Dominique Delorme lors de la présentation des Nuits de Fourvière 2016 © Tim Douet
Dominique Delorme lors de la présentation des Nuits de Fourvière 2016 © Tim Douet

Nuits de Fourvière - Lyon : “Déplacer un événement de deux mois, c'est impensable”

Le festival qui doit se tenir du 2 juin au 31 juillet est menacé par l’épidémie mondiale de coronavirus Covid-19. Une situation inédite qui oblige les équipes du festival lyonnais à explorer toutes les pistes pour que l’événement puisse avoir lieu. Dominique Delorme, le directeur des Nuits de Fourvière pense aussi à l'après-confinement et au redimensionnement “philosophique” de l'événement.

Lyon Capitale : Comment travaillez-vous actuellement sur la tenue (ou non) du festival qui doit débuter le 2 juin ?

Dominique Delorme : Ma position est simple. Il faut s'appuyer non pas sur les commentaires, mais sur le réel. Le réel, c'est les décrets. Pour l'instant, le décret qui met en place le confinement est prolongé jusqu'au 15 avril. Donc sur le plan légal, même si on sait que la vie va être différente, elle doit reprendre normalement après le 15 avril. De notre côté, les travaux des installations du festival sont censés démarrer fin avril-début mai. Donc on n'est pas encore impacté" sur le plan décisionnel, mais on réfléchit et on travaille avec l'équipe tous les jours, notamment sur la disponibilité des artistes.

“On est devant une équation à de nombreuses inconnues”

Comment gérer un programme qui court sur deux mois ?

On attend 60 spectacles différents. Parfois, il y a plusieurs artistes dans la même soirée ou plusieurs groupes. On doit avoir une centaine de productions différentes qui sont en elles-mêmes chacune une entreprise. Cette année, on propose une création sur trois soirs, Omma, de Josef Nadj. Ce dernier vit en Hongrie et parmi les huit danseurs, six vivent à plusieurs endroits d'Europe et deux en Afrique. Ils ont encore six semaines de répétitions qui devaient avoir lieu en avril-mai. Pour le moment, elles sont compromises, même si l’on réfléchit à des stratégies alternatives pour répéter.

David Kimelfeld, le président de la métropole de Lyon, a déclaré qu’un report du festival est “évident” et n’exclut pas une annulation. Etes-vous sur la même longueur d’onde ? 

Déplacer un événement de 4 jours est un sport extrêmement compliqué. Déplacer un événement de deux mois, c'est impensable. La disponibilité des artistes ne sera plus la même. Les dates empiéteraient sur les calendriers d'autres salles. Actuellement, c'est comme si l’on avançait dans des sables mouvants. On fait un état des lieux des productions pour voir ce qui tient et ce qui ne tient pas. Normalement, les artistes travaillent en avril-mai sur la préparation de la tournée (avions, hôtels, tourbus, matériel son et lumière, équipe technique). Mais là, tout le monde est dans un round d'observation pour voir comment ça s'organise. On est devant une équation à de nombreuses inconnues. La première, c’est la date de fin de confinement. La deuxième, c’est la disponibilité des artistes aux dates du festival. Et la troisième, c’est que l’on ne connaît pas les ressources que l'on aura pour faire le festival. Tant que l'on a toutes ces inconnues, la meilleure chose à faire, c'est faire l'inventaire de ce que l'on a et d'être patient, sans s’affoler, pour ne pas précipiter les choses.

“De quoi les gens auront besoin dans le contexte sanitaire dans lequel on sera ?”

Quand allez-vous avoir plus de visibilité pour prendre des décisions ?

D'ici quinze jours un mois, on n’en sait rien, on va sortir du confinement. Sur le plan sanitaire, comment allons-nous être ? Le gouvernement va-t-il d'abord autoriser les petits rassemblements puis les plus grands ? On n’en sait rien. Mais au-delà de l’aspecttechnique, il y a surtout le côté psychologique des choses. Dans quel état allons-nous sortir de ça ? Psychologiquement, de quoi auront besoin les gens ? La Culture est un facteur de construction sociale. Elle crée un récit commun. Quand les Romains sont arrivés à Lyon, ils ont construit deux théâtres qui étaient, pour chacun, quatre fois plus grands que ce qu’ils sont aujourd'hui. Quand Édouard Herriot est revenu à Lyon de trois ans de déportation, ce qu'il fait en 1946, c'est créer le festival de Fourvière alors que le contexte économique est très difficile. Les gens mangent avec des tickets de rationnement. On est dans un cataclysme social et psychologique. Mais il le fait pour réunir la population autour d'un projet commun. Ça raconte l’importance de la culture.

Le redimensionnement du festival sera aussi philosophique ?

Durant les premiers jours du confinement, on pensait maintenir le festival en l’imaginant formellement dans ce qu’il est aujourd’hui avec seulement des ajustements techniques. Aujourd'hui, on travaille plutôt sur la question : “De quoi les gens auront besoin dans le contexte sanitaire dans lequel on sera ?” Cette dimension, il faut la prendre en compte parce que l'on a déjà changé en 15 jours. Et dans un mois, ce contexte psychologique sera encore différent.

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