Lyon vue du ciel © P Laplace

Qualité de l'air à Lyon : comment est évaluée la pollution ?

Fin janvier 2022, la Métropole de Lyon a connu un fort épisode de pollution atmosphérique. La préfecture a déclenché une alerte de niveau 2. Qui évalue la pollution ? Comment ? Quand sont déclenchés les niveaux d'alerte ? Lyon Capitale vous décrypte tout ce qu'il y a à savoir sur la qualité de l'air.

Commençons par un chiffre. Entre 2016 et 2019, Santé Publique France a estimé que près de 40 000 décès par an chez les plus de 30 ans sont liés aux particules fines, polluant atmosphérique qui s'immisce dans les poumons. Depuis une vingtaine d'années, la pollution de l'air est devenue un enjeu de santé publique. Avec succès : la pollution de l'air diminue depuis une vingtaine d'années également, selon la Drees. Pourtant, les alertes pollution se poursuivent, et les jours où la qualité de l'air est mauvaise continuent de se multiplier à Lyon.

Sur le bassin lyonnais et Nord Isère, l'agence de mesure de la qualité de l'air, Atmo, enregistre 18 journées de vigilance pollution en 2021 et 24 en 2020. Fin janvier 2022, un niveau d'alerte supérieur au niveau N2 aurait pu être déclenché dans la Métropole de Lyon, si la qualité de l'air ne s'était pas améliorée. Avec pour conséquence l'interdiction de la circulation des véhicules au-dessus du Crit'Air 1.

Les journées de pollution continuent d'être nombreuses, car les seuils de vigilance, sont revus pour être plus stricts et plus protecteurs pour la santé des populations. Sans que les arrêtés préfectoraux ne suivent aussi rapidement. Petit tour d'horizon de la mesure de la qualité de l'air et de ses évolutions, pour tout comprendre aux enjeux des pics de pollution atmosphérique.

Cinq polluants et six indicateurs

Pour estimer la qualité de l'air, Atmo mesure la présence de cinq polluants atmosphériques : le dioxyde de soufre « SO2 », le dioxyde d'azote « NO2 », l'ozone « O3 », les particules « PM10 » et les particules fines « PM2,5 ». Pour se faire, l'agence calcule leur moyenne en microgrammes par mètres cubes d'air, à la journée pour les particules, et la moyenne horaires pour les autres. Cette moyenne se traduit ensuite en indice "bon", "dégradé", "mauvais" etc. et en couleur, selon des fourchettes fixées par un arrêté du 10 juillet 2020, appliqué depuis le 1er janvier 2021. (Voir tableau ci-dessous)

L'évaluation de la qualité de l'air a évolué le 1er janvier 2021 pour ce nouveau barème. Source : Atmo France

Pour estimer la qualité de l'air du jour, Atmo choisit l'indice du polluant dont les taux sont les plus élevés. Par exemple, si tous les polluants ont pour indice "Moyen" mais que les particules PM10 sont au niveau "dégradé", la qualité de l'air du jour sera "dégradé". À noter également que "l'effet cocktail" n'est pas pris en compte. Si plusieurs polluants sont au niveau "dégradé", l'agence ne va pas estimer que la qualité de l'air sera plus mauvaise que si un seul polluant l'est.

Avant le 1er janvier 2021, ces seuils étaient différents et fixés par un arrêté du 22 juillet 2004. Et les particules PM2,5 n'étaient pas prises en compte. Pour plusieurs polluants, le niveau de concentration pour estimer un indice "mauvais" ont été abaissés. Par exemple, pour le dioxyde d'azote, le seuil passe de 200 à 120 μg/m3. Pour l'ozone de 180 à 130 μg/m3. Pour les PM10 de 80 à 50 μg/m3. Ainsi, le nombre de jours "dégradé" ou "mauvais" sont amenés à être plus nombreux qu'avant 2021. Atmo a estimé qu'ils pourraient être multipliés par 10.

Une qualité de l'air mauvaise mais pas de mesures préfectorales ?

Mesurer permet d'avoir un suivi précis de la qualité de l'air. Mais Atmo n'a pas le pouvoir d'agir pour imposer des mesures en cas de fort pic de pollution. C'est la préfecture qui s'en charge. Elle dispose de deux outils, dont le déclenchement se fait selon le niveau de pollution :

  • Seuil d'information et de recommandations : un niveau au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine de groupes particulièrement sensibles au sein de la population. Au dépassement de ce seuil, la préfecture envoie des informations à destination de ces groupes et des recommandations (non contraignantes) pour réduire certaines émissions.
  • Seuil d'alerte : un niveau au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé de l'ensemble de la population ou de dégradation de l'environnement, justifiant l'intervention de mesures d'urgence (circulation différenciée, abaissement de la vitesse, arrêt de chantier, diminution des activités industrielles...). Les mesures d'urgence sont elles-mêmes classées en deux niveaux : N1 et N2.

Pour définir les mesures à déclencher, la préfecture n'utilise pas les seuils d'Atmo, et ne prend pas en compte les particules PM2,5. Autrement dit, Atmo peut estimer que la qualité de l'air est mauvaise, mais un niveau d'alerte ne sera pas forcément déclenché, en particulier pour le dioxyde d'azote et l'ozone. La préfecture s'appuie bien sur les mesures d'Atmo, mais elle doit se conformer à l'arrêté préfectoral du 5 juillet 2017 pour toute prise de décision sur la pollution de l'air (seuils détaillés en Annexe 1).

Déclenchement par la préfecture des seuils "information et recommandation" (en orange) et "alerte" (en rouge), lors d'un épisode de pollution de l'air. Source : Atmo France

Par exemple, pour le dioxyde d'azote, le seuil du niveau "alerte" est fixé à 400 μg/msur une heure pendant 3 heures consécutives, ou 200 sur une heure pendant 2 jours. Alors que Atmo estime que la qualité de l'air est mauvaise si le seuil dépasse 120, très mauvaise s'il dépasse 340 et extrêmement mauvaise au-delà de 340.

Des critères et des seuils qui peuvent encore évoluer

Ce décalage brouille la compréhension du grand public, et les seuils préfectoraux moins protecteurs pour la santé publique. Pour rendre le tout plus cohérent, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), agence scientifique indépendante, a émis des recommandations. Elle demande de revoir les seuils d’information et d’alerte et d'y intégrer les particules PM2,5. Selon l'agence, ces seuils doivent tenir compte des nouvelles valeurs de référence publiées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ainsi, les seuils préfectoraux, et de l'agence Atmo pourraient encore être chamboulés.

Ces nouvelles valeurs ont été définies par l'OMS en septembre 2021. Elles définissent une concentration maximale à ne pas dépasser par jour, ou sur 8 heures.

  • Particules fines (PM2,5) : 15 μg/m3 de valeur moyenne sur 24 heures (5 μg/mau-dessus de l'indice "bon" de Atmo)
  • Particules grossières (PM10) : 45 μg/m3 de valeur moyenne sur 24 heures (5 μg/men-dessous de l'indice "bon" de Atmo)
  • Ozone, O3 : 60 μg/m3 de valeur moyenne sur 8 heures, saison de pointe**
  • Dioxyde d'azote, NO2 : 25 μg/m3 de valeur moyenne sur 24 heures
  • Dioxyde de souffre, SO2 : 40 μg/m3 de valeur moyenne sur 24 heures

La manière d'établir les seuils ne sont pas forcément les mêmes que Atmo. Pour l'ozone, le dioxyde d'azote et le dioxyde de souffre, ce n'est plus la moyenne sur une heure qui est pris en compte. Aussi, le seuil choisi par Atmo pour juger que la concentration de particules fines PM2,5 est "bonne" est plus bas que celui choisi par l'OMS. Assez nouveau dans l'histoire de l'humanité, l'étude de la qualité de l'air est toujours en plein tâtonnement, poussée par l'urgence sanitaire liée à la pollution.

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POUR ALLER PLUS LOIN

Marine Latham, la directrice générale d'Atmo-Auvergne-Rhône-Alpes, est l'invitée de la quotidienne de Lyon Capitale, 6 minutes chrono, le mercredi 2 février. Elle explique le rôle essentiel joué par Atmo dans la surveillance de la qualité de l'air à Lyon et dans la région.

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