UN LYONNAIS POUR RANIMER LE COEUR DE PARIS

Assis à une table du café des Arcades, face à l'Opéra, le quinquagénaire Patrick Anziutti ne cache pas son bonheur. Derrières ses lunettes en acier brossé, l'architecte lyonnais vient de remporter la restructuration du très médiatique projet du carreau des Halles, en plein cœur de la capitale.
Le défi qu'il devait relever avec son célèbre associé Patrick Berger, grand Prix de l'architecture en 2004, était difficile : il s'agissait d'imaginer la couverture du forum des Halles, par une structure que le maire de Paris Bertrand Delanoë voulait tout à la fois audacieuse et chargée d'onirisme.
Car ce quadrilatère de 140 m par 120 n'est pas anodin. "Historiquement très chargé, c'est aussi devenu l'entrée de la métropole. En dessous, il y a des forces vives extraordinaires. 800 000 personnes circulent là tous les jours notamment avec le RER et la RATP". Au-dessus de ces flux et trafics urbains impressionnants, l'équipe Berger-Anziutti a choisi d'aller puiser des logiques organiques pour aller à l'essentiel, créer "un endroit magique comme il y en a tant à Paris".
Les architectes ont gagné en proposant ce qu'ils appellent une "une canopée architecturale". "Dans l'art du jardin la canopée désigne tout à la fois le volume supérieur des arbres et le cadre naturel qu'elle constitue". Résultent des formes fluides comme flottant au-dessus du sol.
La couverture n'a rien d'un toit. Il s'agit plutôt, comme au sommet d'une forêt, d'une "épaisseur" dans laquelle les éléments comme la pluie, le soleil et les hommes joueront une partition complexe, enrichie par les mouvements laissés libres des uns et des autres. La pluie créera par exemple des jeux de ruissellements "irriguant la matrice de la toiture", avant d'être recueillie. Le soleil sera filtré pour "livrer les reflets estompés du ciel". Les circulations humaines, elles, prendront entre ciel et terre, des chemins bien loins de l'orthogonal.
"Le projet émerge du sol comme une sorte de forme vivante, le parc va entrer sous le cratère et la nuit, ce sera un lieu de lumière".
Pour mieux battre, le cœur de Paris s'offre donc avec un architecte lyonnais, un projet métissé, mi-vernaculaire, mi-high-tech. Le chantier lui-même se veut vivant, ni cicatrice, ni arrêt d'activité. "Il sera comme une feuille qui garde sa forme en grandissant" promet Anziutti. Le quartier des halles qui a tant été massacré depuis la destruction des halles de Baltard mérite cette aventure qui a du coffre. On attend donc de voir... en retenant son souffle.

Anziuti et Berger
Quand Lyon étouffe ses talents
Après 25 ans passés à Lyon, c'est à Paris que l'architecte Jacques Anziutti rencontre son destin. La capitale vient de lui offrir une reconnaissance éclatante en lui confiant, coup sur coup, ainsi qu'à son associé Patrick Berger, une église près du Grand Stade de France, puis le fameux projet des Halles.
Pourquoi Jacques Anziutti, dont Lyon Capitale a d'ailleurs à plusieurs reprises souligné les talents ces dernières années, n'a-t-il jamais en 25 ans travaillé à Lyon où était basé son agence ? Pourquoi n'a-t-il jamais été invité à participer à un concours d'importance ? Poser cette question, c'est hélas soulever la question récurrente d'une des grande faiblesse de Lyon, la persistance de ses réseaux à Lyon, de ses cooptations et de ses copinages qui étouffent et empêchent si souvent les talents d'émerger dans cette ville.
Berger, ancien prof à Saint-Etienne
Le travail de Patrick Berger lui a valu de nombreux prix dont le Grand Prix national de l'Architecture en 2004. Il est connu dans le monde de l'architecture pour sa rigueur, sa discrétion, sa simplicité et aussi pour son exigence. Longtemps professeur à Saint-Etienne (1977-1990), il est aujourd'hui professeur à Lausanne en Suisse. On lui doit notamment les serres du Parc André Citroën à Paris ou l'Ecole d'Architecture de Bretagne.

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