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TCL : interrogations sur la victoire de Kéolis

ANALYSE - Le directeur général de Kéolis, Bernard Tabary, bête noire des syndicats pour avoir mis en place le projet Edifis qui a permis de revenir sur 20 ans d'accords sociaux chez TCL, quittera ses fonctions ce jeudi. Un départ qui occasionnera une grève sur le réseau de transports en commun lyonnais. L'exploitant historique du réseau n'en a pas moins remporté une nouvelle fois en juillet dernier le marché de la gestion du réseau lyonnais de transports en commun. Un contrat juteux de 2 milliards d’euros. L’offre de Kéolis était-elle vraiment la meilleure ?

C’est un contrat en or qu’a signé le 8 juillet dernier, le gestionnaire de réseau de transports Kéolis avec le Sytral. Il conservera jusqu’en 2016 l’exploitation du deuxième réseau de transports en commun de France, les TCL. Coût pour le Sytral : 2 milliards d’euros. Bien que fortement critiqué par les syndicats pour sa gestion sociale, Kéolis avait déjà été reconduit en 2004, alors qu’un premier vote l’avait donné battu. Mais entre temps, Kéolis avait permis de débloquer un dossier cher à Gérard Collomb en décidant d’installer son siège régional dans la tour Oxygène, projet qui moisissait dans les cartons faute de locataires intéressés.

Cette fois, malgré une forte concurrence de Transdev, Kéolis faisait figure de grand favori. Quelques mois avant le vote, de nombreux élus, administrateurs du Sytral, avaient fait part à Lyon Capitale de leur préférence en faveur de Kéolis. Les syndicats du personnel des TCL se sont d’ailleurs sentis mis à l’écart, comme le regrette Denis Faye, secrétaire général du syndicat UNSA TCL qui appelle à la grève ce jeudi pour "saluer" le départ de Tabary : “les partenaires sociaux n’ont pas été invités et ils n’étaient clairement pas les bienvenus. On n’était même pas au courant du contenu des offres. En plus, l’appel d’offres a été élaboré sans qu’on soit consultés. On a senti que les élus du Sytral étaient gênés qu’on soit dans la salle. D’autant qu’il semblait que tout était déjà décidé.”

“Climat social exécrable”

Le président du Sytral a expédié la décision en quelques minutes pour des offres qui avaient demandé des mois de travail. Plus de 15 000 pages de documentation au total. Deux ans de mise en concurrence et trois offres retenues, celles de trois grands groupes : Transdev, Véolia Transports et Kéolis. Mais aucun changement à la clé.

Les élus du Sytral ont tous voté pour Kéolis, sans aucun commentaire. Seule Béatrice Vessiller, élue verte, a refusé de prendre part au vote. Elle a souligné plusieurs points qui auraient dû mettre Transdev en position de gagner l’appel d’offres et elle s’est interrogée sur la pertinence du choix Kéolis, étant donné le climat social entre les salariés et la direction, climat dont ont pâti les usagers l’hiver dernier, pris en otage dans des grèves à répétition. Et même le rapport de synthèse des offres conclut : “la démonstration de l’aptitude à dynamiser le fonctionnement interne de l’entreprise et à fédérer le personnel autour du futur plan d’entreprise aurait pu être plus convaincante”. Pour Frédéric Daubigney du syndicat Sud TCL, ce contrat a été signé au rabais. “On a un climat social exécrable aux TCL. Les agents sont démotivés : il n’y a jamais eu autant de démissions et de congés maladie.”

Kéolis est-il vraiment moins cher ?

Pourquoi, dans ces conditions, Kéolis a-t-il été retenu ? Un seul argument a été mis en avant par le Sytral : le prix. Sur le papier, Kéolis était moins cher de 8 millions d’euros que Transdev, sur un contrat se chiffrant en milliards. Ce critère est cependant très discutable. Car en réalité, Kéolis réclamera une attribution du Sytral supérieure de 40 millions d’euros à celle demandée par Transdev. Mais Kéolis assure que cela permettra d’augmenter le service, et donc les recettes d’au moins 50 millions d’euros… C’est ainsi que son offre présente, au final, le “déficit” le plus bas. Une logique très vertueuse. Mais que se passe-t-il si les recettes affichées ne sont pas atteintes ? Kéolis devra-t-il payer la différence ? Non. Un système de bonus malus est prévu, mais il ne compensera pas la différence.

Ce n’est donc qu’en 2016 qu’on pourra voir si le choix de Kéolis était effectivement le moins cher… Conclusion d’un délégué du personnel : “Kéolis n’a jamais douté qu’il serait repris. Rien ne va changer, au contraire". Les syndicats donnent trois mois au nouveau patron de Keolis qui remplacera Bernard Tabary pour négocier, le préavis de grève déposer ces jours-ci court en effet jusqu'au 28 février. Lyon risque de rester encore longtemps la capitale mondiale en terme de nombre de jours de grèves au sein des transports en commun.

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Silence du Sytral

Alors que nous l’interrogions sur certains aspects techniques de l’appel d’offres, l’attachée de presse du Sytral nous a répondu : “le président (Bernard Rivalta) a demandé à ce qu’aucune information ne soit transmise à Lyon Capitale tant que vous continuerez à parler de l’affaire de ses indemnités”. Rivalta a décidément un problème avec les lois… celles qui fixent les indemnités des élus, comme celles qui contraignent les collectivités locales à un minimum de transparence sur l’usage qui est fait des fonds publics.

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Transdev et Véolia, de “faux” concurrents

Deux mois avant que le comité du Sytral ne rende sa décision, Véolia Transports a signé sa fusion avec Transdev, créant le premier groupe privé de transports collectifs. Ce groupe est devenu leader sur le marché avec 8, 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Mais pour la délégation de service public concernant les TCL, les deux opérateurs avaient fait une offre séparée. “Techniquement, ça ne pose aucun problème mais il est sûr que politiquement, ça jouait en leur défaveur”, a expliqué une élue. Le statut d’ultra favori de Kéolis, filiale de la SNCF, ne les a sans doute pas incités non plus à reprendre leurs offres à zéro pour les fusionner.

(Dossier actualisé, publié dans le mensuel Lyon Capitale n°693).

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