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“Nous sommes entrés dans la phase de ‘préparation de la mariée’” Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’Ifrap

Agnès Verdier-Molinié est la directrice de l’Ifrap, une fondation chargée d’évaluer l’efficacité des administrations et des politiques publiques. Dans Le vrai État de la France (Éditions de l’Observatoire), un essai mordant qui passe au crible notre pays à la moulinette des chiffres "mis sous le tapis", la France fait figure de mauvais élève. Entretien.

Lyon Capitale : Vous publiez un audit de la France avant l’élection présidentielle. Quelle en est la teneur générale ? Agnès Verdier-Molinié : Proposer aux citoyens de ce pays un audit avant d’aller voter et non après, comme il est d’usage de le faire. Dans cet audit, je présente une photographie de la situation réelle de la France. Ni plus ni moins. Je ne suis plus seule à sonner l’alarme. La Cour des comptes vient de le faire cette semaine et le FMI aussi. Cet état de la France est incisif et sombre. Votre discours n’est-il pas excessivement décliniste ? Justement non. Il suffit de lire quotidiennement la presse économique pour se rendre compte que la France est en train de décrocher des pays du nord de la zone euro. Compétitivité, déficit commercial… En septembre 2021, selon un sondage CSA, 62 % des Français pensent que la France est en déclin. Forcément, à quelques semaines de l’élection présidentielle, nous sommes entrés dans la phase de “préparation de la mariée” : le pouvoir d’achat n’aurait jamais autant augmenté, la croissance serait la meilleure de tous les pays d’Europe sur les cinq dernières années, le chômage n’aurait jamais été aussi bas, les impôts n’auraient jamais autant baissé, etc. Bref, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est compréhensible de la part d’un gouvernement qui souhaite être réélu. Mais attention à ne pas tomber dans le travers qui consiste à ne zoomer que sur les bonnes nouvelles en occultant les mauvaises. Les mettre sous le tapis ne contribuera pas à affronter les défis immenses qui ne vont pas tarder à se présenter à nous. Dans son dernier rapport annuel, rendu public mi-février, la Cour des comptes sonne l’alarme sur la persistance du déficit public structurel et la dette publique. C’est aussi, selon vous, le gros point noir de la France ? La Cour des comptes et la fondation Ifrap pointent les mêmes difficultés pour nos finances publiques. La dette et le déficit sont effectivement les sujets les plus inquiétants pour l’avenir. La dette s’élèvera fin 2022 à environ 2 950 milliards d’euros, soit autour de 113 % du produit intérieur brut. C’est un niveau tout simplement gigantesque, jamais égalé dans l’histoire de la Ve République. En 2022, la dette de la France représente désormais 44 000 euros par Français, contre 20 000 euros en 2012. Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, la dette a explosé, on est à 690 milliards de plus en cinq ans, alors qu’elle avait déjà augmenté de près de 400 milliards sous le quinquennat de François Hollande et de plus de 600 milliards sous celui de Nicolas Sarkozy. Aucun autre pays de la zone euro ne s’est endetté autant en valeurs ! Depuis le début de la crise, nous empruntons entre 300 et 400 milliards d’euros par an pour faire tourner la maison France, toutes administrations publiques confondues. Autrement dit, nous allons continuer à emprunter près d’un milliard d’euros par jour pour financer la nouvelle dette et faire “rouler” l’ancienne, c’est-à-dire se rendetter pour ne pas avoir à rembourser le capital quand sonnera l’heure de l’échéance. Par ailleurs, notre déficit structurel, comme le rappelle la Cour des comptes, est colossal et s’est creusé avec la crise.

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