À l’orée des circuits commerciaux

Depuis 1995, l’association les Inattendus s’échine pour donner un peu de visibilité à une production audiovisuelle qui en manque cruellement. Avec son festival, qui se tiendra fin janvier, plein feu sur un cinéma en marge des circuits traditionnels.

Si aujourd’hui, avec Internet, de nouveaux canaux de diffusions sont à la disposition des réalisateurs les plus téméraires, il est rare d’apprécier leurs œuvres dans le confort d’une salle de spectacle. Le Festival Les Inattendus change un peu la donne. Il rend visible, après défrichage, une abondante production cinématographique à l’Élysée, une ancienne salle de cinéma aujourd’hui transformée en théâtre. Et la manifestation ne s’interdit aucun genre, aucun format, aucune durée. Si bien que les spectateurs pourront apprécier des films documentaires, des fictions, de l’animation, de l’expérimental et toutes sortes de films hybrides, sur pellicule ou en numérique. À noter, lors de cette 7e édition, un cycle consacré au new-yorkais Stephen Dwoskin. Handicapé moteur, le réalisateur est devenu le maître d’œuvre avant-gardiste du corps et de l’intime. Une œuvre pharaonique et singulière très peu relayée entre Rhône et Saône. Jean-Pierre Sougy, réalisateur et directeur artistique du Festival Les Inattendus, nous initie aux plaisirs de ce cinéma “très indépendant”.

Lyon Capitale : Qu’entendez-vous par cinéma “très” indépendant ?

Jean-Pierre Sougy : C’est un cinéma qui est soutenu par très peu de personnes si ce n’est le public quand il le rencontre. Quand on dit par exemple “cinéma américain indépendant”, on parle de Clint Eastwood. On ne joue pas dans la même cour de recréation. Au départ, on a rajouté le “très ” comme une blague mais finalement, ça tient. Attention, “très indépendant”, ça ne veut pas dire abscond. Ce sont des films exigeants qui n’en demeurent pas moins accessibles à tous.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de promouvoir ce cinéma ?

En 1997, on était une bande de réalisateurs. Ça faisait 5 ou 6 ans qu’on tournait des films pour la télé ou autre. On a eu envie de montrer des œuvres qu’on ne voyait nulle par ailleurs. À l’époque, c’était vraiment le silence total autour de cette production qui s’imagine, s’organise, se met en place en dehors des circuits commerciaux habituels. En France, le cinéma est géré par un organisme fort qui s’appelle le CNC (Centre National du Cinéma). Il donne son aval à la production et à la diffusion des films. Mais à côté de ça, et de plus en plus aujourd’hui avec des moyens de production de moins en moins onéreux, des films sortent sans être pris en compte par cette structure.

Quelles sont les répercutions pour ces œuvres ?

Pour le CNC, ces films n’existent pas. On est dans une zone non répertoriée. Ce qui pose un problème financier. Les aides du CNC ne fonctionnent que si vous avez, au préalable, un accord de diffusion ou de pré-achat avec une chaîne. Et il est de plus en plus difficile de trouver ce type de diffuseur. Sans ces accords et sans les aides du CNC, on entre alors dans une économie très artisanale avec, souvent des films autoproduits.

En grands défenseurs du cinéma autrement, vous avez également été les premiers à alerter le public sur la situation des CNP…

Il se trouve qu’on était au bon endroit, au bon moment. Marc Artigau (le programmateur historique des CNP depuis limogé) est un ami de l’association. Les CNP, on y va depuis qu’on a l’âge d’aller au cinéma. Nous ne voulions pas que ce lieu, qui depuis son origine permet la visibilité d’un certain type de cinéma à Lyon, disparaisse sans que rien ne soit dit. On a donc très vite imaginé ce qui pourrait venir à sa place sans vouloir pour autant occuper cette place. Ce n’est vraiment pas à l’ordre du jour. On n’a pas un banquier sous le coude pour reprendre ces salles. Mais on a été entendu d’une certaine façon. Ça a été un remue-méninges assez salutaire. Le CNP Odéon, fermé l’été dernier, va peut-être renaître de ses cendres grâce à l’équipe du Comoedia.

Vous seriez tenté à l’idée d’investir durablement un lieu ?

Tous les ans, avec nos moyens, on arrive, en dehors du festival, à faire 5 ou 6 programmations comme la Nuit du Doc’ ou les Toiles d’été. Mais les Inattendus ne font pas que ça. On organise aussi beaucoup d’ateliers de cinéma, en prison, en milieu scolaire et dans le quartier de la Guillotière. Ça nous tenterait d’en faire plus car nous sommes à l’intersection de plein de personnes, de plein d’idées, de désirs. Il faudrait qu’on ait évidemment plus de moyens. Aujourd’hui, c’est vraiment très ric-rac. Et c’est ça le problème de notre association, il y a d’énormes envies, mais pas de moyens à leur mesure.

7e édition du Festival Les Inattendus. Du 25 au 31 janvier au Théâtre de l’Élysée. www.festival-inattendus.com

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