et de la qualité du geste. Sa pièce, La nature des choses est inspirée du De rerum natura, poème du philosophe latin, Lucrèce. Et si son originalité frappe au cœur, c’est avant tout parce qu’elle est portée par un univers poétique totalement hypnotisant, nous donnant à ressentir très sensiblement l’essence de la création.

Elle se pose un peu comme une urgence à s’adresser à la nature des choses, à leur âme et à leur origine, utilisant la danse comme un moyen de s’interroger. Sa forme est celle d’un quintet composé de quatre hommes et une femme, Vénus, figure féminine métamorphique qui traverse trois âges, celui de l’enfant, du bébé et de la vieille dame, allant chercher de l’un à l’autre, les mémoires du corps et la manière dont il se construit. Car ici tout est construction, disparition, transformation avec des impulsions, des points de rencontres et de chocs entre les corps et l’espace. Et c’est dans tous ces cheminements que se crée une dialectique entre ravissement et horreur, entre naissance et mort, entre volupté et désagrégation… On retiendra alors, ce merveilleux solo du début où Vénus enfant, soutenu par la masse mouvante des quatre hommes, devient ce corps aquatique qui ne met jamais les pieds à terre, flottant entre le réel ou l’irréel. Le corps est irrigué d’un mouvement intérieur, qui lui-même crée une infinité de mouvements sans qu’ils aient à être volontairement conçus et écrits.

On retiendra vers la fin, le corps de cette vieille femme descendue à terre et qui porte une robe dont la couleur rouge est aussi le symbole de l’ardeur désirante : “La nature du monde tout entier, en effet, est par l’âge changée, c’est tout qui doit passer d’un état dans un autre, rien ne reste semblable à soi, tout se déplace, la nature contraint toute chose à changer, elle transforme tout. Tandis qu’un corps pourrit et languit de vieillesse, un autre est là, dessous, qui pousse et qui bientôt sort de l’obscurité”. C’est peut-être dans cet extrait du poème de Lucrèce que se trouve l’essence du travail du chorégraphe, rejoignant ainsi le principe fondateur de la conception de l’atomisme du philosophe “Rien ne naît de rien”. La vie est un mouvement perpétuel et la danse ne peut en rien trouver son sens dans un langage codifié. Virgilio Sieni nous offre un poème sonore et visuel d’une “infinie” beauté !

La natura delle cose de Virgilio Sieni, aux Subsistances, du 10 au 12 décembre. Tel : 04 72 78 18 00

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